Alors que les prévenus ont reconnu certains ou presque l’ensemble des faits qui leur sont reprochés, la défense a soulevé à l’entame du procès de l’affaire détournement de fonds humanitaires, ce mardi 03 décembre 2024, une exception d’inconstitutionnalité.
Selon les avocats, la loi N⁰16 de l’année 2016 sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne respecte pas le principe d’égalité et de celui de la séparation des pouvoirs. L’article 118 de cette loi, selon les propos de la défense, viole le principe d’indépendance de la justice en dictant aux juges ce qu’ils doivent faire s’ils sont saisis d’une infraction de blanchiment de capitaux. Soulignons que cet article prescrit que le prévenu qui est reconnu coupable de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ne peut pas bénéficier du sursis.
Cette prescription de la loi, selon la défense, est en contradiction non seulement avec le principe de la séparation des pouvoirs, mais aussi avec même l’article 1 de la Constitution qui dit que tous les Burkinabè naissent libres et égaux en Droit.
Les avocats de la défense estiment donc qu’il faut surseoir au jugement pour saisir le Conseil constitutionnel qui devra statuer sur cette exception d’inconstitutionalité. Cela, conformément à la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel qui dit que lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée devant une juridiction, la juridiction concernée doit surseoir au jugement et saisir le Conseil constitutionnel.
Le parquet a fermement battu en brèche les propos de la défense. S’il reconnait que l’article 118 de la loi n°16 de 2016 portant lutte contre le blanchiment de capitaux ne prévoit pas de sursis, il dit ne pas voir en quoi cet article fait de la discrimination. « La loi dit que tout citoyen poursuivi de blanchiment de capitaux ne bénéficie pas de sursis. Il ne s’agit pas d’une certaine catégorie de personnes encore moins de Amidou Tiégnan uniquement. C’est une loi spéciale dont la procédure est dérogatoire au régime du droit commun et c’est applicable à tout citoyen qui est reconnu coupable de blanchiment de capitaux et qui se retrouve devant votre barre. Il faut qu’on nous évite le dilatoire », a défendu le parquet.
Du reste, il a rappelé qu’aucune loi au Burkina Faso ou ailleurs, ne mentionne nulle part que le sursis est de droit pour un prévenu.
L’agent judiciaire de l’Etat (AJE) a, pour sa part, rappelé l’existence d’autres infractions, outre celle du blanchiment des capitaux. Il souhaite donc que l’instruction du dossier se poursuive même si le Conseil constitutionnel venait à être saisi par rapport à cette exception d’inconstitutionnalité.
L’audience est suspendue pour 30 minutes en vue de permettre au tribunal de statuer sur la question.
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