Un garde du corps de Thomas Sankara a survécu au coup d’État. Il a raconté à la barre, ce 02 novembre 2021, comment il a échappé à la mort alors qu’ils devraient, lui et deux autres militaires, être exécutés. Il affirme que le commando, en la personne d’un certain Otis qui les tenait en joug avec un fusil à pompe juste à quelques mètres de lui, a exécuté les deux autres, mais n’a pas réussi à l’atteindre mortellement.
Pour le moment c’est le seul accusé de la garde de Thomas Sankara qui comparait. Contrairement aux autres accusés qui eux, étaient de la garde de Blaise Compaoré. Le Caporal Bossobè Traoré est accusé de complicité d’assassinat et de complicité d’atteinte à la sûreté de l’État.
Le Caporal Bossobè a indiqué face au juge qu’il était de garde le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente. « Au moment où le commando est venu assassiner Thomas Sankara, j’étais posté avec deux autres militaires à l’arrière du bâtiment où Thomas Sankara tenait sa réunion. Des hommes cagoulés sont venus nous dire haut les mains. Un de ces hommes nous a désarmés. Puis, il nous a fait coucher à plat ventre avant de nous tirer dessus un à un. Il tenait un fusil à pompe. Après avoir abattu les autres, il a tiré sur moi, il m’a eu au bras et je me suis levé m’enfuir. Il a ensuite tiré par deux fois sans m’avoir », se souvient le Caporal Bossebè Traoré.
Il dit avoir perdu connaissance au cours de sa fuite juste aux encablures de l’École nationale d’administration et de Magistrature (ENAM). C’est en ce moment, précise-t-il, que des étudiants l’on secouru puis l’on mis dans le véhicule d’une dame pour le transférer à l’hôpital. Là, poursuit-il, les médecins lui ont administré les premiers soins avant de se déclarer incompétents à le soigner vu la gravité de sa blessure. Mais le Caporal Bossobè Traoré confie avoir été évacué en France pour des soins plus appropriés.
La partie civile trouve l’histoire de Bossebè Traoré « assez farfelue »
Cependant pour la partie civile cette déclaration est « assez farfelue ». « Il donne une déclaration qui à mon avis est assez farfelue. On tire sur deux de vos copains vous ne bougez pas. C’est quand on tire sur vous et que vous êtes blessé que vous détalez. Et on ne vous poursuit pas, on vous tire dessus encore et on vous rate. Si Otis (le tireur d’après l’accusé) voulait vraiment le tuer, il allait tirer sur la tête, sur le ventre, mais pas sur les pieds », fait remarquer Me Ferdinand Zeppa, avocat de la famille Sankara. Puis, poursuit-il, « Otis ne le poursuit pas quand il sort de l’enceinte du Conseil de l’entente. Vous comprenez bien qu’il y a quelque chose de bizarre », fait encore observer Me Zeppa. « Pour des gens qui sont des commandos, et qui ne peuvent pas louper quelqu’un à 5m, très bizarrement, Bossobè Traoré a été loupé », fait observer Me Zeppa.
Mais ce qui intrigue le plus les avocats de la partie civile, c’est le fait que l’accusé, malgré qu’il soit dans le camp opposé, ait été évacué en France pour bénéficier de meilleurs soins. « Il est Waké, il est même plus que ça, il est doublement chanceux. Il réussit à s’échapper et puis il est gratifié. Il est évacué en France (pour se faire soigner ndlr) alors qu’il est dans le camp opposé. Il fait partie de la garde rapprochée de Thomas Sankara et puis ce sont les gens d’en face qui l’envoient en France se soigner. J’en conclus que c’est un Monsieur doublement chanceux. Mais on aura l’occasion d’entendre les témoins. Eux-mêmes vous diront que ce qu’il dit (Bossobè Traoré) ne tient pas la route », a conclu Me Ferdinand Zeppa.
La défense trouve l’histoire de Bossobè Traoré normal
Maria Kanyili, avocate chargée de la défense de Traoré Bossobè a indiqué après la suspension du procès de ce 02 novembre 2021 qu’au moment opportun elle saura comment défendre son client. Mais déjà ce qu’elle retient de ce que la partie civile dit, c’est que le seul tort que l’on « reproche à son client c’est d’avoir survécu ».
Du reste, par rapport au fait que son client, garde rapproché de Thomas Sankara a été blessé par les commanditaires du coup d’État contre Sankara et a été évacué par ces mêmes commanditaires en France pour être bien soigneé, Me Kanyili estime que c’était tout à fait normal que son client soit évacué. Pour elle, « on peut considérer que c’était un accident de service et c’est dans le cadre du service qu’il a été évacué ». « Je ne qualifie pas ça de privilège », martèle-t-elle pour conclure.
L’audience a repris ce mercredi matin, toujours avec l’audition de l’accusé Bossobè Traoré.
Hamadou Ouédraogo
Minute.bf