Dans ce document, Dr Tongnoma Zongo, Chercheur spécialiste des questions minières à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS) s’est penché sur impact de l’évolution des techniques de l’exploitation de l’or artisanal dans le Sanmatenga, dans le Centre-nord du Burkina Faso. Les résultats de l’étude ici ⤵️
Thème : L’impact de l’évolution des techniques de l’exploitation de l’or artisanal dans la province du Sanmatenga
Résumé
Ce document de vulgarisation intitulé « Les techniques d’exploitation artisanale de l’or dans le Sanmatenga au Burkina Faso. Innovations, enjeux politiques et environnementaux » publié dans la revue Science et technique, Lettres, Sciences sociales et humaines Spécial hors-série n° 5 — Janvier 2020, analyse l’impact des techniques de l’exploitation de l’or artisanal dans la province du Sanmatenga.
L’exploitation artisanale de l’or qui a toujours brillé depuis longtemps par son caractère rudimentaire fait l’objet actuel d’une intense modernisation dans son exploitation. Pour comprendre ce changement, notre article s’attache à montrer comment les techniques d’exploitation artisanale de l’or ont évolué au cours du temps, puis analyse l’impact de l’évolution des techniques d’extraction artisanale au niveau des zones de production. Les résultats de l’étude indiquent d’une part que l’évolution des techniques d’exploitation artisanale de l’or a des effets néfastes dans les zones de production (pollution de l’environnement, dégradation des sols, travail des enfants etc.). D’autres parts d’effets positifs (gains importants, développement des communes). L’analyse de notre sujet de recherche s’appuie sur les données de terrain recueillies principalement à partir des données qualitatives.
Introduction
Ainsi, au Burkina Faso, dans la région du Centre Nord où se trouve la province du Sanmatenga, l’activité d’orpaillage a connu une forte accélération à cause de l’utilisation de nouvelles techniques d’extraction et de traitement. Ainsi, l’exploitation traditionnelle de l’or se modernise de plus en plus au niveau des différentes étapes du cycle : prospection, extraction, traitement. Cette activité constitue pour la province du Sanmatenga un moteur économique presque incontournable d’autant plus que l’agriculture avec sa faible productivité ne lui permet malheureusement ni de répondre de manière satisfaisante à la demande alimentaire locale croissante, ni de doter les exploitations agricoles familiales d’un revenu à même de satisfaire leurs multiples besoins. Cette situation contraint la main d’œuvre agricole à se réorienter vers l’orpaillage avec de nouvelles techniques d’extraction de l’or dans les zones de production minières. Ces nouvelles techniques d’extraction de l’or ne sont pas sans conséquences sur le système de fonctionnement de ces zones de production. Cet article tente d’appréhender l’impact de l’évolution des techniques d’exploitation artisanale de l’or sur le système économique, environnemental et social dans les zones de production de la province du Sanmatenga.
Méthodologie
Dans le cadre de cette étude, la méthode qualitative fut privilégiée. Les entretiens étaient centrés sur les impacts de l’évolution des techniques d’extraction dans le secteur minier artisanal. Ainsi, à partir des guides d’entretien préétablis sur des thèmes distincts, nous avons essayé d’appréhender les effets de l’évolution des techniques d’extraction de l’or artisanal dans les zones de production. Les guides ont été administrés auprès de 30 acteurs : les autorités locales (les collectivités locales, chefs de villages), les acteurs du site (chef de site, creuseurs, tireurs, techniciens du boisage, commerçants, les vendeurs des produits chimiques, les chefs terriens etc.), les responsables du ministère des mines, la direction générale des mines.
Présentation et discussion des résultats
Evolution des techniques d’exploitation et mobilité des Orpailleurs
L’orpaillage se pratique depuis longtemps au Burkina Faso au 14 e siècle (père, 1992). À cette époque, les habitants s’adonnaient à la recherche de l’or de manière traditionnelle, c’est-à-dire en récoltant l’or manuellement et en surface. Cette activité se pratiquait sans outillage ni substances chimiques comme le mercure et le cyanure. La pratique de l’orpaillage a évolué et s’est transformée par la suite. De nos jours, une problématique se pose dans la définition exacte de l’orpaillage compte tenu de la modernisation accélérée des techniques (extraction et traitement) et les profondeurs atteintes (70 m) à Sahouia ,(65 m) à Mané alors que dans le code minier Burkinabé les profondeurs ne doivent dépasser 15 m. Ce creusement de puits doit son salut à l’arrivée des étrangers et des investisseurs. Cette modernisation a facilité les travaux dans les sites aurifères artisanaux et augmente les revenus et la productivité mais aussi accroît les problèmes environnementaux et sanitaires
Dans la prospection
La prospection, jadis empirique, se pratiquant en saison pluvieuse. Les découvertes de la prospection artisanale consistaient à une simple observation, par les anciens, des plantes qui ont une affinité pour l’or dont Diapyros mespiliformis et Bankinia reticulata (Kiethega, 1983). Pour Zonou (2005), la prospection survenait surtout en saison hivernage, après les tornades qui pouvaient révéler l’or arraché à la terre. En 2009 encore, dans le sud-ouest et le centre nord du pays, la prospection était toujours faite de façon empirique mais sans considération de saison. Les prospecteurs se servaient de certains minéraux comme indicateur de la présence de l’or. Il s’agit entre autre de la pyrite appelée communément « kiri » et de certaines roches vertes. L’orientation du filon à la surface du sol est aussi importante. Seuls les filons de direction N6S ou S-N sont prélevés et testés. Cette forme de prospection est toujours en vigueur, malgré l’introduction d’instruments plus adaptés. De plus en plus, des instruments modernes sont utilisés pour la prospection de l’or. Cela est fonction des moyens des orpailleurs ou des chefs de groupe. Les matériels modernes utilisés sont essentiellement des détecteurs de métaux qui permettent de détecter l’or à une certaine profondeur facilitant ainsi la recherche de l’or. La mécanisation la plus aboutie dans la recherche de l’or artisanale par les orpailleurs au Burkina Faso est celle relative à l’utilisation des appareils détecteurs de métal. En effet, cet appareil émet un signal sonore lorsqu’il y’a la présence d’un gisement jusqu’à sept mètres de profondeur. Ainsi, les orpailleurs de la province du Sanmatenga ne se limitent pas aux sites traditionnels, ils sillonnent la brousse avec les détecteurs pour la recherche de ce métal précieux. L’arrivée des appareils détecteurs a conduit à l’essor de l’orpaillage clandestin dans le Sanmatenga. Par ailleurs, cela a augmenté les tensions entre orpailleurs et agriculteurs dans la province. De la détection de l’or s’en suit une organisation des orpailleurs avec à leur tête des chefs des puits. Dans bien des cas, les prospections des compagnies minières sont guidées par les anciens sites d’orpaillage traditionnel.
Dans l’extraction
L’extraction des filons a connu une évolution remarquable. D’une profondeur d’environ 15 mètres en 1974, les puits sont passés de nos jours à plus de 50 mètres au Burkina Faso. Cela est rendu possible grâce aux initiatives innovatrices (l’usage de dynamites pour fragiliser les roches dures, de motopompes pour l’exhaure de la nappe phréatique, un système de soutènement servant à renforcer la résistance des puits et d’un système d’aération des puits par des ventilateurs alimentés par des bactéries) des orpailleurs. La construction du puits se fait en deux phases. La première phase consiste à creuser un trou vertical dont la profondeur, variable, peut atteindre 50 à 70 m selon les terrains. La seconde phase va consister à creuser une galerie horizontale ou inclinée selon la direction du filon. Il est imposé à chaque propriétaire de respecter une distance minimale de 5 à 6 m entre deux puits verticaux, dans l’optique de réduire les risques d’éboulement et les litiges entres exploitants. Les parois internes des puits sont au fur et à mesure soutenues par des centaines de troncs d’arbres pour renforcer la résistance. C’est le boisage ou soutènement. Cette technique permet d’atténuer les risques d’éboulement. Compte tenu de la profondeur des puits et l’ouverture de galeries qui permettent de suivre latéralement le filon, le système de boisage occupe une place de choix dans le processus d’extraction. Ce système permet de minimiser les risques d’effondrement et d’éboulement car le bois exerce une pression sur les parois de la structure rocheuse. Oui certes une bonne technique d’atténuer les éboulements mais cette technique contribue à la dégradation de la forêt. C’est dans ce sens qu’un agent des eaux et forêts nous informe que les orpailleurs contribuent à la dégradation des forêts classées au Burkina Faso. C’est dans ce même d’ordre d’idée qu’un agent de la mairie de la ville de Kaya estime : qu’il faudra sanctionner les acteurs qui contribuent à la dégradation des forêts surtout dans un pays sahélien comme le Burkina Faso.
Dans le traitement
L’extraction de l’or issu du minerai filonien nécessite forcément un traitement mécanique visant à transformer le filon en poudre. Par le passé, cela consistait à un concassage et un pilage à l’aide de mortiers en fer (Zonou 2005, Doukoure 2015). Cette technique a évolué avec la transformation minutieuse des machines initialement destinés à transformer les céréales. Par le passé dans le traitement de l’or, les produits chimiques n’étaient pas utilisés et cette technique était sans conséquence pour l’environnement des zones de production. Mais de nos jours, le mercure et le cyanure sont devenus des produits indispensables dans le secteur de l’orpaillage au Burkina Faso. Cette technique entraine des conséquences sur le plan environnemental et sanitaire des zones de production.
Les risques environnementaux et sanitaires de l’orpaillage dans le Sanmatenga
Dans la province du Sanmatenga, le caractère volatile du mercure, du cyanure et des acides nitrique et sulfurique, le manque de maîtrise des réactions chimiques et l’abandon des bacs de cyanuration sont des facteurs qui amplifient la pollution des eaux, des sols et de l’air soit par infiltration, ruissellement ou par évaporation. Ces produits sont à l’origine de la pollution de la qualité des eaux qui peut entraîner la disparition des animaux. C’est une conséquence invisible de l’orpaillage qui n’est mise en évidence que par des analyses chimiques d’eau et de sols et par une mortalité des poissons et des animaux qui s’abreuvent dans les eaux polluées. En plus des produits chimiques à l’origine, le retournement du sol joue un rôle très important surtout dans la diffusion des métaux lourds comme l’arsenic dans les cours d’eau par ruissellement. En effet, l’activité orpaillage cause des dommages réels aux eaux. Il s’agit de la modification du tracé originel et la pollution des cours d’eau. Un cas similaire a été décrit par (Kouadio, 2008) à Hiré en Côte D’ivoire et par (Sawadogo,2011) dans la province du Poni au Burkina Faso. L’impact du lavage du minerai sur l’augmentation du taux de matières solides en suspension et la turbidité de l’eau a été aussi signalé par (Butaré et Keita, 2009) au Mali. La dégradation de la structure du sol lors de l’exploitation aurifère et l’érosion hydrique qui en résulte réduisent l’infiltration de l’eau. Cette réduction occasionne la baisse du niveau de la nappe phréatique, l’envasement des cours d’eau et la perturbation de la qualité des eaux de ruissellement. Toutes ces conséquences sont à l’origine de la turbidité des cours d’eau, l’augmentation des crues d’eau et la diminution des débits en saison sèche (¨Palé, 2004). Le rapport de Lahm (2002) montre clairement « une perte d’habitats et de diversité spécifique des poissons dans les zones exploitées par la déforestation, l’altération et la déviation des cours d’eau et la sédimentation » due à l’exploitation artisanale de l’or dans la forêt du Nord-Est du Gabon. Les observations de terrain ont montré que l’orpaillage pèse lourdement sur l’environnement dans la province du Sanmatenga. Or le décret N° 2007-853/PRES/PM/MCE/MECV/MATD du 26 décembre 2007 portant dispositions réglementaires environnementales particulières pour l’exercice de l’activité minière au Burkina Faso détermine les conditions relatives à la protection de l’environnement en matière de prospection, de recherche et d’exploitation de substances minières. Ce décret établit que les activités et installations régies par le code minier doivent être conduites dans le respect de la protection et de la préservation de l’environnement. En ce qui concerne l’exploitation artisanale de l’or, aucune étude ou notice d’impact environnemental n’est exigée. Ce manque d’exigence dans l’extraction minière artisanale peut être la cause réelle de ce manque d’inattention des orpailleurs vis-à-vis de l’environnement. En effet l’absence des règles dans les sites aurifères de la province du Sanmatenga conduit à des conditions de vie tellement précaires que l’on a l’impression que la lutte contre la pauvreté par l’activité d’orpaillage est un « jeu de dame ». Il s’agit de déplacer un pion pour occuper une autre case, en d’autres termes, l’argent gagné au prix d’efforts finit dans les pharmacies.
Conclusion
La mobilité des orpailleurs ayant pris une grande ampleur durant ces dernières années a eu de nombreuses implications dans la province du Sanmatenga. En effet, les orpailleurs reviennent avec des nouvelles techniques d’extraction dans les zones de production qui n’étaient pas du tout utilisées dans les sites aurifères du Burkina Faso. Ces nouvelles techniques d’extraction qui permettent aux orpailleurs d’avoir de l’or autrefois inaccessible à cause des outils rudimentaires jouent aussi négativement sur l’environnement et la santé de la production dans les zones de production minières.
Bibliographie
Butaré I. et Keïta S., 2009. Aspect environnementaux liés au développement du secteur minier en Afrique de l’Ouest. 13 p.
Dakoure B., 2015. Des pierres dans les mortiers et non du maïs
Lahm S. 2002. L’orpaillage au nord-est du Gabon. Histoire et analyse socio-écologique. Institut de recherche en écologie tropicale: Libreville, Gabon, 136 p.
Pallé Diallo A. I., Wade F., Kourouma S., 2004. Effets de l’exploitation artisanale del’or sur les ressources forestières à Siguiri, Republique de Guinée. Présentation. 32p.
Sawadogo E. (2011). L’impact de l’exploitation artisanal de l’or : cas du site de Fafora dans la province du poni, université de Ouagadougou.
Zanou, B., &Lougué, S. (2009). Impact de la crise ivoirienne sur les migrations de retour au Burkina Faso. 10p.
Zongo Tongnoma, 2019. Orpaillage et dynamiques territoriales dans la province du Sanmatenga « pays de l’or » au Burkina Faso, 270 P. Thèse soutenue réalisée à l’université Paris 1 Sorbonne Panthéon et à l’unvisersité Joseph Ki Zerbo
Zongo Tongnoma,2020. Les techniques d’exploitation artisanale de l’or dans le Sanmatenga au Burkina Faso. Innovations, enjeux politiques et environnementaux. Spécial hors-série n° 5 — Janvier 2020, Science et technique, Lettres, Sciences sociales et humaines
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