« Après la pluie, le beau temps », dit-on souvent. Mais cet adage ne semble pas bien coller à la réalité que vivent les populations des zones périphériques du centre-ville de Ouagdougou. A l’arrondissement 9 de la capitale burkinabè, même si souvent la forte chaleur s’éteint dans la fraicheur que procurent les grosses gouttes de pluie, la phobie d’emprunter le tronçon qui relie la route nationale 22 au château de l’ONEA situé au quartier Watinooma, hante les esprits. Deux kilomètres de calvaire pour les populations de cette partie de la capitale. C’est le triste constat qu’a pu faire une équipe de Minute.bf. Reportage !
Il est 8h ce mercredi 12 août 2020 à l’arrondissement 9 de Ouagadougou. Le soleil dardait déjà ses doux rayons sur les concessions envahies par la rosée mêlée aux gouttes de pluie tombées durant toute la nuit. Les responsables de toutes les entreprises de commerce et autres avaient déjà pris position dans leur service respectif. Certains dépoussiéraient leurs articles et d’autres, les mains dans les poches, avait le regard tourné vers la mairie de l’arrondissement 9 jouxtant les encablures des différents lieux de commerce situés sur ce tronçon de quelque 2 kilomètres. Chacun cherche à résoudre l’équation qui lui est imposée devant sa boutique où stagnent les eaux des pluies. A une dizaine de mètres de notre position, nous sommes frappés par une odeur nauséabonde des eaux sales qui pestaient même à une centaine de mètres.
Le temps est beau, certes, mais les usagers de ce morceau de voie n’avait plus cet instinct naturel de savourer ce vent frais qui les touchait. Comment aller travailler dans ces conditions ? C’était là, l’ultime et principale question qui était au bout des lèvres.
« Quand il pleut, on n’a même plus envie de sortir de chez nous », confie avec détresse, Alimata Zongo, les pieds dans la boue, juste à une dizaine de mètres de la mairie de l’arrondissement 9. Cette détresse se lit sur tous les visages des usagers que nous avons rencontrés le mercredi 12 août 2020, après une pluie la veille, qui a empli les crevasses d’eau rougeâtre. Cette eau qui teinte tout ce qu’elle touche sur son passage. Les capots des engins qui empruntaient ce bout de voie étaient uniformément couverts de cette « couleur non-lotie ».
Une fête de l’indépendance dans la boue…
Pendant plusieurs années, les habitants de cette partie de la capitale étaient obligés de s’adapter à ce modus vivendi qui a fini par avoir raison de leur résilience. Plongées dans une prostration depuis longtemps, après avoir vainement menées des actions pour désenclaver la zone, les populations ont fini par céder au délabrement avancé de la voie. Il ne s’agit plus de crevasses ou de nids-de-poule. « Ce que nous avons devant nous sont des trous qui peuvent engloutir des éléphants », ironise, le cœur meurtri, Harouna Sawadogo, responsable d’une quincaillerie au bord de cette voie devenue tristement célèbre sur les réseaux sociaux.
En effet, le 5 août dernier, c’était l’internaute Francis Kinané Arnaud, habitant de Marcoussis, qui souhaitait bonne fête de l’indépendance aux Burkinabè dans son poste sur Facebook dans lequel il a joint des images où des usagers sont en train de patauger dans les eaux et la boue qui avaient pris en otage la voie. Un autre internaute que nous nommerons Kalifa se demandait par quel moyen le maire pouvait arriver dans son bureau quand on sait que, même devant la mairie, il est impossible souvent d’éviter la boue.
A l’arrondissement 9 de Ouagadougou, quand les nuages se rassemblent et que le ciel noircit, le cœur des habitants bat très fort. « Si la pluie te trouve hors du quartier, tu n’as même plus envie de rentrer chez toi », a confié Joseph Zoungrana, un usager, avec un air déconcerté. « Sur cette voie, nous sommes obligés de circuler à zéro à l’heure. Les crevasses amortissent nos engins. Chaque fois que tu emprunte cette voie, il faut après te rendre chez ton garagiste pour changer des pièces de ton moteur. Rien ne va vraiment. Il faut que le maire nous sorte de cette douleur », appuie Augustin Ilboudo, conducteur d’un véhicule de liaison.
« Il faut que le maire essaie de revoir sa gestion… »
Les usagers, motorisés et véhiculés, pataugent dans la boue chaque jour pour déboucher sur la route nationale 22, où ils pourront pousser un grand ouf de soulagement. Ces usagers que nous avons rencontrés ce 12 août avaient le cœur lourd de remords. « Dans les années passées, nous nous rencontrons et chacun apportait sa contribution pour qu’on puisse remblayer la voie. Mais les années passaient et rien ne changeait. On dit que l’Etat ne peut pas tout faire, c’est pour cela que nous apportions notre contribution pour essayer de remblayer les excavations au fur et à mesure que la voie se dégradait. Mais nous nous n’en pouvions plus car nous sommes à bout de nos forces. Nous avons donc le regard tourné vers le Maire Albert Bamogo », s’est ouvert Ousmane Drabo, responsable de Big Time Security, qui n’a pas hésité d’afficher son appartenance au même parti d’où est issu le maire Bamogo.
De son côté, le coiffeur Lamine Kouraogo ne sait plus à quel saint se vouer. Toute son activité est impactée par le délabrement avancé de la voie qui passe devant son salon de coiffure. Personne ne peut s’arrêter pour se faire beau sur cette voie. Les eaux dans les crevasses ont compressé la voie, la transformant en piste, qui passe juste devant la porte de son salon. « On dit que notre maire est le meilleur de tous les maires des arrondissement de Ouagadougou. Mais, si tu es meilleur et que devant même ta mairie nous avons des difficultés à y accéder à cause de la boue, ça ne va pas. Il faut que le maire essaie de revoir sa gestion », s’est-il offusqué.
Dans cette vidéo ci-dessous, nous vous proposons la réalité du vécu quotidien des usagers de la route à l’arrondissement 9.
Armand Kinda
Minute.bf