International Crisis Group (ICG) a présenté son rapport à Niamey, le 3 janvier dernier, intitulé « Contenir l’insurrection jihadiste dans le Parc W en Afrique de l’Ouest. » Ce rapport se focalise aussi sur la manière dont les gouvernements concernés peuvent travailler ensemble et avec des partenaires, pour contenir les hommes armés dans le parc, et atténuer l’impact de la prise de contrôle du parc par ces hommes armés sur les communautés locales.
Selon le rapport d’ICG, des groupes d’insurgés (terroristes, ndlr) se sont installés dans le Parc W, une vaste zone protégée transfrontalière, partagée entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger qu’ils utilisent comme base arrière pour lancer leurs incursions dans la savane ouest-africaine. Leur présence dans le parc, selon l’ONG, met en péril les efforts de protection de la biodiversité ainsi que les moyens de subsistance des populations des alentours. « Elle risque également d’aggraver l’insécurité dans les pays côtiers avoisinants », souligne le rapport.
Le Parc W fait partie du complexe W-Arly-Pendjari (WAP), l’une des plus grandes aires protégées d’Afrique de l’Ouest, qui abrite des éléphants, des lions et d’autres espèces dont les habitats disparaissent progressivement ailleurs. Depuis ses débuts à l’époque coloniale, en 1937, l’effort de protection du Parc W a causé des conflits entre les défenseurs de la nature, qui souhaitaient protéger un site précieux pour la biodiversité, et les habitants, qui considéraient le parc comme une zone de cultures, de chasse et de récolte de fourrage pour leur bétail. Les trois gouvernements qui se partagent la juridiction ont manqué d’argent et de main-d’œuvre pour préserver l’intégrité du parc. A partir des années 1970, des sécheresses récurrentes ont poussé les populations des zones arides du Sahel vers le pourtour du parc.
A en croire le rapport d’ICG, les hommes armés ont profité de ces chagrins pour s’implanter. En 2018, deux groupes, la Katiba Ansarul Islam et la Katiba Serma ont pénétré dans le parc et en ont pratiquement pris le contrôle à la fin du mois d’août de la même année. Ces terroristes ont utilisé différentes méthodes pour tenter de nouvelles recrues. « Au début, ils ont recruté des brigands qui vivaient dans la forêt et des jeunes en difficulté. Avec le temps, ils ont tissé des liens avec des éleveurs qui, comme eux, vivent dans la brousse», explique la structure international, selon qui, ces deux dernières années, le Park W est devenu une base importante pour les terroristes. Ces derniers tirent des revenus en prélevant des taxes sur les mines d’or artisanales, en vendant le bétail qu’ils y gardent et en faisant la contrebande de divers produits.
Le même rapport de ICG souligne que le Park W sert à la fois de refuge et de rampe de lancement pour les militants. Les militants ont saboté les principales infrastructures du parc, notamment les tours de guet, les forages, les panneaux solaires, les points d’eau et les antennes du réseau mobile. Ils y ont installé leurs camps et dirigent même un tribunal pour juger les violations présumées de la loi islamique et punir la collaboration avec les autorités de l’État. « Ils emprisonnent ceux qu’ils trouvent coupables à l’intérieur du parc. Le tribunal règle également les différends entre villageois. Jusqu’à récemment, seuls les hommes combattants vivaient dans les camps. Cependant, après que le Burkina Faso ait qualifié son côté du parc de zone militaire spéciale, des femmes et des enfants se sont installés dans le parc depuis les villages voisins, apparemment pour demander la protection des djihadistes auprès de l’armée », est-il indiqué dans le rapport.
A la périphérie du parc, poursuit l’ICG, les terroristes tentent toujours d’imposer la Charia, notamment aux femmes, à qui ils interdisent de sortir seules en public. « Ils s’immiscent dans les relations entre femmes et hommes et ont parfois forcé des jeunes filles mineures à se marier. Ils ont également dû mettre fin à ce qu’ils sont désignés comme des pratiques non islamiques, y compris dans des lieux où les animistes et les chrétiens constituent la majorité de la population », cite le rapport qui précise que les autorités des trois pays, soutenues par leurs partenaires étrangers, ont fait de gros efforts pour arrêter l’avancée des insurgés.
Elles mettent notamment l’accent sur trois axes d’intervention que sont « protéger le parc par des actions militaires, améliorer les mécanismes de surveillance et de lutte contre le braconnage, et traiter la question des conflits pour les ressources ». A cela s’ajoute des actions de protection grâce à une réforme juridique, un renforcement des capacités du personnel de gestion du parc et des programmes concertés visant à impliquer les communautés locales. Mais, selon la structure internationale, leurs efforts n’ont pas suffi, pas davantage que les tentatives visant à améliorer la protection et à atténuer les conflits autour des ressources naturelles dans le parc et aux alentours.
ICG invite donc les autorités des trois pays à mieux prévoir leurs actions militaires et s’entendre sur une stratégie commune de protection des populations, passant, le cas échéant, par une offre de dialogue avec les terroristes. Ils devraient également envisager des réformes pour mieux gérer la concurrence pour les ressources dans les environs du parc. « Au niveau militaire, il faudra une coordination plus solide entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger – même si, par souci d’efficacité, les trois armées devaient continuer à opérer en tant que commandements séparés plutôt que dans un cadre unique. Mais le terrain est difficile, et le coût humain et environnemental d’une action militaire sera probablement élevé. C’est pourquoi, plutôt que de mettre sur une reconquête du parc, les trois pays se sont plutôt concentrés sur une stratégie d’endiguement des groupes armés – notamment autour de Niamey, la capitale du Niger. En parallèle, les trois pays devront s’attaquer aux facteurs de tensions sociales dans les environs du parc, notamment la concurrence autour des ressources. Les autorités pourraient, par exemple, envisager de déclassifier certaines parties des zones tampons du parc pour permettre aux éleveurs de faire paître leur bétail et donner aux agriculteurs des terres à cultiver, même si cette mesure s’éloigne des objectifs de protection. A terme, les trois pays – et d’autres États de la région – pourraient également se pencher sur la question difficile, mais de plus en plus incontournable, de savoir s’il faut encourager les nomades à adopter un mode de vie sédentaire », propose international crisis group. Il préconise également une action militaire coordonnée, devant laisser la place à des stratégies civiles complémentaires, conjuguée à des réformes de moyen et long terme soutenues par les bailleurs de fonds.
International Crisis Group (ICG), aussi connu sous le nom de Crisis Group, est une ONG internationale à but non lucratif créée en 1995, dont la mission est de prévenir et d’aider à résoudre les conflits meurtriers grâce à un travail de recherche sur le terrain, des analyses et des recommandations indépendantes.
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