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jeudi 18 avril 2024

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IUTS: voici ce qu’il coûtera aux fonctionnaires ! (Itw avec le SG/syndicat des Impôts)

Nongo Grégoire Traoré, inspecteur des impôtd et par ailleurs, secrétaire général (SG) du syndicat national des agents des impôts et des domaines (SYNAID) a accordé une interview à minute.bf sur en lien avec les impôts uniques de traitement et salaires (IUTS) qui font des gorges chaudes au sein des fonctionnaires. En effet, cette année 2020, le gouvernement a décidé d’imposer l’IUTS sur primes et indemnités aux travailleurs de l’Etat. Mais cette nouvelle a été mal accueillie par les travailleurs du public qui, à travers divers cadres de rencontre, ont dénoncé cette mesure du gouvernement. Dans cet entretien accordé à minute.bf, le SG du SNAID revient sur l’impact qu’aura l’IUTS dans la vie des travailleurs.

Minute.bf : Que peut-on entendre par l’IUTS appliqué aux primes et indemnités tel que voulu par le gouvernement burkinabè?


Nongo Grégoire Traoré : Pour le profane, il faut retenir que l’IUTS c’est l’Impôt Unique sur les Traitements et Salaires. Au Burkina, nous sommes dans un système cédulaire. Cela veut dire qu’on met l’impôt en fonction des cédules du revenu (feuillet de déclaration du revenu). En effet, chaque revenu est imposé. Par exemple celui qui a des bâtiments en location, il y a ce qu’on appelle l’impôt foncier qui s’applique sur le loyer qu’il reçoit. Celui qui a une entreprise, il y a l’impôt sur les sociétés. Pour les commerçants par exemple, il y a l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux qui s’applique à eux, etc. Pour celui qui a un salaire, il y a un impôt sur le salaire qui est l’Impôt Unique sur les Traitements et Salaires (IUTS). Ainsi, l’IUTS est un impôt qui est perçu sur les salariés. Il est retenu directement à la source en ce qui concerne les agents publics. Pour ce qui est du secteur privé, c’est l’employeur qui perçoit et qui reverse à l’Etat. Pour l’employé du privé, la loi a prévu de faire un abattement uniquement de 20 % pour les cadres supérieurs en ce qui concerne leurs frais de charges et 25% pour les cadres inférieurs.
Autrement dit, l’Etat considère que les dépenses réunies de loyer, de nourriture, de santé, de scolarité des enfants, de déplacement d’un employé doivent représenter 20%. Donc si l’employé à un salaire de 100 000 FCFA, on déduira 20 000 et les 80 000 FCFA sont frappés par l’impôt. Alors que dans la réalité, ce n’est pas cela. Il y a des employés par exemple qui ont toujours leur compte en négatif à la fin du mois parce qu’ils n’arrivent pas à couvrir leurs charges. Voilà pourquoi c’est un impôt qui frappe durement les travailleurs. C’est là de façon globale ce que l’on peut dire de l’Impôt Unique sur les Traitements et Salaires.


Minute.bf : Précisement, qu’est-ce que les travailleurs dénoncent donc sur l’IUTS?


Nongo Grégoire Traoré : Il faut rappeler d’abord qu’au niveau du public, l’IUTS est payé, comme au privé. Il se trouve que depuis son institution en 1970, l’IUTS n’était pas appliqué sur les primes et indemnités des travailleurs du public. La rémunération brute des salariés étant composée du salaire brut et des indemnités, c’est uniquement sur le salaire de base que l’IUTS était appliqué au niveau du public. Alors que dans le privé, en plus du salaire de base de l’employé, l’IUTS est appliqué à leurs primes et indemnités. Cependant, il est vrai que pour certaines primes et indemnités, il y a des seuils d’exonérations. Par exemple pour les primes de logement, la loi dispose que jusqu’à 50 000 FCFA, sous contrainte de 20% du salaire brut, il y a exonération. Pour la fonction, jusqu’à 30 000 FCFA sous contrainte de 5% du salaire brut, il y a exonération. En ce qui concerne le transport, c’est la même chose. Dans le public, l’IUTS appliqué aux primes et indemnités tel que expliqué pour les salariés du privé n’était pas appliqué et jusqu’à présent, l’Etat n’a pas pu expliquer pourquoi ce n’était pas le cas. Nous, au niveau du mouvement syndical, connaissant l’historique de l’impôt, nous savons que l’IUTS a été institué dans un contexte exceptionnel. C’est vrai qu’il y a des gens qui font des théories pour dire qu’avant, les travailleurs payaient l’impôt. Oui certes, les travailleurs payaient l’impôt avant, mais ce qu’il faut savoir c’est qu’avant, il y’avait trois cédules d’impôts à savoir, l’impôt progressif sur le revenu, l’impôt cédulaire, l’impôt forfaitaire sur le revenu. Ces trois réunis n’étaient pas rentables.
Donc en 1970, l’Etat a fondu ces trois impôts et les a reformulés pour faire face aux difficultés. Naturellement, les recettes ont augmenté mais qui parle d’augmentation des recettes parle de contribution des salariés. Or, avant, malgré les trois types d’impôts ce n’était pas rentable donc on ne peut pas nous brandir l’argument comme quoi, les travailleurs payaient l’impôt avant. Ce qu’il faut retenir tout simplement, c’est que la réforme de 1970 avait pour but de faire face aux difficultés que l’Etat traversait.
Je prends un exemple, pour expliquer le principe. Selon les textes en la matière, les avantages en nature sont exonérés. Cela veut dire quoi concrètement ? Pour un enseignant par exemple qui est logé, le bâtiment dans lequel il loge est exonéré, c’est-à-dire que l’Etat ne doit pas calculer la valeur du logement pour le faire payer. Dans le privé, quand l’employeur te donne une maison en location, on calcule la valeur et on impose. Les ministres qui ont des véhicules de fonction, sont exonérés. Dans le privé par contre, les cadres qui ont des véhicules de fonction, l’Etat calcule la valeur et y applique l’impôt. Vous voyez que dans la fonction publique il y a une certaine exonération. La Question qu’il faut se poser c’est qu’en 1970, combien d’agents publics n’étaient pas logés ?
Dans le principe c’est comme si l’Etat devait loger tous les agents publics. Les enseignants jusqu’à nos jours sont logés dans les écoles. Le mécanisme est que celui qui est logé comme certains enseignants, ceux de la santé, n’a pas d’indemnité, donc pas d’imposition. Pour celui qui n’est pas logé, on lui donne une indemnité compensatrice parce que l’Etat devait le loger comme celui qui est logé.
Dans notre entendement, l’Etat doit loger tous ceux qui ont une charge publique tout comme les ministres sont logés, tout comme le président est logé. Quand on n’arrive pas à te loger, ce qu’on te donne en réalité, c’est un remboursement de frais. On ne devait même pas l’appeler indemnité. Sinon l’argument que certains faux techniciens de la Direction Générale des Impôts (DGI) avancent en disant que c’est parce que le seuil de logement n’atteignait pas 50 000 franc est fallacieux. Il y en a dont les seuils dépassaient mais n’étaient pas imposés.
Je rappelle que les émoluments des ministres dépassaient cela mais ils n’étaient pas imposés. Je vous rappelle que ce n’est qu’en 2015 que les émoluments des députés ont été soumis à l’imposition. Donc en réalité, l’application des impôts sur les indemnités n’a rien à voir avec la dernière augmentation du revenu des salariés. Au contraire, l’Etat veut profiter du fait des augmentations pour donner de la main droite et récupérer de la main gauche. Est-ce qu’au moment des négociations, si l’Etat avait dit qu’après l’impôt sera appliqué, les syndicats allaient demander 10 000 ou 20 000 francs ?
Minute.bf : L’Etat avance l’argument selon lequel, suite aux revendications, les travailleurs ont vu leurs avantages augmenter donc il faut appliquer l’impôt sur ces primes pour une question d’équité avec les salariés du privé…

Nongo Grégoire Traoré : Pour revenir à la question d’équité, la revendication du mouvement syndical est simple. Vous savez que dans l’UAS (Ndlr; Unité d’action syndicale) il y a le privé et le public. L’Etat veut utiliser cette question pour diviser les travailleurs, ce qui est malsain. De la revendication de l’UAS, il y a eu des concertations des travailleurs du privé et du public et cela ne date pas d’aujourd’hui, mais bien avant la transition. A l’UAS, nous avons demandé l’exonération des primes et indemnités dans le privé et le parapublic comme dans le public. Si nous avons demandé cela, c’est parce que dans le privé, rares sont les travailleurs qui perçoivent des indemnités au-delà de 50 000 FCFA ou 75 000 FCFA. Nous avons un secteur privé qui rend les travailleurs esclaves. Il y a des gens qui ont des contrats d’un mois renouvelable n-fois ou d’un an renouvelable n-fois. Les travailleurs n’ont même pas un bon contrat. Nous avons demandé la relecture du code du travail.
A part les mines, les banques, les assurances et quelques sociétés d’Etat il y a combien de travailleurs dans les autres secteurs d’activité du privé qui ne sont pas assurés ? Dans le privé, si l’on fait le bilan, il n’est pas sûr que la moitié des travailleurs soient assurés. Cela est loin d’être une équité.
Nous avons dit que notre revendication avait aussi pour but de soulager tous les travailleurs du privé parce qu’il n’y a que quelques-uns parmi eux qui ont des rémunérations qui atteignent le seuil et cela les frappe lourdement. Lorsque l’Etat fait une augmentation au niveau du public, il n’y a aucune répercussion au niveau du privé. Il y a des travailleurs du privé qui peuvent faire vingt ans sans augmentation de salaire. Nous avons dit que l’équité doit se conjuguer dans la positivité et non dans la négativité.
Pour nous, cette mesure est une politique que l’Etat utilise pour diminuer les salaires des agents de la fonction publique. N’oubliez pas que depuis leur histoire de la remise à plat des salaires, ils avaient dit que la masse salariale est élevée et qu’il faut trouver des mécanismes pour la revoir à la baisse. Donc en augmentant l’IUTS, cela augmentera les recettes de l’Etat, et du même coup, en diminuant les salaires des travailleurs, la masse globale diminue.

Minute.bf : Concrètement, si cela est appliqué, quel sera son impact sur la vie du travailleur ?

Nongo Grégoire Traoré : D’abord, la loi telle que formulée, c’est de la duperie que l’Etat ventile dans l’opinion. La loi dit que pour l’indemnité de logement, l’exonération est de 20% du salaire brut sans dépasser 75 000 F CFA. Pour l’indemnité de fonction, la loi dit que c’est 5% du salaire brut sans dépasser 30 000 FCFA. Mais l’Etat propose de relever ces 30 000 FCFA à 50 000 FCFA. Ces 5% vont donc dépasser les 50 000 FCFA. Pour quelqu’un qui a un salaire de 200 000 FCFA, l’exonération de fonction de 5% lui fera 10 000 FCFA. Cela ne profite à rien. Par contre, pour une personne qui a un salaire d’un million de FCFA, l’exonération de 5% est de 50 000 FCFA. La réforme est-elle faite pour soulager les petits salaires ou les gros émoluments ?
Une autre incohérence que nous avons relevée est qu’aucun travailleur n’a d’indemnité de transport. Aussi, dans le domaine des transports, ceux qui devraient supporter les charges, ce sont ceux qui ont des V8 comme véhicules de fonction. Mais l’Etat a dit dans la loi que c’est exonéré.
L’indemnité de fonction dans le public est très large. Il y a l’indemnité d’astreinte, de caisse, des indemnités spécifiques, de judicature pour les magistrats, indemnité de risque au niveau de la santé et l’indemnité vestimentaire pour ceux qui sont des affaires étrangères, etc. Il y a une panoplie d’indemnités et c’est le tout cumulé qui est comparé aux 5% du salaire brut.

Dans le privé, si vous avez votre salaire à la fin du mois, vous pouvez calculer et voir si votre IUTS a diminué ou pas. Dans le privé, de 1 franc jusqu’à 500 000 FCFA, quel que soit le montant des indemnités à l’intérieur (10 000, 20 000, 75 000 ou 100 000 FCFA), il n’y aura aucune diminution de l’IUTS ; tu payeras toujours la même chose comme avant. Ceux qui vont avoir une diminution, c’est à partir de 600 000 jusqu’à 1 million, voire 5 millions de F CFA. Là, la diminution va de 3 000 à tout au plus 8 750 FCFA que l’on peut arrondir à 10 000 F FCA parce qu’il y a souvent des fourchettes.
Est-ce cela la justice fiscale ? Par contre, au niveau de la fonction publique, avec les catégories D et E, c’est-à-dire celui qui a un salaire brut de 75 000 FCFA avec à l’intérieur 12 000 FCFA comme indemnité, il va voir son IUTS augmenter de 1 000 F CFA, c’est-à-dire une diminution de salaire de 1 000 F CFA. La catégorie C, ceux qui ont été recrutés avec le niveau BEPC, eux, ils ont des salaires bruts de 150 000 F CFA avec des indemnités à l’intérieur. Si les indemnités sont imposées, ils auront une diminution de salaire de 4 700 F CFA au minimum car en fonction de l’ancienneté, ça augmente et ceux qui ont plus payeront plus. La catégorie B, ceux qui sont recrutés avec le niveau Bac ont un salaire brut de 200 000 FCFA en moyenne sans l’IUTS. Si on élargit, ils vont payer autour de 6 900, 7 000 F CFA en plus de ce qu’ils payaient avant. Pour la catégorie A, ils ont en moyenne autour de 300 000 F CFA en plus des indemnités. Si l’on élargit l’IUTS, ils supporteront 10 000 F CFA (pour les débutants) de diminution de salaire, 15 000 à 20 000 F CFA en fonction de l’ancienneté, voire 30 000 F CFA pour ceux qui sont proches de la retraite. Pour la catégorie U qui concerne les médecins, ils auront une diminution de 35 000 F CFA par mois. Pour les catégories P2, ceux qui ont des statuts particuliers au niveau des corps militaires et paramilitaires, ils se retrouveront avec une augmentation de l’IUTS de l’ordre de 93 000 F CFA. Pour les catégories P1, c’est-à-dire les professeurs d’universités, les magistrats, dont les salaires bruts tournent autour de 1 500 000 F CFA, ils vont se retrouver avec une diminution de près de 175 000 F CFA minimum sinon 200 000 F CFA ou plus pour certains. Voilà de façon concrète, ce que chacun va supporter.

Minute.bf: Pensez-vous que c’est une manœuvre politique…


Nongo Grégoire Traoré : C’est une décision politique. Vous avez vu toute la difficulté que la DGI a eue pour expliquer techniquement sur les plateaux de télévisions quand ils ont vu la mobilisation le 3 janvier (ndlr ; 2020). Sur un autre plateau de télévision, ils ont demandé à un conseiller technique de prendre l’exemple sur quelqu’un qui a 200 000 F CFA. Il a dit que pour calculer l’IUTS, il faut au minimum 10 étapes, qu’il est un enseignant et qu’il ne pouvait pas faire le calcul pendant l’émission. Il devait calculer les étapes pour dire aux gens combien ils vont supporter afin que celui qui voudra démentir puisse venir avec des preuves pour le faire d’autant plus qu’ils ont déjà fait des simulations. Ensuite, le DG des impôts lui-même est passé au journal télévisé de 20h de la RTB le 3 janvier, où il a eu toutes les difficultés pour expliquer combien les gens vont supporter. Il a dit que dans le privé, certains auront une diminution de 55 000 FCFA de leur IUTS à payer. C’est archi faux ! La diminution maximale tourne autour de 10 000 F CFA ; les 55 000 F CFA, ce sont les montants bruts qui seront exonérés mais ce n’est pas l’IUTS. Tout cela, c’est pour vous dire que ce n’est pas une question technique, c’est une question politique. Et face à une décision politique, il faut une réaction politique. La réaction politique ici, c’est l’organisation des travailleurs pour faire face à cette diminution de salaires qui ne s’explique pas.


Minute.bf : Mais l’Etat avance la raison selon laquelle l’IUTS sur les indemnités n’est pas un fait nouveau, alors pourquoi tous ces remous autour de la question selon vous ?


Nongo Grégoire Traoré : Le 3 janvier 2017 nous avions fait une communication ainsi que le 3 janvier 2019 pour préparer les travailleurs. Nous disons que c’est une décision politique donc, ils calculent le moment opportun pour faire un passage en force. Pourquoi depuis 2017, ils n’ont pas appliqué l’IUTS ? Quand ils ont voulu l’appliquer, au temps de la ministre Rosine Sori/Coulibaly (ancienne ministre des finances), elle a voulu divertir les gens sur la question des fonds communs pour au même moment faire passer la pilule en bas. Ainsi, à un moment, l’étau s’est resserré autour d’elle dans le secteur des finances, une crise qu’elle n’arrivait pas à gérer.
Quand ils ont fait la conférence de la remise à plat, ils ont dit dans le rapport que les gens auront une augmentation de 29 000 F CFA. Qui a eu 5 francs jusqu’à aujourd’hui ? Vous dites que les gens auront une augmentation de salaire, vous ressortez et vous venez appliquer une mesure où les gens auront une diminution de salaire.
C’est face à la fronde sociale que le gouvernement avait reculé. La ministre Sori/Coulibaly avait déjà fait des simulations et disait qu’il fallait seulement cliquer au niveau du trésor pour actionner les choses. La fronde s’est calmée un peu au niveau du MINEFID ; il y a un nouveau ministre qui est arrivé et qui pensait que la situation est favorable maintenant pour passer alors que ce n’est pas une question du MINEFID, c’est plutôt une question nationale.
Cette lutte va le plus impacter ceux qui ont les statuts particuliers : les professeurs d’université, les militaires, les paramilitaires, ceux qui au niveau des EPE qui ont des indemnités plus conséquentes, au niveau des collectivités territoriales ensuite les catégories A, B, C et tout le monde… Ils (les gouvernants)voient actuellement que le rapport de force est en leur faveur pour aller à l’IUTS, ce n’est pas une question technique. Nous expliquons techniquement afin que les gens sachent ce qu’ils vont subir. C’est une décision politique qui a été votée. C’est pourquoi, l’UAS a rencontré l’opposition et l’APMP pour leur expliquer et les mettre en garde. Ils ont dit que c’est une mesure pour favoriser les gens. En quoi une diminution favorise-t-elle les gens ? Ils ont dit que c’est une question d’équité. Mais en quoi, pour une question d’équité, toi-même qui est le responsable à l’intérieur, es exonéré sur tes véhicules de fonction et tes bâtiments que tu habites pour venir imposer aux petits salariés ? Est-ce cela l’équité ?

Minute.bf : Le législateur et les membres de l’exécutif seront-ils également impactés par cette mesure ?

Nongo Grégoire Traoré : Ils sont touchés mais de façon disparate. Les indemnités ne concernent pas seulement le logement et la fonction. Quand on prend le logement par exemple, celui qui est logé n’a pas droit à l’indemnité. Donc, comme les ministres ont des V8 (voitures) de fonction, des villas, l’IUTS les frappe moins que le petit salarié parce que l’impôt, c’est en fonction du revenu et du niveau. Quand on parle d’équité, ils devaient être beaucoup plus frappés. Donc, on devait évaluer la Présidence du Faso, là où dort le président du Faso et calculer pour qu’il supporte l’impôt. Les véhicules de fonction qu’ils ont, tout le personnel de ménage ; par exemple l’épouse du président a recruté une coiffeuse qui est devenue chargée de mission. On devait évaluer son revenu, ajouter au revenu du président ou de l’épouse du président et imposer l’IUTS là-dessus.

Au niveau judiciaire, les jeunes magistrats sont frappés. Ce ne sont pas tous les magistrats qui sont logés. C’est dire que ce sont les hauts magistrats qui sont logés, qui ont des véhicules de fonction et qui sont épargnés sinon, le magistrat qui est assimilable au bas peuple, aux autres fonctionnaires sera frappé. Au niveau des députés à l’Assemblée nationale (AN), si on veut appliquer correctement la loi, même leurs indemnités au-delà de celles des sessions devaient être récapitulées pour être frappées par l’IUTS. Mais, un budget qui n’est pas contrôlé, qui va aller appliquer cela ? C’est cela que nous dénonçons.


Minute.bf : Par rapport à l’IUTS appliqué aux indemnités des Forces de Défense et de Sécurité, une décision gouvernementale sur instruction du président du Faso les dispenserait de cela. Qu’en dites-vous ?


Nongo Grégoire Traoré : Nous nous réjouissons car pour nous c’est une suite logique. Les syndicats sont cohérents envers eux-mêmes. Nous avons dit de ne pas imposer les primes et indemnités des agents publics dont les FDS. Le fait qu’on dit que telle personne n’est pas imposée nous réjouit. Maintenant nous avons dit justice pour justice. Les FDS tout comme les agents de santé qui se trouvent à Tongomael au sahel sont également des agents de l’État. Quand ils sont victimes, qui les prend en charge ? Combien d’enseignants sont morts ? C’est parce qu’ils ont peur de ceux qui sont en face, raison pour laquelle ils frappent ceux qui sont inoffensifs.
Par exemple, Il y a une loi qui a été prise pour que les ayants droits des victimes de terrorisme ne soient pas imposés. Initialement, cela ne concernait uniquement que les FDS mais une fois que le projet a été soumis à l’assemblée pour être adopté au fil des discutions, ils ont dit d’élargir à tout citoyen qui serait victime du terrorisme. Au même moment qu’une telle loi existe, un gouvernement vient, à l’intérieur de l’IUTS, pour prendre un texte pour exonérer les FDS et puis laisser les autres agents publics. Voilà pourquoi nous avons dit qu’il faut exonérer les agents du privé aussi parce que tous ceux qui sont dans ces zones, sont sous la menace des terroristes.
L’autre argument que l’État avance est la question de recettes, et nous avons énuméré les différents points où l’État doit aller chercher l’argent. Il faut arrêter la gabegie. Le contrôleur de l’État a relevé des irrégularités dans la gestion du carburant même à la présidence du Faso. A l’Assemblée nationale le budget est passé du simple au double en 2015.
Au niveau de l’Assemblée nationale, quand le budget est passé de 8 milliards à 20 milliards FCFA en 2016, le mouvement syndical a dénoncé cela. Nous avons fait une communication là-dessus. Mais ils ont dit que l’augmentation était normale. Il y avait 4 milliards de FCFA qui étaient destinés à la construction de l’AN, peut-être que cela est passé inaperçu mais vous pouvez consulter les archives et voir s’il y a eu la pose de la première pierre de l’AN. Si oui, avec cette somme, on ne se limite pas à la première pierre. Est-ce qu’il y a eu réception ? Mais, le même budget a encore été reconduit en 2020. Ils refusent le contrôle de l’ASCE-LC alors qu’entre eux il ressort qu’il y a eu des missions non-justifiées. Je cite les propos très édifiants du contrôleur général : « Un des problèmes que nous posons chaque fois au gouvernement est la question du secret-défense. Normalement, nous sommes fondés pour contrôler l’utilisation de l’argent public. Or, quand nous sommes en contrôle au niveau du ministère de la défense, on nous sort chaque fois le secret-défense et quand nous demandons des documents légaux pour tel ou tel aspect, on nous dit, c’est le secret-défense. Nous avons écrit au Président du Faso pour lui dire que l’augmentation du budget de la défense devait s’accompagner d’un contrôle plus sérieux de l’utilisation de cet argent. Lors de l’attaque de l’Etat-major, le soldat qui était de garde a vu son arme enrayer. Quand nous avons gratté un peu, il s’avère que ce sont des armes qui ont été achetées dans un pays où les armes ne supportent pas la chaleur ». Cette information a été relayée par la presse, nous n’inventons rien.
Le problème qui se pose actuellement, c’est une question de gestion vertueuse. Si vous ne luttez pas contre ces questions : la fraude, les malversations financières, les détournements, avec ce qui se passe aujourd’hui, nous sommes dans la même situation qu’en 1966 avec la gestion « gabégique » du président Maurice Yaméogo. Il a dit que les caisses étaient vides et qu’il fallait rabattre les salaires de 20%, diminuer les allocations familiales de 1500 à 700 F CFA et bloquer les avancements pendant 2 ans. C’est cela qui a poussé le mouvement syndical à sortir à l’époque. Quand vous faites le parallèle aujourd’hui avec la diminution des salaires des agents publics de l’Etat par l’élargissement de l’IUTS face à la gabegie, il n’y a aucun travailleur de la fonction publique qui vit honnêtement de son maigre salaire qui puisse dire qu’il revendique l’élargissement de l’IUTS sur ses primes et indemnités. Je n’en vois pas. Je ne parle pas des chefs de service qui vivent des frais de missions à n’en pas finir, des directeurs des marchés publics qui détournent les fonds…

Minute.bf : Nous avons fait le tour d’horizon des questions en ce qui concerne l’IUTS, votre mot pour clore l’entretien ?

Nongo Grégoire Traoré : Nous pouvons dire que la fronde sociale est en ébullition. La rémunération du travailleur est une question privée qui touche directement l’individu. Quand on veut prendre une mesure, on calcule le pour et le contre pour savoir ce que l’on gagne. Si l’Etat, réellement comme il est dit, recherche les 3 milliards ou plus que cela, nous pensons que trop d’impôts tuent l’impôt. Il y a des niches fiscales ; il y a des milliers, voire des millions de commerçants qui ne payent même pas 5 F CFA dans l’année. Un travailleur qui paye l’IUTS de 10 000 F CFA par mois, si l’on multiplie par 12, on a 120 000 F CFA l’année. Pourtant, il se trouve que celui qui paye 10 000 F CFA n’a pas un salaire de plus de 200 000 F CFA. Le commerçant qui fait des chiffres d’affaires de centaines de millions, voire des milliards ne paye pratiquement rien y compris la TVA qui est fournie, plus ce qu’il devait payer sur les bénéfices. Rien n’est payé. Nous pensons que ce n’est pas juste et que mieux vaut arrêter l’hémorragie pendant qu’il est temps pour ne pas créer des situations désastreuses. Quand nous avons écouté le président du Faso, il dit qu’il demande une trêve sociale. Mais on ne peut pas demander une trêve sociale et diminuer les salaires.


Interview réalisée par Hamadou Ouédraogo
Minute.bf

2 Commentaires

  1. « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère . »

    « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple »

    Président Thomas Isidore Noël SANKARA

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