Les députés de l’Assemblée législative de transition (ALT) ont examiné et adopté, ce 30 décembre 2023, le projet de loi portant révision de la Constitution.
Au titre du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce nouveau projet de loi dispose en son article 13, que « les magistrats du parquet sont soumis à la loi, à l’autorité de leurs supérieurs hiérarchiques et à celle du Ministre chargé de la Justice ».
L’article 134 dispose quant à lui, que les magistrats du parquet sont nommés et affectés par le Conseil supérieur de la magistrature sur proposition du Ministre chargé de la Justice. Un autre article consacre l’arrivée au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature de personnalités non-magistrates.
Au cours de la séance plénière, l’un des députés a posé la question de savoir si ces dispositions ne présentent pas un risque de remise en cause de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Donnant reponse à cette préoccupation, le ministre de la justice et des droits humains, Me Edasso Rodrigue Bayala, a affirmé qu’il n’en est rien. Il a indiqué que « ce projet de loi a été beaucoup plus jugé avec des intentions que par rapport aux textes qui le composent ». Il a rappelé qu’avant l’insurrection populaire de 2014, le Président du Faso officiait en même temps en tant que President du Conseil Supérieur de la Magistrature. Le ministre de la justice, lui, siégeait alors en tant qu’adjoint.
Ce n’est qu’après l’insurrection, a-t-il relevé, qu’il a été décidé que le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature soit élu par ses pairs. Et Me Edasso Bayala de préciser que cette disposition n’est pas remise en cause par le présent projet de loi. « Dans la présente reforme, on n’est pas revenu sur ce point. Il est prévu que le président du Conseil supérieur de la magistrature soit élu par ses pairs. Et le Président du Faso n’est pas membre du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) pour être élu président. Je ne crois pas non plus que c’est aussi l’intention du ministre de la Justice d’y faire partie, pour se faire élire President du CSM », a-t-il indiqué.
Il a aussi ajouté que l’arrivée de personnes non-magistrates dans la composition du CSM ne porte aucunement atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Cela, a-t-il relevé, parce que, tout d’abord, le CSM n’est pas un organe juridictionnel. « Le Conseil supérieur de la magistrature ne rend pas de décisions juridictionnelles. C’est un organe qui est chargé de réguler le secteur de la Justice en ce qui concerne les magistrats. Il statue sur les carrières, sur leur déontologie quand il y a manquements pour sanctionner. En somme, il œuvre à ce que le secteur de la magistrature puisse bien fonctionner », a expliqué le ministre.
Par ailleurs, selon lui, des trois pouvoirs qui composent la République, seul le pouvoir judiciaire n’est pas soumis au suffrage du peuple. « Le pouvoir exécutif avec le Chef de l’État, est soumis au pouvoir du peuple pour sanctionner sa gestion. Le législatif est également soumis au pouvoir du peuple, pour apprécier la préservation des intérêts du peuple. Mais le pouvoir judiciaire se soumet au contrôle du peuple à quel moment ? C’est à quel moment le peuple exerce un contrôle sur son pouvoir judiciaire pour qu’il puisse effectivement repondre à ses aspirations ? C’est pourquoi, naturellement, lorsqu’il y a eu l’insurrection de 2014, à l’issue des états généraux qui se sont tenus, ceux qui y ont participé ont estimé qu’au regard des dysfonctionnements graves qu’on a constaté au niveau du secteur de la Justice, il était nécessaire que des personnes non-magistrates, qui représentent le peuple, puissent siéger au niveau du CSM. Cela, pour permettre que le peuple ait un œil sur ce qui se passe et que ces représentants qui y siègent apportent les aspirations profondes du peuple en matière de justice au niveau de cet organe de régulation. En quoi cela peut porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire ? », a renseigné Me Edasso Bayala ajoutant du reste, que ces personnes qui y siègent n’y sont pas pour prendre des décisions à la place des magistrats. « Ils ne vont pas pour imposer à des magistrats des décisions à rendre puisqu’après l’organe de régulation, chaque magistrat retourne dans sa juridiction, où, il est libre de rendre sa décision », a fait savoir le ministre.
Pour Me Edasso Rodrigue Bayala, ce projet de loi est jugé plus sur la base des intentions qu’à partir des textes mêmes qui le composent. « La crainte découle plus du fait qu’on a jugé le projet dans l’intention que dans sa forme qui a été déposée à l’Assemblée législative de Transition. Les gens ont fait circuler un esprit d’atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Pourtant, comme je le disais, l’article 129 et l’article 130 qui consacrent l’indépendance du pouvoir judiciaire n’ont pas l’objet de modifications. Le gouvernement est conscient qu’il faut assurer l’indépendance au niveau du pouvoir judiciaire pour une stabilité dans notre pays et surtout, pour protéger les libertés individuelles et collectives », a-t-il indiqué.
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Oumarou KONATE
Mathias KAM
Minute.bf