lundi 10 mars 2025
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Gouvernance : « La démocratie à l’occidentale ne marchera jamais en Afrique » (Songkoglnaaba Kãoongo)

Le Ministère en charge de la culture et le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) ont posé le débat « De l’idéal démocratique à une réelle autodétermination des États en Afrique subsaharienne ». A cet effet, le Songkoglnaaba Kãoongo a appelé à un retour aux traditions africaines, tandis que Dr. Baimanai Angelain Poda, a demandé de réinventer le droit coutumier. Ce dernier a également appelé à bannir la philosophie occidentale dans les universités. C’était au cours d’une conférence publique organisée, ce mardi 17 février 2025 à Ouagadougou.

Le débat sur les modes de gouvernance en Afrique ne cesse de déferler la chronique. Au Burkina Faso, en pleine Transition, le Ministère en charge de la culture et le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) ont posé le débat sur le contenu et la forme de gouvernance souhaitée par le peuple.

Pour le chef coutumier, le Songkoglnaaba Kãoongo, intervenant sur « Le système de gouvernance dans la culture mossi », le véritable problème de gouvernance en Afrique, c’est le paradigme africain. Par là, il fait allusion à la vision africaine du monde où encore, un problème lié au système occidental. Avant de développer, le Songkoglnaaba Kãoongo s’est voulu on ne peut plus clair : « je ne suis pas là pour vous dire la vérité. Je suis là pour dire la vérité de mon peuple ! ».

Le Songkoglnaaba Kãoongo estime que ce qui doit être le combat actuel des Africains, c’est un combat de système et non un combat de personne. Il s’agit du changement de paradigme qui va donner, selon lui, une autre vie aux Africains, car, est-il convaincu, « la démocratie à l’Occidentale ne marchera jamais en Afrique, parce qu’étant un système en déphasage avec les réalités africaines ». Il faut pour les Africains revenir à la base : leur culture, a postulé le Songkoglnaaba Kãoongo. « Ne tentez pas d’accepter cette vérité en ayant des lunettes occidentales. Vous n’allez pas comprendre ce que je dis. Si vous attendez que le blanc valide, il ne va jamais le faire, parce qu’il refuse ma culture. Si on pense qu’on peut prendre le paradigme de l’autre pour inventer un système démocratique pour que ça marche pour un autre peuple, on se trompe. Si on ne fait pas une rupture de paradigme, et revenir à nos fondamentaux africains, dans 30 ans, nous serons encore là à mener ce genre de débat pour discuter de tout sauf de l’essentiel », a-t-il affiché.

Le Songkoglnaaba Kãoongo pour une démocratie à la sauce africaine

Pour se faire comprendre, le chef coutumier a différencié la culture de la tradition. D’après lui, la tradition, c’est le vécu par lequel les ancêtres sont passés pour faire comprendre et appliquer la culture. Il a précisé que la tradition évolue contrairement à la culture. « Quand la culture change, donc le paradigme, ça donne naissance aux Etats que nous avons aujourd’hui en Afrique, parce que fondamentalement, on a changé de paradigme. Le concept occidental de gouvernance à travers son paradigme, c’est-à-dire sa culture, ne peut jamais donner un principe qui va sonner l’équilibre des peuples africains. Notre démocratie à l’Africaine, c’est ce qui peut entraîner notre libération », a-t-il fermement défendu.

« Chez nous, c’est le privilège de la communauté. À l’Occident, c’est l’individualité ! Notre culture porte l’idéologie de nos peuples. Le système démocratique occidental détruit la communauté. Détruire la communauté, c’est nier l’humanité d’un peuple ! Voici là, la gouvernance chez les mossé. Le paradigme africain, vise la captation de tout ce qui est négatif chez l’homme afin de l’emmener à vivre en harmonie sur cette terre. La culture africaine vise l’intégration de l’homme dans un ordre préétabli. Tout commence par la femme, jamais par l’homme ! », a-t-il argumenté.

Réinventer le droit coutumier…

« Retour à nos valeurs traditionnelles : faut-il alors brûler la constitution du 2 juin 1991 ? ». C’est sur cette thématique qu’est intervenu le Dr. Baimanai Angelain Poda. Pour lui, de prime abord, il faut réinventer le droit coutumier avant de brûler la Constitution. En effet, dans son exposé, Dr. Poda a suggéré d’ériger la Patrie (le Burkina Faso), comme autorité suprême, de sorte à le présenter comme sacré. « Et quiconque commet un crime contre la Patrie, il sera sanctionné comme tel parce que le sacré est inviolable », a-t-il expliqué.

Ensuite, Baimanai Angelain Poda a souhaité que le droit coutumier soit transcrit et enseigné à l’école et dans les universités, non pas en français, mais dans les langues nationales. Dr. Poda a appelé à une réécriture de l’histoire du Burkina Faso. « En juin 1940, pendant la guerre, le Général De Gaulle s’est enfui de la France pour Londres (Angleterre). Les Français ne l’ont pas écrit ainsi. Le Moogho Naaba Wobgo en a fait ainsi (de la Haute-Volta vers le Gold Coast, ndlr), on nous a enseigné qu’il s’est enfui au Ghana. Si nous voulons des braves, nous devons rebâtir notre histoire pour enseigner la bravoure », a-t-il relevé.

Pour Dr. Baimanai Angelain Poda, il faut enseigner la philosophie africaine dans ‘es Universités

Pour Baimanai Angelain Poda, il est primordial de tenir compte de la chefferie coutumière comme étant une institution dans la Constitution. Il faut donner un rôle au chef coutumier, a-t-il soutenu. « Il faut les sélectionner. Le chef coutumier doit être un chef de village ou un chef de terre. Ensuite, il faut revoir l’attribution du bonnet. Aujourd’hui, on a des chefs traditionnels qui ne vivent pas dans leur village. Chez moi, quand tu n’es pas dans ton village, on dit que tu es en brousse. Comment quelqu’un va être en ville et il est le chef de son village ? Je rêve qu’on supprime le haut commissariat, les préfets et qu’on confie un rôle à ces chefs de terre, à ses chefs de village qui y résident et qui règlent les petits conflits et qui assurent une partie de l’administration, assistés par des administrateurs civils qui sont techniquement payés pour ça », a-t-il développé.

Dr. Baimanai Angelain Poda a aussi souhaité que soit banni dans les universités la philosophie occidentale. « Dans nos universités, bannissons la philosophie occidentale. La philosophie occidentale, elle est individualiste », a postulé Dr. Poda, citant en exemple la philosophie d’Emmanuel Kant, Socrate… « Chez nous (en Afrique, ndlr), a-t-il relevé, la philosophie est collective ». Pour cela, Dr. Poda a affiché : « Je rêve que dans nos Universités, on puisse enseigner des philosophies africaines à nos étudiants ».

« Nous parlons tous de retour à nos valeurs traditionnelles, mais personne n’y croit, personne ne veut y retourner. Maintenant, est-ce que retourner à nos valeurs, l’église et la mosquée vont-elles accepter le changement, quand on sait que ce sont elles qui ont participé à faire reculer certaines de nos pratiques ? La majorité technique, va-t-elle accepter qu’on dise quelle langue sera utilisée ? Des questions préalables qui doivent être résolues avant de pouvoir brûler la Constitution du 2 juin 1991 », a-t-il conclu son intervention sur cette note.

Pour Simon-Pierre Douamba, chargé de programme au CGD, ce débat va poser les bases, les règles concrètes et des pistes afin de dépasser ce débat qui a trop duré sur la démocratie.

Lire aussi : Démocratie au Burkina : « Le problème ne se pose pas dans le système mais dans les acteurs » (Pr Alkoussoum Maïga)

Mathias Kam et Nafissatou Dera (Stagiaire)
Minute.bf

6 Commentaires

  1. Tout part par le paradigme !!!
    Notre UBUNTU est un principe philosophique démocratique qui n’a rien à envier au Cogito Ergo Sum occidental !!!

  2. Très édifiant,oui il faut brûler la constitution et réorganiser les instructions culturelles de nos traditions avec des personnes qui ont fait le choix uniquement de la tradition qui recherche la vérité en redéfinissant nos valeurs sans y mettre les religions occidentales ou arabes chacun sa place dans le respect un chef coutumier ou un chef tradionnel ne peut pas être dans une autre religion que celle de nos ancêtres sinon il représente qui?ont peut se respecter et s’aimer sans avoir les mêmes valeurs… culturelles.

  3. Ainsi donc, la philosophie de Socrate et de Kant sont des philosophies individualistes ! On aurait au moins voulu savoir de quoi ce bon sir est-il docteur, malheureusement, l’article n’en fait pas la moindre référence. Quoiqu’il en soit, pour raconter pareilles énormités, il faut n’avoir pas assez de maîtrise de ce dont on parle. Et comme on manque de sagesse pour se taire, il faut le faire quand même !
    Néanmoins, faut-il le rappeler, on ne se construit pas seul dans l’enfermement et le repli sur soi. Il faut être comme le conçoit Aimé Césaire, « poreux à tous les souffles du monde.» Les cultures du monde s’interchangent des valeurs de façon irréversible. Ainsi, le contexte ne se prête pas au rejet systématique de toutes les autres cultures et l’embrigadement dans sa sienne propre. Il faut s’ouvrir au monde, apprendre des autres, évoluer avec les autres, car on ne peut vivre qu’avec les autres. Comme l’a si bien dit Édouard Glissant il faut : « agir dans son milieu et penser avec le monde.» Dans l’ouverture et le dialogue interculturel que nous pouvons bâtir humanité ensemble.

  4. Ainsi donc, la philosophie de Socrate et de Kant sont des philosophies individualistes ! On aurait au moins voulu savoir de quoi ce bon sir est-il docteur, malheureusement, l’article n’en fait pas la moindre référence. Quoiqu’il en soit, pour raconter pareilles énormités, il faut n’avoir pas assez de maîtrise de ce dont on parle. Et comme on manque de sagesse pour se taire, il faut le faire quand même !
    Néanmoins, faut-il le rappeler, on ne se construit pas seul dans l’enfermement et le repli sur soi. Il faut être comme le conçoit Aimé Césaire, « poreux à tous les souffles du monde.» Les cultures du monde s’interchangent des valeurs de façon irréversible. Ainsi, le contexte ne se prête pas au rejet systématique de toutes les autres cultures et l’embrigadement dans sa sienne propre. Il faut s’ouvrir au monde, apprendre des autres, évoluer avec les autres, car on ne peut vivre qu’avec les autres. Comme l’a si bien dit Édouard Glissant il faut : « agir dans son milieu et penser avec le monde.» C’est dans l’ouverture et le dialogue interculturel que nous pouvons bâtir humanité ensemble.

  5. Mon avis concernant l’intervention du Dr. PODA sur le bannissement de la philosophie occidentale et l’enseignement dune philosophie africaine :

    Déjà, juste un rappel, la philosophie n’est ni occidentale ni africaine elle est juste un art de réfléchir,un esprit critique et une rationalité universelle( vous le savez peut-être déjà). Pour la philosophie comme discipline d’enseignement à l’université, il y a des modules d’enseignement sur la « Philosophie africaine » qui y sont enseignés depuis belle lurette.
    De plus, la philosophie de Kant ou de Socrate par exemple n’empêche en rien le développement d’un esprit critique traitant les réalités et problèmes de l’Afrique, mieux elle nous permet de rompre avec la réflexion singulière dont il fait cas.
    Le problème réside plus dans un dépassement ou une réactualisation des éléments de notre système éducatif et non dans un remplacement ou suppression systèmatique de certains fondamentaux.
    Cordialement cher Dr.

  6. Oubliez la démocratie chers orateurs et parlez plutôt de justice sociale de développement et de droit de l’homme c’est mieux ainsi. Est ce que ces naba peuvent nous procurer ces choses là ? C’est pas si sûr. Ils seront pires que les démocrates à l’occidentale. Les traces de leur cruauté sont toujours indélébiles dans certaines parties du Burkina
    J’apporte également un rectificatif sur la fuite du Mogho naba Wobgo. Il n’a pas quitté la haute volta vers le Ghana mais plutôt le royaume mossi vers le Ghana. Lorsqu’il quittait Ouagadougou la colonie de Haute volta n’était pas encore créée

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