mercredi 11 décembre 2024
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Aide aux déplacés: Des vivres du PAM « vendus » sur le marché de Pensa et Foubé (enquête)


La commune de Pensa dans le Sanmatenga, région du Centre-nord, à l’instar d’autres communes du pays vit sous menace terroriste permanente. Elle reçoit, depuis l’avènement du terrorisme, des femmes et hommes fuyant les exactions des groupes armés. Ces personnes communément appelées Personnes déplacées internes (PDI) bénéficient de gites, couverts et alimentation via les structures étatiques, les Organisations non gouvernementales (ONGs) et les particuliers de bonne volonté. Mais selon les informations en possession de www.minute.bf, des problèmes subsisteraient dans la distribution des vivres. Pendant que les uns croupissent dans la peur et la famine, il y a aussi la mauvaise gestion des vivres destinés aux PDI.

Un vaste réseau serait mis en place pour profiter de la situation. « Les vivres viennent chaque mois à Pensa mais n’atteignent pas totalement la population. Nous avons mené nos investigations et il se trouve que ce sont des commerçants qui détiennent les vivres et les revendent », a confié à www.minute.bf une source locale, bien au parfum de la chaine de distribution. Comment des commerçants ont pu avoir ces vivres offerts par le programme alimentaire mondial (PAM) ? « Nous avons eu les échos que ce sont ceux qui doivent distribuer ces vivres qui les revendent aux commerçants », poursuit notre source.

Il s’avère donc que c’est par l’entremise de personnes de peu de foi que les vivres se retrouvent sur la place du marché. Cette opération se fait nuitamment. « J’ai des preuves puisque j’ai rencontré des gens qui ont acheté les vivres et ces personnes m’ont indiqué par quelle voie elles ont pu s’en procurer. Aussi, sur les sacs et les bidons d’huile, y a-t-il des marques spéciales et des consignes : interdit de vendre; malheureusement, ces vivres se retrouvent au marché. Les commerçants ont avoué que c’est celui qui partage les vivres et ses frères qui les leur revendent », ajoute la source de www.minue.bf, qui dit avoir même joint au téléphone l’incriminé, dans le but de le dissuader à mettre fin à ses pratiques. « Il m’avait promis qu’il allait arrêter, mais à ma grande surprise, quand j’ai séjourné à Pensa récemment, j’ai constaté une fois de plus que le phénomène persiste », regrette notre interlocuteur.

Des vivres détournés nuitamment

Les investigations de www.munute.bf l’ont conduit à joindre au téléphone l’une des personnes présumées incriminées. L’homme en question affirme que ce sont les déplacés eux-mêmes qui ont volontairement confié les vivres aux commerçants pour plus de sécurité. « Vous savez, il est difficile de convoyer les vivres dans leurs localités respectives, à cause des incursions terroristes. Ils ont donc confié les vivres à des commerçants, d’où ils viennent prélever des rations de quelques jours pour repartir chez eux », se défend-il. Une thèse qui a été réfutée par notre source qui affirme que ces vivres ont été vendus par les distributeurs aux commerçants.


« Le magasin des vivres est souvent ouvert à une heure tardive dans la nuit. Il y a une personne qui était allée chez un rebouteur et à son retour aux environs de 22h, il a trouvé que le magasin était ouvert et se vidait. Pour lui fermer la bouche, il lui a été remis deux sacs de haricots et deux bidons d’huiles de 5 litres », confie une autre source à www.minute.bf. Une information confirmée auprès du concerné que nous avons sur le champ joint au téléphone.

Pour appuyer ses informations, notre informateur a également révélé que « des commerçants de Foubé viennent chercher les vivres pour les revendre à Foubé. Un jour, à 2h du matin, elles convoyaient ces vivres mais les VDP les avaient arrêtées ».

Comme autre preuve, il dit avoir retrouvé les vivres chez un commerçant qui s’apprêtait à les transporter vers Foubé où la revente de ces vivres lui rapporterait gros. « Par exemple la boite (de conserve de tomate, ndlr) coûte 750 FCFA à Foubé contre 400 FCFA à Pensa », note-t-il.

Menace de mort

Mais en dénonçant ces faits, notre informateur dit avoir reçu des menaces de mort. « Un jour, j’étais à Pensa et un numéro inconnu m’a appelé ; je n’ai pas décroché. La personne m’a appelé une deuxième fois, j’ai décroché et elle a prononcé mon nom, j’ai répondu et demandé à qui ai-je l’honneur ? Mon interlocuteur ne m’a pas répondu. J’ai raccroché et expliqué aux camarades avec lesquels j’étais assis. Il m’a appelé une troisième fois demander si nous avons créé notre association pour le développement de Pensa ou pour détruire leur famille ? Je lui ai dit que nous avons créé l’association pour le développement de Pensa. C’est là qu’il m’a fait comprendre que de la manière que nous procédons, c’est plutôt pour détruire leur famille. Il a dit ceci :  »c’est le ventre du monde qui s’est éclaté et chacun cherche à amasser le plus de biens possibles. Il a aussi affirmé qu’eux se débrouillent pour gagner ce qu’ils peuvent, mais nous sommes arrivés, au lieu de chercher à intégrer le réseau pour en bénéficier, nous cherchons plutôt à les détruire », relate-t-il.

Les menaces de morts contre lui ne sont pas restées là. L’ordre lui a été donné de disparaitre de Pensa le plus tôt possible au risque de connaître  »un sort douloureux ». « Il m’a dit que, soit je déménage à la gendarmerie, soit je plies bagage pour repartir à Ouagadougou. Là aussi il faut que la gendarmerie m’escorte jusqu’à Ouagadougou. Que de la manière dont les terroristes terrorisent les gens, eux ils vont me faire subir pire sort. Dans la même soirée, je suis allé à la gendarmerie pour expliquer le problème en croyant que la personne allait reculer mais elle m’a menacé toute la nuit », a-t-il confié.

Et, à partir de ces moments devenus très hostiles pour lui, avec les conseils de ses amis, il a décidé de mettre fin à son séjour à Pensa pour une destination plus sécurisée.

Une enquête ouverte par le PAM

La situation est si grave. Du côté de l’organisme onusien, le PAM, les choses ne sont pas prises à la légère. Des enquêtes sont ouvertes. « Le PAM a pris connaissance de cette allégation de détournement de l’assistance alimentaire le 1er novembre, à travers les réseaux sociaux et par voie de presse. Nous avons collecté des informations discordantes sur la présence de ces vivres chez des commerçants et tenant compte de cette allégation, nous sommes en train d’effectuer un suivi rapproché et de trianguler les informations pour mettre au clair la situation », confirme une source interne du PAM auprès de www.minute.bf.

Les déplacés internes, selon notre interlocuteur, ont affirmé constater certaines irrégularités dans la distribution des vivres depuis longtemps mais ont choisi le silence de peur de subir des représailles de la part de ceux qui gèrent cette distribution et sont impliqués dans cette affaire de détournement.

« Je suis prêt à répondre… », Maire de Pensa

Nos enquêtes nous ont également conduits vers le conseil municipal de la commune de Pensa. Là c’est le maire, Isaac Sawadogo qui nous ouvre ses portes. « Publiez toutes les informations que vous avez en votre possession sur cette affaire. Si on dit que le maire est incriminé, je suis prêt à répondre parce que j’en ai tellement souffert pour que ces vivres viennent à Pensa et que des individus malintentionnés s’en approprient », lance-t-il au journal.

Au départ, le maire confie avoir contacté le PAM pour mieux comprendre la situation parce que, estime-t-il, c’est une question qui « peut refroidir (leur) relation avec le PAM, alors que si le PAM coupe son soutien aujourd’hui, les 53 000 âmes déplacées venues de Pensa vont mourir de faim». « Je veux que l’enquête se poursuive. Au départ, ils ont dit qu’il y a une autorité locale qui était impliquée. Le préfet et moi, nous sommes à Kaya et c’est nous deux les autorités locales. Qui est donc cette autorité locale incriminée ? Que la sécurité fasse son travail comme il se doit pour situer les responsabilités. Je veux même que le procureur s’autosaisisse de cette histoire et que toute la lumière soit faite », a souhaité le maire.

Pour rappel, la commune de Pensa est en proie à des attaques terroristes depuis le début de la crise sécuritaire au Burkina Faso. L’ex maire Souleymane Zabré a été assassiné le 6 Juillet 2020 lors d’une attaque terroriste sur l’axe Pensa – Barsalogho. Les incursions terroristes se sont multipliées dans cette commune de la région du centre-nord.

Armand Kinda

Minute.bf

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