L’ambassadeur de Russie au Burkina Faso, Alexey Saltykov, a accordé une interview à Minute.bf en décembre 2023. Plusieurs questions ont été abordées au cours de cet entretien réalisé quelques minutes après la réouverture de l’ambassade de Russie au Burkina Faso. Alexey Saltykov s’est prononcée sur plusieurs sujets d’actualités et surtout sur la coopération entre la Russie et le Burkina Faso. L’ambassadeur a indiqué que la langue russe sera bientôt intégrée dans les curricula d’enseignement au Burkina Faso. Retrouvez dans les lignes qui suivent, les réponses apportées par l’ambassadeur à nos questions.
Minute.bf : Le Burkina Faso vit une situation sécuritaire difficile, cette situation impacte-t-elle vos activités ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Je sais que le gouvernement burkinabè attache une importance capitale à la situation sécuritaire. En ce qui concerne les missions diplomatiques et l’ambassade de Russie en l’occurrence, je ne vois pas de problème pour le fonctionnement de cette mission diplomatique. Mais, il ne faut pas oublier que le gouvernement burkinabè doit créer des conditions décentes de sécurité pour les hommes d’affaires, pour les investisseurs, chose qui va créer des entreprises, faire la place pour la main-d’œuvre et booster l’économie. C’est la première tâche du gouvernement d’assurer la sécurité sur toute l’étendue du territoire national.
Minute.bf : À votre avis, comment les Burkinabè perçoivent la Russie ? Et qu’est-ce qui vous a le plus impressionné au Burkina Faso en tant qu’ambassadeur ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : La population burkinabè a manifesté à plusieurs reprises son attachement aux valeurs que la Fédération de Russie défend sur l’échelle internationale. En ce qui nous concerne, au niveau du gouvernement, nous avons une interaction très efficace, très amicale dans les sens des relations qui nous unient depuis très longtemps.
Je connais le Burkina Faso depuis 32 ans. Je connais la région depuis des années. Les gens qui travaillent en Afrique doivent aimer ce continent. Ce sentiment d’amour vis-à-vis du Burkina Faso, vis-à-vis du peuple, c’est ça qui doit guider un diplomate pour réussir ses missions.
Minute.bf : Justement, est-ce que des cours de culture russe seront organisés au Burkina Faso ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Je pense que oui ! Peut-être pas auprès de l’ambassade elle-même, mais je sais qu’il y a une initiative qui doit s’organiser, pour bientôt, pour l’ouverture de la maison de culture de la langue russe non-gouvernementale ici au Burkina Faso. Ce sera la base des équipes de langue russe vers laquelle la population exprime un intérêt. Et puis il y a aussi des projets à l’avenir pour introduire la langue russe dans les programmes de l’éducation, telle que l’école primaire, le secondaire et l’université.
Pour apprendre les langues, il faut que les gens aient un motif. Cette motivation peut partir du nombre de bourses que la Russie accorde à des Burkinabè. L’objectif c’est de faire en sorte que les apprenants commencent à apprendre la langue déjà ici pour ne pas qu’ils perdent 1 an en Russie pour apprendre la langue. On doit avoir un intérêt. Il y a cet intérêt et c’est à nous de répondre à ce besoin.
Minute.bf : Faut-il s’attendre à la signature d’accords importants entre la Russie et le Burkina Faso dans un avenir proche ? Si oui de quel type d’accords s’agit-il ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Nous avons déjà quelques accords dans le domaine de l’éducation, de la coopération militaro-technique.
Des accords à venir ? Oui, bien-sûr ! Nous sommes en train de discuter de quelques accords dans le domaine du sport, des diplômes… Il y aura aussi des accords dans d’autres domaines, surtout dans les domaines de l’économie et des investissements. Justement, parce qu’on n’a pas d’accords sur la double imposition, des taxes sur les garanties et la sauvegarde de ces investissements. Je pense qu’au cas où il y a un essor dans ce domaine économique, on doit simplement passer à ces accords.
Minute.bf : Selon le président Vladimir Poutine, les travaux dans les domaines juridiques et contractuels sont actuellement en cours et des documents adéquats sont en préparation en matière d’aviation civile pour une signature. Quels sont justement les principaux avantages que les deux pays tireront de l’achèvement de ces travaux ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Les avantages seront directs. Tout d’abord, c’est l’élargissement de la coopération mutuelle entre les deux pays. Et puis, c’est un accès à des acquis que notre pays a, par exemple et bien-sûr des acquis que le Burkina Faso a. Le Burkina Faso est très fort dans le domaine de la culture, il y a le FESPACO, il y a beaucoup de stylistes qui sont de plus en plus en vogue sur les autres capitales. En ce qui concerne le pagne, il y a beaucoup de choses que les peuples peuvent apprendre. Il y a beaucoup de choses qui seront bénéfiques à ces peuples. Sans parler des possibilités touristiques de la fédération de Russie. Elles sont énormes.
Minute.bf : Est-ce qu’en tant qu’ambassadeur vous disposez des données statistiques sur la manière dont les céréales russes pourront contribuer à l’amélioration de la situation alimentaire au Burkina Faso ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Tout d’abord, je propose d’attendre que le blé soit acheminé sur le territoire burkinabè. Le processus est en cours. Il reste quelques milliers de tonnes qui doivent être déchargés et acheminés sur le territoire burkinabè.
Vous êtes au courant qu’il y a plus de 3 millions de Burkinabè qui sont des personnes vulnérables. À mon avis, c’est la politique du président burkinabè qui doit faire que ces blés soient destinés aux populations vulnérables pour soulager leur situation matérielle.
Minute.bf : Combien de tonnes sont destinées au Burkina Faso ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : 25 milles tonnes. Je pense à comment est-ce que cette quantité énorme doit être transportée. Pour transporter cette quantité, si on prend le train, on a besoin de presque 400 wagons. C’est énorme. Mais le gouvernement burkinabè gère bien la situation. Je sais que plus de 200 camions chargés de blé sont en route. Beaucoup sont déjà arrivés.
Minute.bf : En Été dernier, le président burkinabè a demandé à la Russie de l’aider à construire une centrale nucléaire. Où en sommes-nous avec ce projet ? Est-ce que des progrès véritables ont été réalisés ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : C’est un domaine un peu complexe, parce que les centrales nucléaires ont des standards de sécurité très élevés. Donc il faut préparer le terrain pour que la construction de la Centrale nucléaire réponde à toutes les exigences de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Le processus a été lancé. Nous avons signé avec le ministère des Mines et de l’énergie du Burkina Faso, le mémorandum d’entente de l’opération avec la société « ROX-ATOM », qui s’occupe de l’industrie atomique. Après ça, la partie russe a invité les spécialistes et experts burkinabè à visiter quelques sites d’industrie atomique et d’implantation des usines en Russie. Cette équipe vient de rentrer de Russie. Ils ont passé une semaine. Ils ont visité les installations et beaucoup d’autres aspects. Ça avance, d’après le ministre de l’énergie burkinabè, qui vient d’assister à la cérémonie d’ouverture (cérémonie d’ouverture de l’ambassade de Russie au Burkina Faso, ndlr). Donc la partie Burkinabè doit essayer d’accélérer la feuille de route pour aller de plus en plus dans l’accomplissement de cette directive du président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré.
Minute.bf : Le ministre de la défense a aussi déclaré que le pays envisageait d’inviter des instructeurs militaires russes pour former des Forces armées locales. Qu’en est-il de ce projet ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : À mon avis cette question doit être posée au ministre de la défense. Pour moi, il est difficile de faire des commentaires. Ce que je sais, c’est que nous avons interrompu les coopérations dans le domaine de la formation de militaires burkinabè. À ma connaissance, il n’y a qu’une quarantaine de militaires qui font leur formation en Russie. Ça n’exclu pas qu’il y ait un échange dans un autre sens. C’est peut être mieux de poser cette question au Général de brigade, Kassoum Coulibaly.
Minute.bf : Parlons du prix Vladimir Poutine pour la liberté du peuple, quelle appréciation faites-vous de cette initiative ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Pour moi c’est un peu difficile de commenter cette initiative d’une société non-gouvernementale dont le président est un Ivoirien. Nous, nous sommes dans le contexte russo-burkinabè. À mon avis, toute initiative qui va dans le sens de soutenir la politique étrangère du président Vladimir Poutine, elle mérite d’être encouragée. Mais je ne connais pas les détails, je sais que cette initiative a été lancée et c’est tout. Ce n’est pas le bon moment d’en discuter.
Minute.bf : Mais est-ce que vous prévoyez inviter le lauréat en Russie ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Je ne sais pas. Cette idée n’a jamais été avancée. En l’état, je ne pense pas pour le moment.
Minute.bf : Quelle est la position officielle du ministère des affaires étrangères russe par rapport à la création de l’AES ?
Ambassadeur Alexey Saltykov : Tout d’abord je ne peux pas porter la voix du ministère russe des affaires étrangères. Je suis ambassadeur de Russie au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. La position officielle, c’est au ministère des affaires étrangères de l’élaborer.
Peut-être des suggestions personnelles. Je pense que la signature de cette alliance a déjà fait beaucoup de choses vis-à-vis des mécanismes dans la lutte contre l’insécurité et le terrorisme. Si je ne me trompe pas le regroupement du G5 Sahel vient d’être presque dissous après la décision de ces trois pays de se retirer de l’organisation. Et cela s’est confirmé, il n’y a plus de membres suffisants pour que ce groupement G5 Sahel fonctionne.
L’AES est une alliance défensive. Ce n’est pas une alliance qui vise autre chose donc, bien-sûr que ça pourrait donner un écho positif pour la situation sécuritaire sahélo-saharienne.
Minute.bf : Merci Excellence !
Ambassadeur Alexey Saltykov : C’est moi qui vous remercie.
Interview réalisée à l’occasion de la réouverture de l’ambassade de la Fédération de Russie au Burkina Faso, le jeudi 28 décembre 2023 à Ouagadougou.
Propos recueillis et transcrits par Mathias Kam
Minute.bf
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