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vendredi 29 mars 2024

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« C’est notre détermination qui amènera le gouvernement à nous respecter » (SG/F-SYNTER)

Souleymane Badiel est le Secrétaire général (SG) de la fédération nationale des syndicats des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F-SYNTER). Dans cet entretien accordé à www.minute.bf, il revient sur les risques dans l’application de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) dans son format actuel prôné par le gouvernement. Aussi, des engagements ont-ils été pris par le gouvernement dans le secteur de l’éducation, qui peinent aujourd’hui à être mis en œuvre. Le SG du F-SYNTER a appelé les autorités du secteur de l’éducation au respect de leurs engagements. Lisez-plutôt !

Minute.bf : Comment se porte la F-SYNTER ?

Avant de revenir à votre question, nous sommes en début d’année, aussi voudrais-je saisir l’occasion pour présenter mes meilleurs vœux et vous remercier pour l’opportunité que vous nous donnez de nous adresser à vos lecteurs, à l’ensemble des travailleurs, en particulier aux travailleurs de l’éducation et à toute la population.

Pour revenir à votre question, évidemment, la FSYNTER se porte bien. Nous sommes en pleine construction de notre fédération. Le point que l’on peut faire à ce niveau est que les différentes structures prévues pour animer la fédération sont en train d’être mises en place progressivement. Egalement, nous faisons le constat d’une mobilisation forte au sein des structures de notre fédération. Pratiquement chaque jour, ce sont des travailleurs qui arrivent dans l’éducation et qui viennent au niveau de la FSYNTER pour demander à adhérer à la fédération. La SYNTER se porte bien également d’autant plus qu’elle est sur le terrain de la prise en charge des préoccupations des travailleurs de l’éducation et contribue à la lutte générale des travailleurs au sein des organes supérieurs tels que la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGTB) et l’Unité d’Action Syndicale (UAS). Elle contribue également à travers sa centrale à la lutte générale de notre peuple pour un devenir meilleur. Donc, du point de vue politique, du point de vu organisationnel, je peux dire que la FSYNTER se porte bien.

Minute.bf : Le gouvernement a récemment annoncé la mesure d’application de l’IUTS sur les primes et indemnités perçues par les fonctionnaires. Comment cette nouvelle a été accueillie au niveau de la FSYNTER ?

C’est une annonce que je pourrais dire malheureuse et qui, de notre point de vue, traduit le fait que le pouvoir du MPP parle beaucoup de dialogue dans les médias mais dans la réalité sur terrain foule au pied le principe même du dialogue social en ce sens que l’IUTS est une question portée par l’UAS et qui est formulé à travers une revendication claire dans le cahier de doléance de 2015. Il y a effectivement un certain nombre d’engagements qui étaient pris dans le sens d’examiner la question pour regarder comment le gouvernement peut répondre à la revendication du mouvement syndical qui est la suppression de l’IUTS sur les primes et indemnités au niveau du privé. C’est cela la revendication et la commission que le gouvernement avait accepté de mettre en place, avait pour but d’examiner comment répondre à cette revendication. Au lieu de cela on voit que le gouvernement de façon unilatérale dans la loi de finance 2020 a prévu plutôt d’étendre l’application de l’IUTS sur les primes et indemnités servies au niveau des fonctionnaires de l’Etat. Il est évident que l’annonce d’une telle mesure, je ne dirais pas que c’est une frayeur pour les travailleurs, bien au contraire, en tant que responsables syndicaux nous ne sommes pas surpris. Ce qui convient de faire, c’est de regarder la réponse qui doit être donnée à cette annonce du gouvernement.

Minute.bf : Dans une situation sécuritaire assez préoccupante au Burkina, ne pensez-vous pas que les frais supplémentaires prélevés à travers l’impôt sur les primes et indemnités peuvent supporter l’effort de guerre tant prôné par le gouvernement ?

« La trêve sociale ne peut s’obtenir s’il n’y a pas une option de discussion franche et de rapport de traitement avec les organisations syndicales… »

Vous savez, l’effort de guerre, les travailleurs le consentent quotidiennement. Quoiqu’on dise dans un pays, la richesse, ce sont les travailleurs qui travaillent à la créer et nous sommes à nos postes de travail. Donc quotidiennement nous travaillons, nous créons de la richesse pour participer à cet effort de guerre. Maintenant, il faut le reconnaitre et le dire clairement, l’effort de guerre ne peut pas être consenti uniquement par une partie de la population de façon constante. Quand je prends au niveau de l’éducation, nous payons un lourd tribut par rapport à cette situation sécuritaire. Connaissez-vous le nombre important d’enseignants qui ont perdu leur vie dans cette situation sécuritaire ? Connaissez-vous le nombre d’écoles qui sont fermées, le nombre d’élèves qui ne peuvent pas avoir accès à l’éducation ? Aujourd’hui dans certaines localités, malgré le fait qu’il n’y ait plus de présence d’administration (préfet et de maire) dans des zones comme Matiakoali, des enseignants sont encore à leur poste et travaillent malgré les risques sécuritaires. C’est cela aussi l’effort de guerre. L’effort de guerre ne doit pas être perçu uniquement comme des questions de contributions financières, quoi que même sur ce plan nous faisons des efforts énormes. Du reste, l’IUTS en lui-même a été institué en son temps pour faire face à des difficultés ponctuelles de l’Etat à l’époque. De ce point de vue, tout ce qui devrait toucher l’IUTS devrait être une question discutée préalablement avec les organisations syndicales afin qu’elle puisse en être une décision consensuelle.

Minute.bf : Certains syndicats se disant patriotes soutiennent le gouvernement dans son élan. Quel commentaire en faites-vous?

Je ne sais pas si le rôle d’un syndicat, c’est de soutenir le gouvernement. Le rôle d’une organisation syndicale, c’est de défendre les intérêts matériels et moraux de ses militants et des travailleurs de façon générale. On ne crée pas un syndicat pour soutenir le gouvernement. Si on veut soutenir le gouvernement, on crée une autre organisation et non une structure syndicale.

Minute.bf : Si malgré les protestations, le gouvernement persiste à appliquer l’IUTS sur les indemnités, quelle sera la réaction de la F-SYNTER ?

Il n’y aura pas de façon isolée, de réaction de la F-SYNTER parce que c’est une question transversale. C’est une question qui est portée par l’Unité d’Action syndicale (UAS) qui a ténu une importante rencontre le 3 janvier dernier et qui a réaffirmé sa position sur cette question de l’IUTS. La question va être portée dans ce cadre unitaire là et non dans le cadre de la F-SYNTER. Du reste, nous faisons le point  avec nos militants qui sont en attente qu’il y ait une réaction appropriée au cas où le gouvernement s’entête à faire un passage en force sur cette question. Je pèse bien mes mots parce que, si cela intervient, ce sera perçu comme un passage en force. S’il y a un passage en force, les organisations syndicales, les travailleurs se donneront les moyens d’y répondre de façon appropriée.

Minute.bf : Devons-nous craindre des mouvements si l’IUTS, dans sa forme actuelle, est appliquée ?

Ce sont les travailleurs, les organisations syndicales et leurs instances qui vont déterminer la forme de la réaction. Mais, ce qui est évident, c’est que, s’il y a un passage en force, nécessairement, il y aura une réaction de la part des travailleurs et des organisations syndicales.

Minute.bf : Déjà, le Ministre de l’économie avait annoncé que l’IUTS sera appliqué en janvier 2020…

Le tout n’est pas de dire qu’une mesure a été annoncée. Nous connaissons beaucoup de mesures qui ont été prises comme la Taxe de Développement communale (TDC), mais, elle a été abandonnée. Du reste, il y a une année antérieurement, dans la même loi de finance, le gouvernement avait prévu de faire passer l’IUTS sur les indemnités et primes, mais, il ne l’a pas fait. J’ose croire que le gouvernement prendra la mesure de la situation sociale qui est déjà difficile dans notre pays et qu’il ne va pas, par cette question-là, chercher à en remettre inutilement. Je pense qu’il doit savoir raison gardée et comprendre que les travailleurs sont face à des situations difficiles et qu’ils n’ont pas besoin qu’on leur en rajoute cela.

Minute.bf : La F-SYNTER ayant été partie prenante des accords qu’il y a eus avec le ministre de l’éducation, dites-nous, quel est le niveau actuel de la mise en œuvre de ces accords ?

Le paradoxe avec le gouvernement de ce régime, pendant qu’il saccage les acquis sociaux des travailleurs tel qu’il est en train de le faire actuellement à travers l’IUTS, les engagements qu’il a pris, il ne se donne pas les moyens de les appliquer comme il se doit. La coordination nationale des syndicats de l’éducation a fait le point de l’application de son protocole en décembre juste avant les congés du premier trimestre et a tiré la conclusion que de nombreux engagements n’ont pas été mis en œuvre. Même le statut qui a été un des derniers points sur lequel on s’est accordé avec le gouvernement, on trouve aujourd’hui que le gouvernement traine les pieds pour son application. L’affaire des indemnités contenues dans le protocole d’accord et qui devraient être réglées avant la fin de l’année 2019 ne le sont pas et, en même temps, on cherche à pressurer les travailleurs en voulant mettre sur leurs indemnités et primes des questions d’IUTS. C’est pourquoi, pour nous, cette attitude apparait plus comme une provocation. Et si tel est le cas, les travailleurs vont répondre de façon appropriée.

Minute.bf : Avez-vous un mot pour clore notre entretien ?

Mon dernier mot sera en direction des travailleurs. C’est de demander à l’ensemble de nos militants, des travailleurs de rester sereins et de se dire qu’il n’y a jamais eu d’acquis qui aient été arrachés de façon pacifique. C’est notre mobilisation, notre capacité d’organisation et notre détermination qui amèneront le gouvernement à nous respecter et à apporter des réponses appropriées à nos préoccupations.

En ce qui concerne le gouvernement, c’est de l’interpeller une fois de plus à la mise en œuvre des engagements qui sont pris dans les différents protocoles d’accords et à abandonner cette option de dilatoire et de provocation des travailleurs s’il veut qu’il y ait un climat serein. Le chef d’Etat passe son temps à longueur de ses discours à demander une trêve sociale.  Mais la trêve sociale ne peut s’obtenir s’il n’y a pas une option de discussion franche et de rapport de traitement avec les organisations syndicales qui, implique le respect de la dignité des travailleurs, la mise en œuvre de la parole donnée et en fin de compte, que les travailleurs sentent que quelque part, ce qu’on leur demande, il y a des efforts à tous les niveaux pour qu’on puisse faire avancer la cause de notre pays. 

Propos recueillis par Hamadou Ouédraogo

Minute.bf

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