dimanche 15 décembre 2024
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Tribune – Burkina : « Pour la souveraineté, le combat ne fait que commencer » (Dr. Hyacinthe W. Ouédraogo)

Ceci est une opinion de Dr Hyacinthe W. Ouédraogo, Écrivain, Enseignant-Chercheur, Président du Mouvement Conscience Nouvelle (MCN) et Membre du Groupe d’Initiatives pour la Refondation de la Patrie (GIRP), sur la réaction du président français Emmanuel Macron, après la demande de retrait des forces françaises par les autorités burkinabè.

« La Bulle du Patriote : Départ de l’armée française du Burkina Faso. Pourquoi les autorités françaises s’indignent-elles ?

Hier, j’ai lu un article intéressant de l’écrivain professionnel Adama Siguiré sur l’indignation des autorités françaises qui voudraient une clarification de la part des autorités burkinabè alors qu’en 1966, le président français Charles de Gaulle avait retiré Paris du commandement militaire intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN, créée en 1949).

J’aimerais à la suite de cet écrit, faire une analyse analogue. Il y a bel et bien une contradiction entre la réaction du président français sur le sujet et l’histoire récente de la France. Cela relève plus d’une mauvaise volonté que d’une ignorance du passé. Il y a de fortes similitudes entre la position du général de Gaulle en 1966 et celle du capitaine Traoré en 2023:

1 . Les Gaullistes estimaient que l’évolution du monde depuis la création de l’OTAN en 1949 ne justifiait plus les dispositions militaires qui liaient la France à l’OTAN. Si la France a pu renoncer, dans un contexte volatile de guerre froide, des clauses militaires avec la plus grande alliance militaire de l’époque, qu’elle nous reconnaisse aussi la liberté de rompre avec elle comme bon nous semble.

2 . Le général de Gaulle a exigé le départ des troupes étrangères notamment américaines et canadiennes de son territoire de même que la fin de l’exploitation de son espace aérien par les forces de l’OTAN. Charles de Gaulle trouvait que cette présence militaire étrangère entamait la souveraineté de la France. Le président Traoré ne puisse t-il pas aussi juger que le stationnement des forces spéciales françaises surtout à Ouagadougou la capitale politique soit une atteinte grave à notre souveraineté nationale ? D’ailleurs, quel bilan positif de cette présence française peut-on exhiber pour nous convaincre de sa nécessité ?

3 . En effet, de 1958 à 1966, le général de Gaulle a tenté en vain d’obtenir des concessions de la part des Américains et des Britanniques. Exaspéré par le rôle de second plan au sein de l’OTAN, il envisageait jouer pleinement son rôle de puissance militaire et atomique. De même que la France se réservait le droit de poursuivre de telles ambitions, il est aussi logique pour le Burkina Faso en butte au terrorisme de se réserver le droit de s’assumer pleinement dans cette guerre et de choisir librement quel pays avec qui collaborer. Si il est vrai que la sécurité précède le développement, quoi de plus normal qu’une civilisation qui se veut sérieuse soit maître de sa propre sécurité et de sa politique de défense?

4 . En un mot, comme l’avaient soutenu les Américains sous la présidence de James Monroe en 1823 : « l’Amérique aux Américains », la position du général de Gaulle pouvait se résumer à « La France aux Français ». Eh bien, c’est au tour des Burkinabè de vouloir que le Burkina Faso soit aux Burkinabè.

La posture actuelle de la France n’est rien d’autre qu’un mépris envers le Burkina Faso une dénegation de notre indépendance. Cette infantilisation des États Africains est en effet la conséquence de l’irresponsabilité des dirigeants africains depuis les indépendances. Quand on refuse d’assumer son indépendance et compte sur des États occidentaux pour se protéger et se développer, on devient la risée de ces derniers. J’ai déploré ce fait sur ma page Facebook en juillet 2022, quand, sous la gouvernance de Damiba, l’ambassadeur français s’était permis de s’adresser en colon au peuple burkinabè.

Extrait intégral : « Pas de lutte, pas d’indépendance. Pourquoi les Burkinabè s’étonnent-ils du discours paternaliste et même méprisant de Monsieur Luc Hallade, l’ambassadeur de France au Burkina-Faso, pour ne pas dire le gouverneur français du territoire du Burkina Faso ? Qui sont le lieutenant colonel Damiba et son gouvernement? Qui sont même les Burkinabè aux yeux de cet homme ? Ne sommes-nous pas pour lui des sujets français, des descendants d’indigènes à peine sortis de l’obscurantisme ? Soyons rationnels et même logiques envers nous-mêmes. Depuis quand le Burkina-Faso est-il un pays indépendant pour que la France daigne nous respecter ? Depuis quand pouvons-nous décider de notre politique étrangère, de la défense ou de notre système de gouvernance? En 1960, les pays africains n’ont jamais obtenu leur indépendance. Revisitons tous l’Histoire. Il est dit dans la Constitution française de la 5è République que l’accession à l’autonomie des colonies africaines était conditionnée par la signature d’accords de coopération avec la France. Le Burkina Faso (ex Haute-Volta) a signé ces accords avec la France en 1961. C’était une obligation de Charles de Gaule. Depuis quand indépendance rime-t-elle avec contrainte? L’indépendance est trop belle pour qu’on l’octroie à un pays. Il faut réécrire notre Histoire en se démarquant de la vision française. La véritable date de l’indépendance du Burkina-Faso est le 04 août 1983, l’avènement de la Révolution Démocratique et Populaire de Thomas Sankara. Hélas, Blaise Compaoré et son aile des apatrides ont volontairement mis fin à cette indépendance le 15 octobre 1987 pour nous renvoyer comme un colis dans le giron de l’impérialisme français. Depuis 1987 le Burkina-Faso n’est plus un État indépendant mais un département français.

L’ambassadeur de France ou Monsieur le gouverneur du département français du Burkina Faso est en droit de se narguer du président Damiba et du peuple Burkinabè. Le Burkina Faso n’est pas un pays. C’est un territoire conquis de la France depuis la fin du 19e siècle, c’est pourquoi les Français ont décidé de le livrer aux terroristes et d’y déloger des millions de Burkinabè qu’on qualifie aujourd’hui de populations déplacées internes (PDI). Le vrai terme qui sied est « des populations sans patrie » et ce qualificatif guette tous les Burkinabè que nous sommes vu la montée fulgurante de l’insécurité. La vérité fait mal mais c’est la vérité. Nous n’avons pas un président, mais plutôt un préfet. Le gouvernement n’existe pas. Les ministres ne sont que des valets. Nous ne sommes pas un peuple, nous sommes des sujets français parce que nous aimons le suivisme et l’assistanat. Nous refusons de nous assumer et de nous battre.

Depuis quand un pays indépendant conserve-t-il sa monnaie coloniale ? Depuis quand un peuple libre compte-t-il sur une armée étrangère pour la défense de sa patrie ? L’ambassadeur l’a bien souligné. La France fait tout pour le BF: lutte contre le terrorisme et la désertification, actions humanitaires, éducation, emploi des jeunes, aménagement de routes, développement du monde rural, etc. C’est la France qui nous nourrit et nous sommes assujettis à ses subsides comme un bébé accroché au sein de sa maman. Où est donc l’État Burkinabè dans tout ça ?

Nous nous sommes déresponsabilisés depuis des décennies car nous avons peur d’affronter les défis de notre survie et de notre indépendance. Tout le monde sait actuellement que le conformisme du MPSR (de Damiba) nous conduira certainement à la ruine, mais combien s’en préoccupent-ils? Tout le monde sait que la seule issue qui nous reste est la mobilisation populaire pour faire face aux impostures et imposer une véritable révolution. Seule la révolution pourra mettre fin au mépris que nous impose le reste du monde.

Si nous voulons être réellement indépendants et ne plus avoir à subir les humiliations de ces petits ambassadeurs blancs, il nous faut absolument accepter la lutte et encore la lutte ». Fin de citation.

Bref, depuis le 30 septembre 2022, l’avènement du M.P.S.R 2 et du capitaine Traoré à la tête de l’État ont basculé l’histoire du Burkina Faso dans un autre registre, l’affirmation de notre souveraineté et notre positionnement plein dans la lutte contre le terrorisme. C’est ce que la France ne veut pas entendre et c’est pourquoi elle s’agite trop.

Rien d’étonnant dans le comportement des Français. Un adage dit que le chien ne change pas sa manière de s’asseoir. La France ne changera jamais. La France de Macron s’inscrit parfaitement dans cette logique. À partir de 1958, ce fut la Guinée de Sékou Touré qui a été torpillée pour avoir eu le courage de dire non à la France. Puis ce fut au tour de Maurice Yameogo qui avait osé exiger le démantèlement des bases françaises de la Haute Volta de subir les foudres de Paris à partir de 1961.

Nous devrons nous attendre à pire que ce mépris de notre souveraineté nationale.

La France toujours fidèle à ses principes d’Etat déstabilisateur fera tout ce qui est à son pouvoir pour nous prouver que sans son armée nous ne sommes rien et ne pourrons rien face au terrorisme. Cette communication politicienne de la France vise à saper notre moral et à prédire l’apocalypse après. Les pressions de tout genre vont s’accentuer. Il appartient au peuple de rester vigilant et résilient. Pour la souveraineté, le combat ne fait que commencer et la traversée nul doute sera périlleuse.

Dieu bénisse le Burkina Faso ! »

Dr Hyacinthe W. Ouédraogo, Écrivain, Enseignant-Chercheur, Président du Mouvement Conscience Nouvelle (MCN) et Membre du Groupe d’Initiatives pour la Refondation de la Patrie (GIRP).

Minute.bf

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