Deux personnes étaient face au juge du Tribunal de Grande instance de Ouagadougou pour répondre de faits d’homicide involontaire. Joseph est accusé entre autres d’homicide involontaire sur la personne de Mohamed, mais aussi de destruction de bien immobilier (motocyclette), etc. Son acolyte Norbert, lui est accusé de complicité d’homicide involontaire. À leur côté à la barre étaient assis le grand frère de la victime, Karim et un témoin du drame Hamidou. C’est une affaire de drame familial, car la victime est en effet parenté à son bourreau. Comment ce drame familial est-il survenu? Les accusés s’expliquent face au juge.
Joseph a acquis un nouveau véhicule qui est arrivé à l’une des frontières du Burkina. Content de son nouveau véhicule, il a voulu le conduire malgré le fait qu’il n’ait pas le permis de conduire. Ainsi, au volant de sa bolide, il a vu un groupe d’amis et de parents assis au bord de la voie. Tout naturellement, il a bifurqué pour saluer ses amis et présenter son nouveau véhicule. Mais en voulant freiner, il a appuyé sur l’accélérateur. Ce fut le sauve-qui-peut au niveau de la bande qui était assise et qui faisait la causette. Le véhicule traina Mohamed jusqu’à se heurter à un mur. L’irréparable s’est produit. Selon un des rescapés à la barre, Mohamed n’a pas eu la chance de s’échapper comme eux. Il a été emporté contre le mur par le nouveau véhicule et ne se relèvera plus jamais. Il laisse derrière lui une femme et deux enfants.
« Nous sommes arrivés pour les saluer, mais mes sandales ont lâché et j’ai appuyé sur l’accélérateur au lieu du frein », a expliqué l’accusé au juge. « Vous avez le permis de conduire? » lui demande alors le juge. « Non, je me suis inscrit à l’auto-école pour le permis de conduire », répond Joseph. « Vous n’avez pas le permis et comment vous vous êtes retrouvé au volant du véhicule? » lui relance le juge. Le prévenu, tête baissée, plongé visiblement dans l’abîme de ses regrets, ne dit mot.
Le juge se tourne alors vers Norbert, celui-là qui était dans le véhicule avec l’auteur du drame. « Au niveau de la déposition, on constate que vous avez le permis et vous laissez le volant à quelqu’un qui n’en a pas. Il n’a pas le permis et vous le laissez conduire. Que s’est-il passé? », interroge le juge. D’une voix timorée et abattue, il explique: « le père de Joseph m’a appelé et m’a dit que son fils a payé un nouveau véhicule qui vient d’arriver à la frontière. Il m’a donc demandé d’aller avec lui chercher le véhicule. Nous sommes allés chercher le véhicule, mais sur la route du retour, il a demandé à conduire. Je lui ai demandé s’il avait le permis, il m’a dit qu’il s’est inscrit à l’auto-école et qu’il savait conduire. Il a insisté et je lui ai remis le volant entre temps. À quelques kilomètres de la maison on a vu les amis en train de causer et on est passé pour les saluer; c’est là que le drame est arrivé ».
Le procureur face à cette explication a cherché à savoir les raisons qui ont poussé le père de Joseph l’a appelé pour qu’il parte chercher le véhicule. Norbert ne dit mot. Et au procureur de lui fait savoir: « c’est parce que vous avez le permis que le vieux vous a appelé pour que vous accompagniez son fils chercher le véhicule. C’est parce qu’il sait que son fils n’a pas le permis. Vous avez le permis vous savez que c’est interdit de conduire sans le permis de conduire; pis, vous lui avez même confié le volant ».
En rappel, Norbert est poursuivi pour complicité d’homicide involontaire et l’auteur du drame lui-même est poursuivi pour homicide involontaire, dégradation de bien immobilier, conduite sans permis, conduite d’un véhicule dont la visite technique et l’assurance ne sont pas à jour.
Le juge avant de prendre la réquisition du procureur a demandé au frère du défunt s’il voulait un dédommagement pour s’occuper des enfants du défunt. « C’est l’œuvre de Dieu. C’est Dieu qui a voulu que ça arrive. Nous nous en remettons à Dieu. Nous ne voulons rien, nous ne voulons pas qu’il soit condamné. S’il sort et qu’il veut s’occuper des enfants, ça sera la bienvenue », a dit le vieux Karim. Au juge de lui faire savoir: « vous pouvez ne rien lui demander comme compensation, mais il n’est pas de votre ressort de décider d’une sanction ou pas. La sanction c’est nous qui décidons de cela ».
Ainsi, le juge se tourne vers le procureur et lui demande sa réquisition pour les mis en cause. « M. le juge, vraisemblablement, c’est un drame familial. Nous retenons donc, les faits d’homicide involontaire, de défaut d’assurance, défaut de maîtrise du véhicule à l’encontre de Joseph et nous demandons une peine d’emprisonnement de 6 mois et une amande de 25 000 FCFA le tout ferme. À l’encontre de Norbert, nous retenons le fait de complicité d’homicide involontaire et nous requérons une peine d’emprisonnement de 3 mois avec sursis ».
La délibération a été renvoyée à une date ultérieure.
Hamadou Ouédraogo
Minute.bf