Hervé Tapsoba est un ex soldat radié en 2011 suite aux mutineries. Pendant
huit ans, ses camarades et lui ont mené une lutte pour réclamer leur
réinsertion dans la fonction publique. En conseil des ministres du mercredi 3
juillet dernier, le gouvernement avait décidé de donner une suite favorable aux
propositions formulées par le Haut conseil pour la réconciliation et l’unité
nationale (HCRUN) quant au traitement du dossier des militaires et policiers radiés
qui lui avait été soumis. Dans un entretien accordé à votre journal www.minute.bf, Hervé Tapsoba est revenu sur les
propositions du HCRUN et a exprimé ses sentiments sur la décision des conseils
des ministres.
Minute.bf : En conseil des ministres dernier, le Gouvernement acceptait d’entériner les propositions du Haut conseil pour la Réconciliation et l’unité nationale (HCRUN). Comment avez-vous accueilli la nouvelle?
Hervé Tapsoba : Nous avons appris la nouvelle au sortir du conseil des ministres. Les propositions que le HCRUN nous avait formulées en 2018, c’était la réinsertion sociale, c’est-à-dire le reversement des militaires radiés dans la fonction publique dans tous les ministères autre que celui de la défense.
Nous avons accueilli la nouvelle avec un grand soulagement. C’est une grande avancée, ce n’est pas fini mais le plus important est déjà passé et nous attendons la suite. Si non, c’est une bonne nouvelle pour nous qui attendions depuis longtemps que ce dossier avance. Aujourd’hui, cela fait huit ans jour pour jour que le décret est sorti pour les radiations. Après toutes ces années de lutte, cette décision est un grand soulagement pour nous.
Le conseil des ministres a autorisé la réinsertion sociale de 633 militaires et policiers radiés. Combien êtes-vous concrètement ? Ces chiffres donnés en conseil des ministres reflètent-ils votre vrai nombre ?
Je ne peux pas dire si ces chiffres sont crédibles ou pas. Je peux seulement dire que ce n’est pas exact. Je ne sais pas si l’erreur vient du HCRUN ou d’une saisie. Quand on fait le total en ce qui concerne les militaires radiés, le 7 juillet 2018, il y avait une liste de 566 radiés. Le 15 décembre de la même année, une liste de 60 personnes avait été dressée ; à cela s’ajoute une liste de 10 gendarmes. Outre ces listes, il faudra aussi prendre en compte les radiations individuelles suite à des procès qui se sont tenus à la justice militaire. Donc, rien que pour les militaires, on dépasse déjà les 633. Mais je pense que ce sont des choses qu’ils vont corriger du moment que le dialogue n’est pas rompu.
Par rapport à la réinsertion sociale, concernant le reversement à la fonction public, pensez-vous que tous les militaires radiés seront favorables à cette décision ? Surtout ceux qui ont déjà pu s’engager dans d’autres activités mieux rémunérées ?
Après les évènements de 2011, chacun est effectivement allé de son côté à la recherche de sa pitance. Certains ont trouvé quelque chose à faire. Mais je crois que dans le document que le HCRUN nous a remis, il nous a été fait savoir que celui qui refuse la réinsertion, il aura une aide spéciale pour ses activités et il sera suivi et formé pour ses activités. Donc la décision de rejoindre la fonction publique, je pense qu’elle est personnelle.
Pour la réinsertion, est-ce que vous ne craignez pas qu’on vous donne des postes au rabais à la fonction publique, des fonctions de coursier, de planton et autres par exemple ?
Jusqu’aujourd’hui, on nous a dit que nous serons reversés à la fonction publique, on ne nous a pas précisé les postes que nous devons occuper. Mais je pense qu’ils vont utiliser le profil de tout un chacun pour les orientations parce qu’avant d’être militaire, chacun avait un profil. En plus, étant dans l’armée, chacun a pu se spécialiser dans un domaine précis. Donc je pense que ce critère sera exploité pour le redéploiement.
J’aimerais insister sur le nombre, si c’est une erreur, il est mieux de faire comprendre à tout le monde que le nombre réel dépasse les 633 personnes évoquées en conseil des ministres. Le danger en réalité est que la liste des personnes qui doivent être redéployées à la fonction publique peut sortir et certains n’y verront pas peut-être leur nom. Donc il est mieux qu’on en parle maintenant pour que, si erreur il y a, qu’on puisse la corriger à temps.
Êtes-vous confiants quant à l’aboutissement de la décision prise en conseil des ministres sur la question de votre réinsertion ?
On nous a dit que la décision du HCRUN a été entérinée en conseil des ministres. Il est vrai que nous nous attendions à un décret mais à partir du moment où cette décision a été rendue publique, nous ne pourrons que croire. Comme nous avons besoin de cela, je pense qu’il nous revient aussi de marquer le pas pour que le gouvernement ne range pas cette décision dans le tiroir. Mais déjà, le dossier n’est plus entre les mains du gouvernement. Il a été transmis aux différents ministères où les réinsertions auront lieu. Et je pense qu’il appartient désormais à ces ministères de faire le reste travail.
Quel message avez-vous à l’endroit du gouvernement dans ce sens ?
Nous disons merci aux autorités, mais vu la situation des radiés, nous leur demandons de mettre un peu de la volonté au niveau des ministères pour que la question de réinsertion puisse aller vite. Nous avons des camarades qui sont dans les provinces. Parcourir des grandes distances très souvent pour se rendre à Ouagadougou pour prendre les nouvelles du dossier n’est pas une chose aisée pour eux quand on sait qu’il y a plusieurs personnes qui sont sans emploi aujourd’hui. Les moyens pour honorer les frais de transport ne sont pas souvent à leur portée. C’est pourquoi nous voulons demander aux autorités de communiquer avec les représentants administratifs au niveau régional pour faciliter les déplacements.
Très souvent, il y a des papiers ou il faut impérativement la présence de l’intéressé. Pour quelqu’un qui va quitter Bobo-Dioulasso, d’abord pour le transport ce n’est pas facile. Quand tu travail avec quelqu’un, pour t’absenter deux ou trois jours ce n’est pas chose aisée. Nous voulons donc demander aux autorités concernées par notre dossier, de décentraliser certaines informations au niveau régional. Cela soulagera beaucoup les militaires et policiers radiés qui sont dans les provinces.
Votre message à l’endroit de vos camarades radiés ?
A tous les camarades, cela fait maintenant huit ans que nous sommes dans cette lutte. Si depuis toutes ces années chacun a pu se préserver de commettre certains actes, je pense que ce n’est pas après cette nouvelle que certains vont poser d’autres actes. Je les appelle à continuer la lutte dans la positivité et dans la discipline jusqu’à ce que tout le monde soit satisfait.
Quelles sont aujourd’hui vos relations avec le nouveau bureau des militaires radiés quand on sait que vous avez été à une étape de la lutte, le porte-parole des militaires radiés ?
J’avais déjà abordé cette question dans vos colonnes ici. Mais tout ce que je puisse vous dire aujourd’hui, c’est qu’à l’interne il n’y a pas de problème. Il est vrai qu’il y a eu un moment d’incompréhension entre nous. Mais je pense que cette tempête est passée, il n’y a pas de problème.
Propos recueillis par A.K et Adam’s O. (stagiaire)
Minute.bf