vendredi 22 novembre 2024
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Burkina : « Il ne sert à rien de vendre une moto avec un casque qui ne sera jamais utilisé» (commerçant)

Le 20 avril 2005 le gouvernement d’antan, face à la récurrence des accidents de la circulation au Burkina Faso, prenait un décret N°2005-231/PRES/PM/MCPA, portant obligation d’intégrer le casque aux équipements d’accompagnement des véhicules motorisés à deux roues lors de la vente. Ainsi, pour une moto vendue sans casque, ce décret prévoit une peine d’emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 1 million à 25 millions de FCFA. Mais la réalité est toute autre. Depuis son homologation, le texte peine à être mis en application. Le commerce des engins à deux roues continue de se faire sans les casques et le port du casque lui-même semble avoir encore du mal à intégrer les moeurs des populations.

A l’occasion du lancement de la 6e édition de la Semaine de sécurité routière (SSR) le 09 août 2022, ce décret a été remis sur la table par l’Office national de sécurité routière (ONASER) qui annonce pour bientôt sa mise en application. Si cette annonce est saluée dans une certaine mesure par les commerçants d’engins à deux roues, elle n’en demeure pas moins critiquée.

Mila Roger, commerçant d’engin à deux roues au grand marché de Ouagadougou

Au marché central de Ouagadougou, nous avons rencontré Mila Roger. Il fait dans la vente des motocyclettes depuis maintenant plusieurs années. Pour lui, l’initiative de l’ONASER est salutaire à la base en ce qu’elle vise principalement la sécurité des motocyclistes burkinabè. Mais de son avis, « ce ne sont pas les commerçants le problème. Au lieu de prendre un décret qui va les obliger à vendre des casques, il faut plutôt maximiser sur la sensibilisation des usagers eux-mêmes ». Pour Roger, « il ne sert à rien de vendre une moto avec un casque qui ne sera jamais utilisé». Le gouvernement gagnerait d’après lui, à insister sur le volet sensibilisation au port du casque en lieu et place de la mesure répressive. « Nous avons vendu plusieurs motos ici avec des casques mais combien sont les usagers qui les utilisent dans la circulation?», questionne-t-il.

Alassane Monmenga vend aussi des engins à deux roues au grand marché de Ouagadougou

Alassane Monmenga est aussi commercant de vélomoteurs dans le même marché. Sa position rejoint celle de Mila Roger. À la question de savoir pourquoi les motos sont vendues sans casques à ses clients, sa réponse est on ne peut plus tranchée. « Moi je ne suis pas un vendeur de casques! Je vends des motos et non des casques», nous répond-t-il sans détour. Alassane nous explique qu’à l’importation, «les motos arrivent généralement sans des casques de protection». Ainsi, a en croire ses dires, il appartient à l’acheteur, si ce dernier le souhaite, de demander un équipement de protection pour sa propre sécurité. Au cas contraire, l’engin lui est vendu sans casque. «Mais dans la plupart du temps, même quand on propose à celui qui vient acheter la moto de payer le casque, il trouve que c’est cher et refuse», argue le commerçant qui ajoute également que la mise en application du décret risque de rencherir le prix des engins à deux roues sur le marché. « Si on impose la vente des motos avec les casques, nous aussi on va forcément ajouter les prix des casques sur les motos pour vendre. Mais là encore les clients vont trouver que les motos sont chères», fulmine-t-il en relevant qu’à côté de cela, les prix risquent d’être disparates pour des mêmes marques d’engin. « Les gens vont trouver que les prix pour une même moto par exemple ne sont pas les mêmes. Parce qu’il y a des casques de 6000 FCFA 10000 FCFA et même jusqu’à 100 000 FCFA», détaille-t-il.

Lire aussi : Sécurité routière : Vers une obligation du port du casque en circulation

Amidou Nombré (tenant le casque) et Axel Zongo, un client

Même s’il n’a pas encore intégré le casque dans son commerce, Amidou Nombré, un autre commençant d’engins à deux roues que nous avons rencontré, salue le décret pris par le gouvernement. Un décret salutaire, selon ses propos, qui permettra « d’épargner nos familles et nous-mêmes d’une mort certaine en cas d’accident de circulation». « Quand tu prends 300 000 FCFA ou bien 900 000 FCFA pour acheter une moto et que tu n’es même pas capable de payer un simple casque pour porter, ça veut dire que toi même tu contribues à retarder l’économie de la famille. Moi par exemple c’est vrai que je n’associe pas des casques à mes motos, mais, quand quelqu’un vient acheter une moto et qu’il demande un casque, je fais signe aux vendeurs de casques qui sont à côté», indique M. Nombré.

Axel Zongo, un jeune élève, a acheté son casque

Justement, pendant nos échanges, un client s’amène. C’est Axel Zongo, un jeune élève venu se procurer un casque. « Je suis venu m’acheter un casque parce qu’avec la circulation de Ouaga, il est important de se protéger. Le casque nous protège de beaucoup de choses, que ce soit la poussière, le vent ou autre», déclare-t-il. Il salue donc le décret pris par le gouvernement mais souhaite cependant qu’un effort soit fait pour réduire les prix des casques sur le marché. « J’ai acheté ce casque à 35 000 FCFA. C’est trop cher. Si le gouvernement peut faire quelque chose pour réduire le prix des casques , ça va encourager beaucoup de personnes. Les gens veulent porter mais ils n’ont pas les moyens», plaide Axel Zongo.

Pour Karim Goumbri, un usager de la circulation que nous avons également rencontré, la sécurité personnelle n’a pas de prix. « Moi, personnellement, je ne peux pas sortir sans mon casque. C’est mon compagnon de tous les jours. Il y va de ma propre sécurité non seulement quand il y a un accident mais également au niveau de ma santé. Le casque nous préserve sur plusieurs aspects. Et pour moi il n’y a aucune excuse pour ne pas se le procurer», pense-t-il.

Karim Goumbri, un usager en casque

Si la plupart des commerçants rencontrés n’ont pas encore intégré le casque aux équipements des motos qu’ils vendent, d’autres par contre le font et encouragent même les clients à son achat. C’est le cas de Désiré Kuela, Directeur général de l’entreprise Jeunesse Moto. « Ici nous vendons toutes nos motos avec au moins le casque. Quand le client achète sa moto, on lui propose automatiquement le casque et d’autres équipements. Nous mettons en avant la sécurité des clients, a-t-il déclaré. Pour lui, la mesure des autorités est bonne si elle peut amener les Burkinabè au port du casque. « Si ça peut vraiment faire habituer les motocyclistes burkinabè au port du casque, alors c’est une très bonne chose. Nous-mêmes ici, souvent on propose le casque de protection mais les gens refusent de prendre», affirme-t-il.

Rappelons que le décret dont il est question date de 2005. Cela fait donc respectivement 17 années que le texte a été homologué sans que jusque-là, il ne soit mis en application. Une insuffisance que le gouvernement actuel de la transition entend rectifier.

Oumarou KONATE

Minute.bf

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