mardi 5 novembre 2024
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Kaya : Élève déplacée interne, Zenab veut tout abandonner pour devenir VDP

Le Gouvernement de la Transition burkinabè a lancé, en octobre 2022, une vaste opération d’enrôlement de Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) devant venir en appui aux Forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme. Depuis le lancement de l’opération, plusieurs citoyens burkinabè se sont mobilisés de toute part pour se faire enrôler. A Kaya, dans la région du Centre Nord, l’une des régions fortement impactées par la crise sécuritaire, les populations ont accueilli cette opération avec enthousiasme. Et parmi ces personnes, figure Zenab (nom d’emprunt). Elle est élève déplacée interne en classe de terminale D. Mais la jeune fille veut aujourd’hui tout abandonner pour rejoindre les rangs des VDP.

Zenab est une élève en classe de terminale D. En raison de la crise sécuritaire, la jeune fille a dû quitter ses parents dans le village d’Arbinda (nord) en 2018, pour poursuivre ses études à Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord et de la province du Sanmatenga. Là aussi, elle sera confrontée aux péripéties de la vie, avec son statut de déplacée interne. Quitter Arbinda pour Kaya a laissé en la jeune fille d’horribles souvenirs qui malheureusement resteront « à jamais » gravés dans sa mémoire. 

En effet, 4 années après, cette élève déplacée a encore le souvenir des cadavres qui jalonnaient les routes qu’elle avait empruntées pour rejoindre Kaya. Un fait qui a créé en elle « un profond traumatisme ». « Tellement profond » qu’elle dit avoir même eu du mal à se concentrer sur ses études à son arrivée dans la ville refuge. « Je ne cessais de penser à mes parents restés à Arbinda et à ce que j’ai vu en route… », lâche-t-elle difficilement pour ne pas tomber dans ses tristes souvenirs.

Des épreuves plus fortes que le BAC !

L’autre difficulté à laquelle s’est vue confronter la jeune élève nouvellement déplacée était la vie chez son tuteur. Les réalités des classes de Terminale avec les groupes d’études de nuit et bien d’autres lui ont valu à plusieurs reprises des brimades. « Si je reste dehors jusqu’à 23 heures, on m’accuse à chaque fois de passer mon temps avec des hommes. Ce qui n’est pas fondé. Ce qui me préoccupait c’était mes études. Je ne peux pas quitter Arbinda et venir abandonner les études, pour suivre des hommes ici. Non ! Une autre personne pouvait le faire, mais pas moi. Je pleurais même parfois. Les femmes de mon tuteur savaient que je n’étais pas là personne qu’on pensait de moi mais chacune d’elle craignait d’être victime de la colère de leur époux. La seule idée qui m’est venu en tête : dormir au lycée pour suivre les cours le lendemain », explique-t-elle.

Et effectivement, Zenab a confié avoir plusieurs fois dormi au lycée de peur d’être réprimandée si toutefois elle rentrait chez son tuteur. « Je suis venue une fois trouver que la porte était fermée. J’ai tapé et même appelé pour qu’on m’ouvre sans succès. J’ai alors décidé de retourner au lycée pour passer le reste de la nuit car il faisait déjà tard. Une deuxième et une troisième fois, j’ai trouvé que j’étais privée de nourriture », déplore-t-elle.

Face à la persistance de la situation, elle dit avoir recouru à son professeur de français qui l’a aidée. « J’ai décidé de me confier à mon professeur de français. Il m’a bien écoutée et m’a prodiguée des conseils. Ce qui m’a permis de me libérer. Le professeur a même contacté mes parents afin qu’ils essaient de me remonter le moral. Mais par défaut de réseau, j’arrivais à communiquer rarement avec mes parents », a-t-elle confié.

C’est dans de telles circonstances que Zenab va échouer à son examen du baccalauréat session 2022. Face aux difficultés de la vie à Kaya, elle décide de retourner à Arbinda au chevet de son père malade et profiter de cela pour leur raconter sa mésaventure de la ville.

À la faveur d’un convoi de ravitaillement de la localité, elle est retournée en mi-septembre dernier dans sa localité. De retour à Arbinda, la jeune fille va commencer à vivre la nostalgie de la ville de Kaya, surtout celles liées à son cursus scolaire, voyant la rentrée scolaire qui s’annonçait alors qu’aucun convoi n’était programmé pour rallier Kaya. « J’ai encore commencé des insomnies car je voulais même postuler au concours de recrutement militaire, mais je n’ai pas pu parce que rallier Dori à partir de Arbinda était la croix et la bannière. J’ai même fait le concours des sapeurs-pompiers où j’étais admissible aux épreuves sportives. C’est à l’issue des épreuves écrites que j’ai été écartée », explique-t-elle la voix nouée de regret.

Revenir à Kaya pour poursuivre les études

Fin octobre, à la faveur d’un autre convoi, Zenab a pu reprendre le chemin de Kaya. Comme en 2018, le retour sur Kaya a été une fois de plus un autre problème.  « Le calvaire, c’est Arbinda – Gorgadji et Dori. Ce tronçon, il faut plus de cinq 05 heures pour le parcourir. Nous avons fait plus de cinq 05 heures pour parcourir au moins 40 kilomètres. Entre Dori-Tougouri, ce que nous craignions nous arriva. Alors que les cars avançaient à un rythme assez lent, nous sommes tombés sur des terroristes. Ils (les terroristes ndlr) ont donné l’ordre à tout le monde de descendre des cars. Après la descente, ils ont procédé au contrôle des documents. Les CNIB, certificats de nationalité, extraits de naissance, diplômes, etc. étaient contrôlés et retirés. Les cibles privilégiées étant les FDS et VDP, nous avons simplement été dépouillés de nos documents d’identité et personnels », se souvient-elle.

S’enrôler pour se venger

De ses dires, les groupes armés terroristes l’ont dépouillée de tous ses documents administratifs. « Mes diplômes, extrait de naissance, CNIB et toutes mes attestations ont été retirés pendant ce contrôle », a-t-elle lâché avec amertume, expliquant sa résolution de s’enrôler VDP. « La seule solution pour moi, après toutes ces difficultés, c’est d’être VDP. Je dois me venger ! », a soutenu avec conviction et rage, celle-là qui est prête à mettre en avant la défense de la Patrie que son examen du baccalauréat. « Si on acceptait l’enrôlement sans aucun papier, j’allais me faire enrôler comme VDP. Qu’est-ce que je deviendrai sans aucun document administratif ? Je dois abandonner l’école pour être VDP. Le fait de pouvoir défendre ma patrie est déjà une réussite pour moi », se résout-elle avant de se montrer pensive sur sa situation scolaire : « comment vais-je faire pour fournir les dossiers de mon examen du baccalauréat ? »

Sur ce point, Zenab a salué les responsables de son établissement pour les efforts pour comprendre et accepter sa situation. « Les responsables du lycée sont à saluer. C’est juste ce 08 novembre 2022 que j’ai repris le chemin de l’école. Quand je suis arrivée, j’ai expliqué ma situation aux responsables du lycée. Ils m’ont vite compris, m’ont précisé que ma situation était préoccupante et que les portes sont ouvertes pour moi. Je suis arrivée trouver que mes camarades avaient fini les premiers devoirs mais, là n’est pas le problème. Le fait d’arriver saine et sauve à Kaya est une grande satisfaction pour moi. Cette année, j’ai loué une maison pour mieux bosser. Mon échec de l’année passée est en partie lié aux problèmes que je vivais en famille. Je n’étais pas tranquille pour apprendre. Même avoir à manger souvent c’était compliqué. Mes besoins spécifiques, il fallait faire de petits travaux les weekends pour avoir un peu d’argent. J’ai même fait ces travaux pour solder l’autre moitié de mes frais de scolarité », nous raconte-t-elle.

Le professeur de français n’était pas seulement celui qui donne les cours en classe. Prodiguer des conseils fait partie de sa relation avec ses élèves dont notre interlocutrice. Et des cas comme Zenab, il en a rencontré plusieurs. Bien avant cette jeune fille, beaucoup de ses élèves le prenaient comme « un bon grand frère ». « Sa simplicité fait de lui un meilleur confident de ses élèves », relève Zenab.

Ce « bon Samaritain » considère que personne n’est à l’abri de la situation des personnes déplacées internes. Il a invité chaque citoyen, dans la mesure du possible, à apporter son soutien, modeste soit-il, à ces personnes en détresse.

Sampawendé Sawadogo (Correspondant)

Minute.bf

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