« L’engagement dans un contexte de crises des valeurs », c’est sous cette thématique que s’est tenu l’acte 1 des grandes conférences lancées par l’Ecole nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM). À cet effet, l’homme politique et de droit, le Pr Laurent Bado a analysé les crises de valeurs dans la société burkinabè. C’était ce vendredi 10 mars 2023 à l’ENAM.
« La crise des valeurs est profonde au Burkina Faso. Il faut réagir vite et bien ! », a d’emblée diagnostiqué l’enseignant de droit à la retraite, Pr Laurent Bado.
Pour lui, les valeurs d’une société sont tout ce qu’elle juge et reconnaît comme étant « vrai et juste » à une période donnée de son évolution. Elles déterminent donc les valeurs éthiques de la société. Cesdites valeurs, si elles sont bafouées, il est donc évident que la société parte à sa perte, a indiqué le Pr Laurent Bado. « Comment un bateau peut-il ne pas savoir où se trouve le port ? », s’interroge l’homme politique et fondateur du parti politique le PAREN. Il argumente : « si ces valeurs sont en crise, si c’est chaque individu qui se définit sa valeur, celui-ci ne saura plus d’où il vient, où il est et où il va. L’occident a réduit la culture africaine en un squelette collé à une taverne. Nous avons cru que ressembler au Blanc allait nous apporter leur développement. Il faut le constater. Nous sommes en train de perdre notre principe de cohésion à savoir la solidarité. Ce qui fait de la société actuelle, une société d’alcoolisme, d’individualisme ». Et de cela, ajoute-t-il, « la liberté » n’est pas sans conséquence sur cet état de fait.
En effet, à en croire Laurent Bado, dans la société traditionnelle, la liberté individuelle ne consistait pas à pouvoir faire ce que l’on voulait, mais à pouvoir faire ce que l’on pouvait, car ce sont les groupes qui définissaient les actions de l’individu. « C’est le groupe qui dit que l’on peut faire ceci ou cela et non l’individu », confie-t-il. Et même le caractère sacré de la vie est en perdition dans la société burkinabè, se désole Laurent Bado. « De plus en plus, on tue l’être humain facilement. On l’égorge comme un mouton. D’autres osent décapiter leur mère pour chercher de l’argent. Nous sommes en train de perdre le sens de la famille avec l’homosexualité, la permissivité du divorce. Les divorces créent des monstres humains. Nous sommes en train de perdre le sens de la hiérarchie. Des jeunes qui portent la main sur plus vieux qu’eux. Des élèves qui haussent la voix sur l’enseignant. La perte du sens du bien public et commun. Nous sommes en train de perdre notre interdépendance sociale, notre entraide professionnelle et sociale. L’individu n’est plus pris en charge par le groupe social dès sa naissance », a-t-il regretté.
Du besoin d’employer la force pour « discipliner » les Burkinabè
Dans la famille l’enfant est éduqué, initié au code et valeur de la société, affirme le Pr Laurent Bado. Mais force est de constater que l’enfant a aujourd’hui de nombreux droits contraignant le parent à le « chouchouter », faute de quoi, il pourrait se retrouver derrière les barreaux. Cela est dénoncé par l’enseignant de droit à la retraite. « Je ne vois pas où se trouve la liberté de nature. L’homme n’est pas né libre en état de nature. Il est fait pour vivre en société. Il a été créé pour s’unir à la société. Voilà qui explique l’engagement des citoyens dans une société en crise de valeur », a expliqué Laurent Bado. Ce dernier reste ferme tout de même. « L’obligation morale est plus contraignante que l’obligation juridique parce qu’elle est imposée par l’ordre social », a-t-il soutenu. « Il faut employer la force pour dissuader et discipliner les citoyens », a recommandé M. Bado, appelant à agir « dès maintenant ».
La crise des nations étant due, selon lui, à « l’anarchie du juste, du vrai, du bien et du beau », la première tâche du citoyen engagé est de faire « prévaloir l’ordre », car là où il n’y a pas de maître, tout le monde est maître et en même temps tout le monde est esclave. Mais, est convaincu Laurent Bado, s’il y a bien un remède aux maux de la société burkinabè, c’est bien la remise en cause de chaque Burkinabè, pour voir l’intérêt commun plutôt que l’intérêt individuel. De même, pour avoir une société qui fonctionne à souhait, il faut que tout soit ordonné, pense le Pr. Bado. De ce fait, l’engagement du citoyen doit se faire avec « prudence et humilité ». « Prudence, car il faut savoir différencier le difficile de l’impossible et humilité, parce qu’il faut se mettre à la tête que le temps passe ».
Au passage, l’ancien directeur général de l’ENAM, Pr Laurent Bado a taclé « l’élite politique ». « Être analphabète ne veut pas dire être bête. Il y a des gens qui réfléchissent mieux qu’un Docteur. La situation que nous vivions actuellement est la faute à la fausse élite politique. C’est elle qui doit se confesser pour que, demain, les choses changent. La politique se sont des idées », a insisté le Pr Laurent Bado. « Heureusement que tout a une fin, même les décadences », a-t-il conclu.
Mathias Kam
Minute.bf