Ibra, Félix et Manu (noms d’emprunts) comparaissaient au Tribunal de grande Instance (TGI) de Ouaga II, ce mercredi 2 février 2022. Ils sont poursuivis pour des faits de « grand banditisme et de vol simples. » Après avoir écouté les prévenus, le tribunal a condamné les sieurs Ibra et Félix à 11 ans de prison en retenant contre eux le seul fait de « grand banditisme » et en relaxant Manu au bénéfce du doute sur tous les chefs d’accusation.
Le grand banditisme selon les explications du parquet concerne tout acte qui consiste à soustraire frauduleusement quelque chose à autrui au moyen d’une arme cachée ou visible. C’est ce qui était reproché à Ibra, Félix et Manu, tous 3 poursuivis également pour fait de « vol simple. »
A la lecture des faits à eux reprochés, Ibra comme Félix ont plaidé coupable, en ce qui concerne l’accusation d’avoir « frauduleusement soustrait en compagnie d’autres personnes un sac à dos contenant divers objets au moyen d’une arme blanche notamment un couteau. » Par contre, ces deux ont nié le fait de « vol simple », qui porte sur un engin volé.
Quant à Manu, il a tout simplement plaidé « non coupable » pour tous les faits à lui reprochés. Comment les 3 prévenus, dont deux bouchers de métier et un commerçant, sont arrivés devant le parquet ?
En effet, un soir après le service, il se trouvait que la moto de Félix était en panne. Il demande alors à Ibra de l’accompagner. Ce que fit ce dernier. Mais Ibra explique qu’ils ont marqué un arrêt sur la route pour se délecter la bière.
Après quoi, les deux bouchers enfourchent leur moto pour rentrer. Mais chemin faisant, Félix demande à Ibra de s’arrêter il va rendre une visite de courtoisie à quelqu’un. Sauf que Félix ne connaissait pas la personne qu’il disait vouloir rencontrer.
« J’ai garé et je suis resté sur la moto pendant que Félix se dirigeait vers un monsieur garé devant une porte en compagnies de 2 filles. Félix n’est même pas arrivé à leur niveau quand eux tous se sont mis à fuir », a relaté Ibra. Et au procureur de demander au boucher de 23 ans, père d’un enfant, si le monsieur et les 2 filles qui ont détalé étaient plus jeunes qu’eux. Il répondit par la négative. Le procureur lui demanda pourquoi ils ont donc fui? L’accusé répond qu’il ne sait pas.
En réalité, Félix, l’autre boucher de 23 ans tenait une arme blanche, « un couteau », quand il se dirigeait devant la victime et ses compagnons. « J’avais le couteau sur moi, mais c’était caché. Quand j’avançais, je ne suis même pas arrivé à leur niveau quand ils ont pris la fuite », raconte Félix pour sa part. « Mais pourquoi des personnes plus grandes que vous se sont mises à courir parce que vous venez vers elles, si ce n’est de la folie ? », rétorqua sèchement le parquet, avant de s’adresser au prévenu : « où vous pensez qu’on est allé nous prendre au marché de Paglayiri pour nous demander de venir nous asseoir ici ? »
Mais là encore, Félix reste vague et tente de se justifier : « comme on avait bu, on n’était pas lucide ! » Au Tribunal d’insister que l’on ne peut pas voir quelqu’un et commencer à fuir. « Vous n’avez pas brandi votre couteau ? », demanda à nouveau le parquet. Et à Félix de nier avant de laisser entendre que lui-même ne comprenait pas trop ce qu’il faisait, brandissant à nouveau l’argument de l’alcool.
Pourtant, relève le parquet, au commissariat, la victime a clairement expliqué qu’il a été menacé au couteau.
Qu’à cela ne tienne, Félix a laissé la moto de la victime à qui il a pourtant pris le sac qui contenait ses 3 téléphones, avant de rejoindre Ibra qui a démarré sa moto en trombe pour qu’ils disparaissent dans la nature.
Dans ce froufrou, le téléphone de Ibra tombe à son insu. La victime va le ramasser et le remettre à la Police, auprès de qui il a déposé une plainte. C’est là que Manu entre en jeu.
Selon ses dires, Ibra qui est son oncle lui a expliqué qu’il a perdu son téléphone et que quelqu’un qui l’a ramassé l’appelle de venir cherche. Il se trouvait que c’est la Police qui était à l’autre bout du fil. C’est donc en allant chercher le téléphone de son oncle que Manu a été pris. L’enquête débouche sur une autre affaire.
Du grand banditisme au fait de vol d’engin
Il se trouve que Manu était sur un engin volé. Ce commerçant de profession explique que la moto en sa possession lui a été vendue par un ami. À la question de savoir si le vendeur lui a tendu un reçu, Manu a expliqué qu’il avait payé 325 000 F CFA sur les 400 000 F CFA que réclamait le vendeur. Faute de cela, Manu qui « ne sait pas lire » dit que son ami qui lui a vendu la moto lui a montré un papier prétextant que c’est pour la moto, targuant qu’il aura le reçu afin d’établir la carte grise de la moto en son nom, que lorsqu’il aura payé la totalité de la somme. Six mois après l’achat de la moto, Manu n’a pas pu solder le reste. De quoi interroger la curiosité du tribunal qui d’abord est dubitatif du fait qu’à cause des 75 000 F CFA qui restent, le vendeur qui se trouve être un ami de Manu refuse de lui remettre le reçu ; et surtout que 6 mois après achat de la moto, ce dernier n’ait pas pu solder le restant de la somme.
Après les confrontations, le procureur a écarté l’argument de la « non lucidité » de Ibra et Felix qui prétendaient agir sous l’effet de l’alcool. Considérant que Ibra, qui tenait le guidon de la moto, a pu conduire sans commettre d’accident, le procureur a estimé qu’il ne peut pas se prétendre saoul. Faisant le constat que Ibra est « resté constant qu’il était avec Félix, constant que Félix est revenu avec le sac », le procureur a demandé qu’il soit déclaré coupable du chef d’accusation de grand banditisme, d’autant plus « qu’il n’a pas fait quoique ce soit pour dénoncer Félix. »
De même, pour Félix qui a reconnu les faits, même s’il a tenu mordicus qu’il n’a pas fait usage du couteau, le procureur a demandé qu’il soit reconnu coupable pour les faits de grand banditisme.
Il a, dans ce sens, requis 144 mois de prison (12 ans) assortis d’une période de sûreté de 72 mois (6 ans) contre Ibra et Félix. Il a par contre estimé que le chef d’accusation de vol simple n’était pas constitué pour ces deux derniers, la moto volée ayant été saisie entre les mains de Manu.
Pour Manu justement, il a demandé qu’il soit relaxé pour les faits de grand banditisme mais, que l’infraction de vol simple soit requalifiée en recel. Il a alors requis à son encontre, 24 mois de prison dont 12 mois de sursis et 12 mois de fermeté et d’une amende de 300 000 F CFA assortie de sursis.
Sur ce, le juge a donné la parole aux prévenus pour qu’ils se prononcent. Tous ont fondu en des excuses : « je demande pardon au procureur et à la cour », ont déclaré tour à tour les 3 accusés.
Enfin, ce fut au tour du tribunal de prononcer la sentence. Le tribunal a relaxé Ibra et Félix des poursuites de vol simple avant de les déclarer coupables de grand banditisme, les condamnant chacun à « 11 ans de prison dont 5 ans ferme et 3 ans de sûreté assortie d’un million d’amende avec sursis. » « La loi sur le grand banditisme dit que 11 ans est le minimum. C’est la chance qu’on vous donne parce que vous êtes jeunes. Si vous sortez, restez tranquille », a conseillé le juge.
Revenant sur le cas de Manu, le tribunal a jugé qu’on le relaxe « au bénéfice du doute. »
Il a été rappelé à ces mis en cause qu’ils ont 15 jours pour faire appel s’ils ne sont pas satisfaits de la sentence.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf
Félicitations pour l’article,
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