La situation des travailleurs domestiques en Afrique de l’Ouest francophone et particulièrement au Burkina Faso, a fait l’objet d’un déjeuner de presse, le 14 septembre 2022 à Ouagadougou, sous l’initiative du Centre de recherche et d’Action sur les Droits économiques, sociaux et culturels (CRADESC) et la Fondation pour une Société Juste (FJS) en collaboration avec l’Association des Femmes Juristes du Burkina Faso (AFJ/BF) et l’Association de Défense des Droits des Aides ménagères et Domestiques (ADDAD). Il s’est agi pour ces organisations, de présenter aux professionnels des médias, la phase II de la Documentation sur les Violations des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) des travailleuses et travailleurs domestiques au Burkina Faso.
La pauvreté, le chômage des jeunes, les conflits armés, l’influence des proches, le mariage forcé chez les filles, sont entre autres les arguments, selon la responsable du CRADESC, Dr Oumy Ndiaye, qui poussent les jeunes à s’aventurer en ville. Nombre d’entre eux finissent comme domestiques de maison. Mais dans quelles conditions ?
Estimés à « 59 158 en 2018 au Burkina Faso », les travailleurs/travailleuses domestiques sont « en majorité des adolescentes et des jeunes filles âgées entre 15-25 ans, 55,63% » contre « 23,18% de jeunes femmes âgées de 25-30 ans », sans compter « la présence assez importante de fillette âgée de 12-15 ans représentant 19,21% » de leur nombre.
Ces aides-ménagères qui, pour la plupart, n’ont pas poussé les études loin, déplore Dr Ndiaye, « exercent leur métier dans des ménages privés moyennant une rémunération très faible et qui, le plus souvent, n’atteint pas le SMIG des pays. » À ce propos, Sakinatou Ouédraogo, la présidente de l’ADDAD a révélé qu’en 2012, « il y a des aides-ménagères qui prenaient 7 500 à 10 000 F CFA » avant que son association ne se batte pour faire grimper cette somme à « 15 000 F CFA. » Pourtant, faut-il le rappeler, le SMIG au Burkina est de « 30 684 FCFA », selon l’accord trouvé entre le gouvernement et le Patronat le 22 juillet dernier.
Et même les 15 000 F CFA, l’ADDAD dit compter en son sein des cas de « non-paiements de salaires. »
Du non-paiement des salaires aux cas de viols des domestiques
Outre cette situation salariale, ceux ou celles qui se retrouvent dans les ménages pour diverses raisons font face à d’autres problèmes.
« Nous les aides-ménagères, nous n’avons pas d’identité. Dans certaines familles, on décide de changer le nom que tes parents t’ont attribué pour t’en trouver un autre. Nous ne pouvons pas nous habiller comme les autres filles. Pour la nourriture, on te sépare avec une autre assiette. Nous n’avons pas de repos… », a dénoncé la présidente de l’ADDAD. Pis, Sakinatou Ouedraogo est allée plus loin en révélant des cas de « violences sexuelles, physiques… », soit « 5 cas de viols [enregistrés par l’ADDAD] en 2021. » Comment expliquer tous ces cas de violations ?
De l’absence de contrat de travail
« L’engagement d’un employé de maison doit toujours faire l’objet d’une lettre d’engagement stipulant l’emploi, le salaire et les accessoires de salaires convenus, la catégorie accordée et la durée du contrat de travail », précise pourtant l’article 3 du décret sur les gens de maison. Toutefois, il ressort des recherches du CRADESC que « 74,83% des travailleurs(euses) domestiques ne disposent pas de contrat de travail » et ainsi, « pas de déclaration au niveau des organismes de contrôle et de Sécurité sociale. » En chiffres, l’étude présentée aux professionnels des médias indique que « 82% des travailleuses domestiques n’ont pas été déclarées à la sécurité sociale, et 98,42% d’entre elles ont été au moins une fois victimes de violences basées sur le genre. »
Dr Oumy Ndiaye n’a pas manqué de rappeler qu’une grande partie des domestiques est dans des familles eu égard à des liens de parenté ou d’amitié, donc évoluant sans cadre formel. Comment changer la donne ?
Un syndicat pour défendre les droits des domestiques ?
Face à cette situation, le CRADESC, l’ADDAD et l’AFJB ont mis en place un comité ad’hoc qui, explique Marie Yonli Zomodo de l’AFJB, va, sur le terrain, « faire le plaidoyer pour l’adoption et la ratification de la convention C189 mais aussi l’adoption d’une loi spécifique qui protège véritablement les travailleurs/travailleuses domestiques. »
Concrètement, ajoute-t-elle, il s’agira, pour le comité, « de travailler à organiser les domestiques elles-mêmes autour d’un syndicat, mais aussi à renforcer leurs compétences dans leur domaine. »
Franck Michaël KOLA
Minute.bf