Non ! Le syndicat national des gestionnaires des ressources humaines (SYNAGRH) n’est pas en grève. C’est le rectificatif établi par son Secrétaire général (SG), Souleymane Zoromé que votre journal www.minute.bf a rencontré, avec ses camarades d’autres structures syndicales de l’administration publique, le mercredi 26 juin 2019 à Ouagadougou. Il s’agit plutôt, a-t-il précisé, « d’une situation de déception généralisée par les camarades GRH de différentes administrations et institutions ». Les raisons de cette « déception généralisée » nous ont été données par M. Zoromé qui, comme ses camarades Secrétaires et Documentalistes, déplore l’attitude du ministre en charge de la fonction publique qui « n’a jamais voulu aller au dialogue » pour trouver une solution à la crise qui perdure au sein de son département.
L’insatisfaction constatée dans le traitement de leur plateforme qui date de 2017 « exaspère » les GRH qui ont opté pour un « mouvement d’humeur » au sein de leur département pour se faire entendre. Cette plateforme, décrit Souleymane Zoromé, prévoyait entre autres des questions matérielles, financières, des questions de carrières et même celles de fonctionnement des structures. A cela s’ajoute la détermination des primes de motivation en faveur de tout le personnel de la fonction publique et de tout le personnel des directions des ressources humaines. « C’est un accord signé en bonne et due forme avec le gouvernement le 4 Août 2017 et qui devait aboutir au plus tard le 31 Août 2017. Nous sommes en 2019 et ce point n’a pas trouvé satisfaction », a-t-il relaté.
En 2017, impuissant face à la fronde sociale, le gouvernement avait demandé une trêve pour permettre à l’administration publique de fonctionner. Cette demande avait été renouvelée en 2018. Cette année 2019, malgré la trêve sollicitée par le gouvernement, déplore M. Zoromé, l’on a continué dans le traitement discriminatoire et inique entre travailleurs d’une même fonction publique. Des avantages sont accordés à certains travailleurs et refusés à d’autres. « C’est pourquoi les gens ne peuvent pas rester dans ce silence-là », se justifie-t-il. Une déception qui, a-t-il dit, se déteint sur « l’engouement, la détermination et l’engagement des uns et des autres dans leurs activités de travail ».
Promouvoir l’esprit de dialogue
Aujourd’hui le constat est clair. Le traitement discriminatoire a fait prendre un coup à toute « la chaîne de traitement des carrières ». Pourtant, avant la détérioration de la situation, explique M. Zoromé, les syndicats avaient attiré l’attention du premier Ministre (PM) le 7 Mai dernier sur la nécessité d’aller au dialogue en vue de trouver une solution aux points contenus dans leurs plateformes revendicatives. Dans un esprit de dialogue, le PM avait instruit par correspondance le ministre en charge de la fonction publique d’entrer en concertation avec le syndicat dans l’optique de trouver une solution aux différentes revendications.
Mais jusqu’au 26 juin 2019, date de notre rencontre avec le SG du SYNAGRH, aucune bonne rencontre n’a été observée avec le ministre. La dernière qui pouvait permettre de voir le bout du tunnel devrait se tenir le 24 juin dernier à 11h. Mais elle aurait été reportée « sans motif ». « Cela a créé une rage et une colère chez les uns et les autres », a indiqué M. Zoromé.
« Les GRH n’ont pas pris en otage les concours »
Selon les explications du SG du SYNAGRH, le gouvernement ne veut pas aller à une concertation franche et ouverte avec les syndicats. Il veut plutôt « passer par des manières de contournement » pour résoudre autrement le problème. Un comportement qui a créé « une crise de crispation au sein de la fonction publique », a brandi M. Zoromé.
Plusieurs syndicats dans le département de la fonction publique sont donc entrés en mouvement d’humeur. Un mouvement qui, à l’en croire, impacte les questions de concours. Et si cela continue, s’est-il interrogé, quelle est la garantie nécessaire que l’autorité pourrait prendre pour satisfaire l’opinion publique sur cette question ? Pour sa part, pense-t-il que les acteurs GRH se retrouvent sur une chaine de traitement que les autorités ne maitrisent pas aujourd’hui. « Vouloir contourner telle personne pour aller chez telle personne pour faire une activité, c’est méconnaitre la profondeur des activités des gestionnaires des ressources humaines. De l’entrée jusqu’à la sortie vous allez les retrouver. Est-ce qu’il faut contourner une étape pour aller encore les retrouver devant ? Je ne crois pas que ce soit la bonne solution », a-t-il répliqué, avant de préciser que les GRH n’ont pas pris en otage des concours.
Effet de coïncidence…
De l’organisation des concours de la fonction publique, il est à noter que « la structure qui s’y occupe travaille dans des conditions difficiles ». « Cela fait plus d’un an que la structure n’a pas de connexion internet alors que l’ensemble des actes sont pris à travers le réseau SIGASPE (système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l’Etat). La structure comporte plus de 55 agents avec moins de 35 places assises. Les autres se tournent les pouces dans les couloirs », a déploré le SG du SYNAGRH.
Il estime que ce serait par « effet de coïncidence » que leur mouvement d’humeur bloque aujourd’hui la programmation des concours. « Nous sommes au département de la fonction publique. Nous travaillons en collaboration avec les secrétaires, les archivistes, et les camarades du travail. Si la maison prend un coup à travers ces quatre emplois que je viens de citer, naturellement on ne peut pas organiser les concours. Et si on le fait, c’est ouvrir la porte aux fraudes et aux manipulations qu’on ne peut pas imaginer », a-t-il noté.
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La « dangereuse communication »
L’autorité aurait menacé tous les acteurs qui sont en mouvement d’humeur notamment ceux qui sont en charge des concours, des carrières ou des retraites, de les affecter dans les régions. « C’est une communication difficile et dangereuse. C’était comme si ceux qui sont affectés en région le sont par sanction. Les camarades des régions sont en train de revenir et on verra si le Burkina Faso se résume seulement à Ouagadougou », a répliqué M. Zoromé.
Le SYNAGRH a pourtant pris part à la conférence nationale des forces vives sur le système de rémunération des travailleurs de l’Etat tenue en juin 2018. La participation de ce syndicat à cette conférence est loin d’être « un accompagnement au gouvernement dans son deal ». En effet, explique M. Zoromé, c’est le caractère particulier des GRH qui les empêcherait d’être en marge d’un débat qui porte sur la rémunération et sur la carrière. Il pense d’ailleurs que s’il y a toujours la grogne sociale, ce n’est pas parce que les GRH ont eu tort d’aller à la conférence nationale. C’est plutôt parce que « le gouvernement a eu tort de prendre une autre direction », a dit le SG du SYNAGRH qui exprime son regret aujourd’hui quant au « revirement à 90° » du gouvernement. « Tout n’est pas mauvais dans le document qui a été concocté (à cette conférence). Si ce document arrivait à son terme sans que l’on viole déjà quelques dispositions, plus d’un fonctionnaire allait applaudir le gouvernement. Mais aujourd’hui nous ne croyons plus à ce document parce que les conclusions fondamentales ont été violées… », a-t-il regretté.
A ce stade des faits, les GRH exigent premièrement, l’application de leur protocole d’accord signé le 4 août 2017. Secundo, ont-il appelé le ministre de la fonction publique à respecter les directives données par le premier ministre le 14 mai dernier qui lui donnait instruction de dialoguer avec le SYNAGRH en vue de trouver des solutions diligentes à leur préoccupation. Si ces points ne sont pas satisfaits, menacent les GRH, les jours à venir connaitront d’autres formes de lutte plus rudes que celles en cours.
Les Secrétaires et Documentalistes menacent eux aussi
Nous avons aussi rencontré Wend-Waoga Bougouma, SG du comité SYNASEB (Syndicat national des secrétaires du Burkina) du Ministère de la fonction publique qui est allé en grève du 26 au 28 juin 2019 pour ne demander qu’à rencontrer le ministre dans le cadre de la finalisation de leur plateforme revendicative. Le ministre en charge de la fonction publique est chargé des négociations avec les syndicats au niveau national, mais avec le SYNASEB, « rien n’est fait ». « C’est cela qui nous a poussé à sortir manifester », a martelé M. Bougouma.
Le SG du Syndicat national des gestionnaires de l’information documentaire (SYNAGID), Souleymane Soaré explique aussi que les archivistes, les documentalistes et les bibliothécaires ont aujourd’hui des problèmes liés à leur corps de métier. Les jours à venir, ces derniers élaboreront une plateforme revendicative qui sera par la suite soumise au ministère de la fonction publique.
Armand Kinda
Minute.bf