La cérémonie de lancement du rapport 2018 sur l’état de la corruption au Burkina Faso a eu lieu le 30 septembre 2019 au Comptoir Burkinabè des Chargeurs (CBC) dans la capitale burkinabè. Il s’agissait, pour le secrétaire exécutif (SE) du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), Sagado Nacanabo, de présenter le rapport d’enquête 2018 sur la corruption et ses résultats au grand public.
« Des expériences de corruptions vécues au quotidien par les citoyens, il ressort que 327 personnes, soit 16% des 2016 enquêtés, ont offert directement au moins une rétribution illégale en 2018 à un agent public en échange d’un service non soumis à payement », a indiqué d’entame Sagado Nacanabo, sécrétaire exécutif du REN-LAC, qui a fait noter que ces résultats sont la finalité d’une enquête menée par le REN-LAC en 2018 et qui a porté sur un échantillon de 2016 personnes âgées d’au moins 18 ans, dont 50,1% de femmes et 71,1% de scolarisés. « Le sondage s’est déroulé du 8 au 20 novembre 2018 dans les 13 chefs-lieux de région et la ville de Pöuytenga » , a-t-il precisé.
La corruption, un mal qui a la peau dure au Burkina
Ainsi, selon les dires du SE du REN-LAC, « 212 enquêtés, soit 10,5% de l’échantillon total, déclarent avoir été témoins d’offre et/ou d’acceptation de rétributions illégales dans les administrations publiques et parapubliques au cours de l’année 2018 ». Pour lui, il n’y a pas de doute à se faire: « ces résultats indiquent que la corruption demeure un phénomène fréquent au Burkina Faso ». D’ailleurs, a-t-il martelé, « tout comme en 2017, sept (07) enquêtées sur 10 estiment que la corruption est fréquente, voire très fréquente au Burkina Faso ».
Témoignages de cas de corruption
Les enquêtes ayant été menées auprès des populations, M. Nacanabo a insisté pour faire ressortir certains témoignages recueillis lors des enquêtes, sans doute pour montrer la gravité de la situation. Le premier a été recueilli à Pouytenga : « J’ai voulu faire rentrer de l’huile à Pouytenga dans le cadre de mon commerce et les douaniers qui sont situés sur la route de Cinkansé m’ont contrôlé et fait savoir que ma marchandise n’était pas de qualité. J’ai donc demandé à ce qu’ils me laissent parce que j’ai l’habitude de me procurer l’huile chez le même fournisseur. Ils ont refusé et m’ont dit de payer 100000 francs CFA avant de récupérer ma marchandise. Pour me libérer, j’ai donc été obligé de payer la somme exigée sans avoir un reçu de paiement ». (Indépendant de 33 ans à Pouytenga)
Autre témoignage :« Ce sont les ordres de mission qu’on vise au commissariat pour le retour. Lors de nos rencontres au service de l’agriculture de Manga, on a cotisé une somme pour aller donner au policier pour qu’il vise nos ordres de mission avant le jour-J. On était 44 et chacun a cotisé 1000 francs donc en tout 44000 francs CFA. (Salarier de 42 ans à Manga) ».
Le dernier témoignage :« Je voulais une classe de 6ème pour mon neveu scolarisé chez moi et je suis allée au lycée Lagmtaaba au secteur 15 de Ouagadougou. Le proviseur nous a dit qu’étant donné que l’élève n’a pas eu l’entrée en 6ème, il fallait que nous lui versions 50000 francs CFA pour être sûr d’avoir la place. Nous avons finalement payé la somme exigée sans prendre de reçu. Nous avons par ailleurs payé les frais de scolarité à hauteur de 27 000f. » (Indépendante de 36 ans à Ouagadougou).
Classement des services les plus corrompus au Burkina
A la lumière des enquêtes menées, selon le secrétaire exécutif du REN-LAC, il ressort que la douane est perçue comme le service où les pratiques de corruption ont été les plus fréquentes. Suivent successivement la Police municipale, la Direction générale des Transports terrestres et maritimes (DGTTM), la Gendarmerie nationale et la Police Nationale. L’enseignement secondaire se classe 6ème et la justice 7ème selon ses dires.
Impression de la gestion de la corruption par le pouvoir
Il ressort, d’après le rapport, que près de la moitié des enquêtés (49,6%) ne sont pas satisfaits de l’action du gouvernement contre la corruption dans le pays, contre seulement 15,7% qui déclarent être satisfaits. « La détermination du président du Faso ainsi que de son gouvernement à lutter contre la corruption n’a pas été très perceptible », selon M. Nacanabo. En conclusion, le secrétaire exécutif de la lutte anticorruption au Burkina a déploré le fait que, « celui qui doit incarner le symbole de la lutte contre la corruption au Burkina Faso à travers son exemplarité, sa fermeté, s’est transformé en un spectateur impuissant face aux dérives de certains agents publics, parmi lesquels, ses plus proches collaborateurs ».
Hamadou Ouédraog
Minute.bf
Que l’État s’évite maintenant