jeudi 21 novembre 2024
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Burkina : À Pazani, ces personnes déplacées internes résilientes jusqu’au bout !

Depuis environ 10 ans, le Burkina Faso est en proie aux exactions terroristes. Cette insécurité a obligé des milliers de Burkinabè à fuir leurs terres d’origine. Ayant trouvé refuge dans des localités moins menacées, ces personnes déplacées internes (PDI) se refusent au désespoir. Contre vents et marées, elles tiennent débout et se relèvent malgré tout. A Ouagadougou, et plus précisément sur le site PDI de Pazani, elles sont nombreuses qui se sont reconverties dans diverses activités pour résister et survivre, avec dignité. Tel est le cas de Ramata, Issoufou ou encore d’Abdoulaye, tous déplacés résilients à Pazani. Rencontre !

20 août 2024. Il est 8h30. Les rayons solaires dardaient déjà la capitale burkinabè, quand nous empruntons le tronçon menant à Pazani. Ce bidonville, situé en périphérie nord de la capitale burkinabè, est réputé accueillir un grand nombre de personnes déplacées qui ont fui leurs villages à cause de l’insécurité. Après 30 mn de lutte avec la boue qui, en cette saison hivernale se fait très présente sur la voie, et qui tenaillait les roues de notre engins, nous sommes au lieu de notre rendez vous. Nos interlocuteurs sont tous à leurs activités. Qui, dans son kiosque, qui, sur un tabourets au bord d’une ruelle en face d’une poêle, chacun s’occupe tel qu’il le peut, dans sa nouvelle activité.

C’est Issouf qui nous accueille. La trentaine bouclée, il est assis dans sa boutique, à l’affût de la clientèle. C’est avec soupir, le regard lointain, qu’il nous explique son histoire. Commerçant à Bourzanga dans le Bam, il n’a jamais rêvé de s’installer à Ouagadougou. Mais l’insécurité l’y a contraint, un matin du 18 mai 2022. Ce jour-là, il avait quitté son village pour Kougoussi (chef-lieu de la province du Bam), où, il avait l’habitude d’acheter ses articles de commerce, quand les forces du mal l’ont intercepté sur la voie. Menacé, il a eu la vie sauve grâce à Dieu, mais, a été obligé de continuer sur Ouagadougou pour se sauver, abandonnant femmes et enfants dans la localité.
« L’idée de venir à Ouaga, c’était pour sauver ma vie mais aussi dans le but de trouver de quoi manger », précise -t-il.

Entreprendre, « c’est le seul moyen d’éviter la honte… »

Issouf, déplacé interne commerçant

Arrivé à Ouaga, il va faire face à la dure réalité de cette ville. Mais, il a décidé d’investir ses économies pour se réinventer un autre chemin. « Je suis arrivé ici, avec 300 000 francs. C’est avec cette somme que j’ai décidé de louer une maison et payer les articles pour commencer mon commerce », explique le déplacé.

A ses débuts, il affirme avoir été confronté à la difficulté du marché, mais aujourd’hui, il dit ne pas regretter son choix. « C’est grâce à ce commerce que j’arrive à subvenir à mes besoins ici et pouvoir envoyer la nourriture au reste de ma famille à Bourzanga », avoue-t-il, ajoutant être persuadé qu’avec la dynamique en cours, il pourra bientôt retrouver son village. Il profite de l’occasion pour remercier les autorités pour le ravitaillement de son village en vivres. « Chaque fois que j’appelle au village, on m’informe que l’armée les ravitaille en vivres », confie M. Badini, reconnaissant du fait que tous ces ravitaillements viennent à point nommé, en ce sens qu’ils soulagent sa peine. Il invite les autres PDI à garder courage, à rester résilients et surtout à entreprendre, car, dit-il, « c’est le seul moyen d’éviter la honte et de pouvoir s’occuper des siens ».

A quelques mètres de la boutique de Issoufou, Ramata a également sorti son matériel de travail. Une poêle, un fourneau, un seau, du charbon et de la farine, c’est l’essentiel du matériel de travail de la jeune dame. Assise en bordure de la ruelle, elle propose aux passants des crêpes et des beignets. Quelques clients, des enfants, attendent d’être servis. Débout face à la vendeuse qui s’active, ils s’impatientent. C’est dans cette atmosphère que nous retrouvons Ramata. Après son service, elle s’ouvre à nous.

Les quatre cents coups de Ramata…

Ramata, déplacée interne résiliente à Pazanni

Originaire de Djibo, dans la région du Sahel, elle a été contrainte de quitter sa localité du fait des exactions des groupes armés terroristes. Du Soum, c’est dans le Kadiogo qu’elle et son mari ont déposé leurs bagages, plus précisément à Pazani. Mais à leur arrivée, les choses vont se compliquer. Ayant tout abandonné à Djibo, le couple s’est retrouvé sans rien. Survivre est alors devenu leur seul combat. « Quand nous étions à Djibo, nous étions à l’aise car mon mari aussi avait un bon boulot qui lui permettait de nous nourrir. Lorsque nous sommes arrivés ici, il a perdu son emploi » explique-t-elle.

C’est en ce moment qu’il lui est venu l’idée de soutenir son époux. « J’ai commencé à vendre des avocats avec une dame. Mais ça a mal terminé. Après, j’ai décidé de vendre des légumes. Malheureusement, ce commerce n’a pas du tout prospéré. C’est en ce moment je me suis lancé dans la vente des gâteaux », relate Ramata. Aujourd’hui, « grâce à Dieu ça va », dit-elle avec un sourire. Ce petit métier, à l’en croire, lui est d’une grande aide en ce sens qu’il lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. A entendre la jeune dame, ce petit commerce lui permet de vivre dignement et de se passer de la pitié des bonnes volontés.

Sur la même ruelle, toujours à Pazani, un jeune homme se tient entre des paquets de moustiquaires, 03 sacs de sel de 25 kg et un magnétophone, le tout posé sur une bâche. Il s’agit d’Abdoulaye, également déplacé interne sur ce site de Pazani. Sa marchandise de fortune est étalée à même le sol, à la portée du soleil. Mais, c’est dans la vente de ces articles que le jeune homme gagne dignement sa vie. C’est d’un soupir qu’il part, pour nous expliquer son histoire. Originaire de Silgadji, Abdoulaye n’a pas eu d’autres choix que d’abandonner son village quand les forces du mal s’y sont installées. Dans sa course à la sécurité, c’est à Ouagadougou qu’il a trouvé refuge.

La marchandise d’Abdoulaye

« J’ai juré de gagner ma vie à la sueur de mon propre front »

Il se souvient de ces jours où il a dormi sans trouver de quoi mettre sous la dent. Il se souvient également de ses jours de nuits blanches et d’angoisse. Il se souvient surtout du jour où il a pris la résolution ferme de « se chercher » et de se départir de la générosité des bonnes âmes. Ce jour-là, il a juré de se battre malgré tout, de repartir à zéro, de résister et de se relever. « J’ai juré de gagner ma vie à la sueur de mon propre front et non par l’assistance des autres », martèle Abdoulaye résolu.

Pour débuter, le jeune homme a tout simplement décidé de proposer de petits articles, en attendant de trouver mieux. Optimiste, il dit garder espoir en des lendemains meilleurs qui vont lui permettre de retrouver son village natal. Mais en attendant, tout comme plusieurs autres déplacés, il se réinvente une nouvelle vie sur le site de Pazani, résilient… jusqu’au bout.

Guibrina KABORE (Stagiaire)

Minute.bf

1 COMMENTAIRE

  1. Beaucoup de courage à vous de nous faire savoir les réalités que Vivent nos PDI.
    Le combat qu’ils mènent cest bientôt la.victoire

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