vendredi 18 octobre 2024
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Burkina : « Les partis politiques ne sont pas des ennemis de la lutte contre le terrorisme » (Germaine Pitroipa)

40 ans après la révolution d’août 1983, le Burkina Faso peine à retrouver sa voie. Alors que le pays fait face à de multiples défis, notamment sécuritaires et humanitaires, la figure de Thomas Sankara continue d’inspirer de nombreuses personnes. L’actuel gouvernement de transition, dirigé par le Capitaine Ibrahim Traoré, a même fait de lui une partie de sa boussole. Dans un entretien accordé à Minute.bf, Germaine Pitroipa, l’une des pionnières de cette révolution, revient sur cet épisode marquant de l’histoire du Burkina Faso. Elle nous parle de sa contribution à la Révolution, nous livre son analyse de la situation actuelle du pays et aborde, entre autres, la question de la suspension des partis politiques et les actions des soutiens de la Transition, communément appelés « Wayiyans ». Mme Pitroipa appelle également à l’union et à la solidarité pour faire face aux défis actuels. Entretien !

Minute.bf : Bonjour Mme Germaine Pitroipa. Merci de nous accorder cet entretien. On ne vous entend pas ces derniers temps, quel est votre quotidien ?

Germaine Pitroipa (GP) : Le quotidien d’une Burkinabè à la retraite, c’est la famille, que ce soit la grande famille ou la petite famille. C’est éventuellement, de temps en temps, lire des journaux pour m’informer par rapport à ce qui se passe, écouter la radio et aussi suivre les informations à la télévision. Sinon, comme disent certains de mes petits-enfants, mamie se la coule douce. [Rires]. Je ne vais pas m’excuser d’être à la retraite. Je pense que j’ai assez donné.

Minute.bf : Nous sommes en octobre, mois symbolique pour les Sankaristes. Il se dit que vous avez été d’un grand apport dans la réussite de la révolution du Capitaine Thomas Sankara. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre contribution à la révolution sous la présidence de Sankara ?

 GP : Mon parcours. J’ai été Haut-commissaire du Kouritenga (Région du Centre-est, ndlr), une des provinces que la révolution avait créées. Mon rôle était d’apporter la parole du Conseil national de la révolution (CNR) au sein des provinces et de participer à la mobilisation pour exécuter les mots d’ordre. Par conséquent, j’ai été celle qui a réalisé le Programme populaire du développement (PPD) au Kouritenga, qui comprenait des infrastructures de première nécessité, des maisons, des centres de santé, des écoles, des puits… tout ce que nous estimions que c’était nécessaire de façon pratique pour les populations que nous voulions mobiliser.

Et après ce parcours, j’ai été envoyée à Paris comme conseillère culturelle, tout simplement parce que ma famille y était restée pendant que moi j’étais Haut-commissaire au Kouritenga.

Pour ce qui est de la révolution, en tout cas, je pense que mon apport a été essentiellement au niveau du Haut-commissariat dans le Kouritenga.

Minute.bf : Parlant de la révolution, voyez-vous comme certains Burkinabè, des ressemblances entre le régime de Sankara et celui du Capitaine Ibrahim Traoré ?

GP : [Rires]. Il ne faut pas qu’on se leurre. Je considère que dans certaines de ses orientations, le Capitaine Ibrahim Traoré essaie de faire différemment ce qui se faisait auparavant. Même si cela ressemble à ce que Thomas Sankara faisait, ce n’est pas la même période. Les deux n’ont pas rencontré les mêmes difficultés. Ibrahim Traoré, à l’heure actuelle, est face au terrorisme. Thomas Sankara a connu la guerre du Mali, une guerre classique. Ceux qui nous attaquent aujourd’hui, n’ont aucun objectif en dehors de créer l’instabilité du pays.

Pour Germaine Pitroipa, « Ibrahim [Traoré] n’est pas Thomas [Sankara] »

J’ai participé à remettre le flambeau de la Révolution à Ibrahim Traoré le 15 octobre 2022. On lui a suggéré de s’en inspirer dans la conduite de l’État. Il peut s’en inspirer, mais il ne pourra certainement pas faire la Révolution du 4-août 1983. Mais, il essaie de suivre un chemin qui, personnellement, ne me gêne pas. Au contraire, avec quelques erreurs à éviter, ça peut aller dans le même sens. Tout le monde veut qu’on dise que Thomas Sankara s’est réincarné. Mais non ! On succède à Thomas Sankara, on ne le remplace pas. Ce ne sont pas les mêmes contextes ni les mêmes personnes. Ibrahim n’est pas Thomas. Il s’inspire des routes, des chemins, des sillons que Thomas a tracés. Sankara n’était pas le mauvais malgré la fin tragique de sa vie. C’était le bon filon. En tout cas, à l’heure actuelle, dans la l’histoire du Burkina Faso, tout le monde reconnaît que les 4 années de la Révolution ont été décisives pour inventer une autre voie de développement.

C’est quoi le développement ? Je crois qu’on confond développement et gratte-ciel. Le développement du Burkina Faso, c’est satisfaire les besoins nécessaires, vitaux, du peuple burkinabè. Et on avait entrepris cela pendant les 4 ans de la Révolution. Si Ibrahim peut s’inspirer de cela pour satisfaire les besoins vitaux du peuple, en plus de la sécurité, il est sur le bon chemin que Thomas Sankara avait tracé. Il faut changer ce qui n’a pas marché chez nous (le CNR, ndlr). Nous avons tenté de faire, il faut les adapter à la situation du 21e siècle. En 1980, ce n’était pas la même situation sociale, économique qu’en 2024. Ce n’est pas la même chose.

Minute.bf : La situation nationale est marquée par des attaques terroristes. Quelle solution Mme Pitroipa propose-t-elle pour vaincre cette hydre ?

GP : Mme Pitroipa n’a pas une solution. Il faut que le peuple burkinabè dans son ensemble prenne conscience que nous avons affaire à des ennemis disparates qui n’ont d’objectif que de créer la terreur au sein de la population. Contrairement au Mali et un peu au Niger, nous n’avons pas de revendications territoriales. Nous avons tout simplement des ennemis qui s’en prennent à nous pour des raisons qu’eux seuls connaissent. Mais, il y a un terreau sur lequel ils surfent, c’est-à-dire les inégalités de développement dans les différentes provinces au niveau du Burkina Faso.

Je pense que c’est illusoire de croire que quelqu’un, quelques soient ses promesses, a, à lui seul, la baguette magique pour résoudre cette situation-là. Il faut tout simplement que le peuple burkinabè, courageux qu’il a toujours été, se mette bien dans la tête que c’est un combat de longue haleine et un combat qu’il faut absolument gagner parce que c’est notre pays. Le Burkina nous appartient. Il n’appartient à aucune structure, à aucune entité. Il n’appartient pas à qui que ce soit de venir nous empêcher de continuer à vivre paisiblement.

Le Burkina n’a jamais connu de problèmes ethniques du genre qu’on connaît dans certaines régions de l’Afrique. Au Burkina Faso, contrairement à ce que les gens disent, nous avons toujours vécu ensemble. Moi, je suis Gourmantché et malheureusement les gens ne le savent pas. Mais, je m’appelle Pitroipa. Je parle le Mooré dans mon quotidien, mieux que le Gourmantchéma, parce que j’ai grandi à Tikaré (région du Centre-nord, Ndlr). Toute ma scolarité primaire s’est déroulée là-bas. Donc, pour moi, je me sens aussi bien à Fada N’Gourma qu’à Ouahigouya ou à Tikaré.

Je pense que rien ne peut diviser les Burkinabè. Il faut absolument que nous restions unis et que nous comprenions qu’il y a des moments où chacun doit apporter sa petite pierre à la construction de ce pays. On n’en a pas d’autres de toute façon.

Minute.bf : Les femmes sont les plus touchées dans cette lutte (elles perdent leurs maris, leurs enfants, elles s’occupent des orphelins, etc.) Quelle place les femmes doivent-elles occuper dans la situation actuelle du pays, selon vous ?

GP : Que ce soit dans la situation actuelle ou dans toute autre situation, la femme occupe un centre d’intérêt dont le système social ne tient pas compte. La femme est le nœud de toute société. Ce n’est pas pour rien qu’effectivement elles sont doublement, pour ne pas dire triplement, concernées par ce fléau qui nous frappe. Les femmes doivent être justement la base sur laquelle les hommes doivent s’appuyer pour mener cette lutte qui n’est pas facile.

Ce n’est pas que les femmes ne peuvent pas aller au combat, mais ce n’est pas les mêmes dispositions physiques. Par conséquent, la femme occupe une place importante et c’est pour ça qu’il faut qu’on patiente, qu’on fasse très attention dans le sens où il faut organiser le combat de sorte que justement elles puissent jouer ce rôle d’apaisement. C’est ça la réalité : une femme apaise beaucoup plus les conflits, elle ne les crée pas éventuellement. Il n’y a rien de plus douloureux que de perdre un mari ou un enfant. C’est extrêmement important.

Minute.bf : En tant qu’actrice culturelle puisque vous aviez été conseillère culturelle à Paris, quel peut être, selon vous, le rôle de la culture dans cette lutte contre le terrorisme ?

GP : La culture porte en elle-même le besoin d’aller vers l’autre. La culture c’est aller vers l’autre et comprendre, essayer de se faire comprendre et participer justement à l’évolution de la société. Je pense que la culture burkinabè a toujours été dans son ensemble une culture pacifique. La culture est un lien social qu’il faut absolument que nous préservions telle que nos ancêtres nous l’ont laissée.

Pour Mme Pitroipa, « si [la suspension des partis politiques] était nécessaire au début des coups d’État, elle n’est plus nécessaire à l’évolution actuelle… »

Minute.bf : La situation nationale, c’est aussi la suspension des partis politiques, les réquisitions à polémiques pour le front, la peur de se prononcer sur certains sujets, etc. Quelle est votre lecture en tant que femme sankariste et politique ?

GP : La suspension des partis politiques devrait être brève. C’est vrai que c’était le temps de prendre un peu de repos, de créer un système pacifique, surtout que les reproches envers les partis politiques prenaient des tournures de violences verbales, pour certains. Il fallait apaiser. Mais ça doit être bref. Si j’ai un conseil à donner, je dirais que les partis politiques ne sont pas les ennemis de la lutte contre le terrorisme. Ils ne sont pas les adversaires de la lutte contre le terrorisme. Cette suspension, si elle était nécessaire au début des coups d’État, elle n’est plus nécessaire à l’évolution actuelle. Il faut lever cette suspension-là.

Pour ce qui est des réquisitions, cela est perçu comme une sanction alors que c’est prévu dans la loi de la mobilisation générale. Donc, tout le monde doit pouvoir être réquisitionné à un moment donné pour servir le pays. Il faut éviter que justement ces réquisitions apparaissent comme une sanction par rapport à une contradiction. Il y a des contradictions que la justice doit régler. Par exemple, pour le cas de Khalifara Séré qui a été envoyé au front, comme on le dit, son propos était diffamatoire. Même s’il a demandé pardon, il fallait saisir la justice en la faisant confiance et demander à ce que M. Séré apporte la preuve de ce qu’il avançait. Je crois que ce n’était pas nécessaire la réquisition pour le front. Je ne suis pas d’accord avec cette façon de faire. Ils ont pris 3 mois, ils ont été voir et il faut les laisser. Si un journaliste a commis l’erreur de dire qu’il a des preuves et qu’il se trouve qu’il n’en a pas, on l’envoie à la justice. Comme cela, il va apporter ses preuves à la justice.

Par contre, il y a d’autres personnes qui ont voulu défier l’autorité de l’État, cela n’est pas normal, ce n’est pas logique. Ceux qui se donnent le droit de juger, de critiquer, je ne sais pas si ce sont des critiques. Critiquer c’est proposer aussi. Il ne suffit pas de critiquer, de dire vous avez fait ça, c’est mauvais, comme si vous vous réjouissez de la faute ou bien de l’erreur qui a été commise. Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne commettent pas d’erreur. Pendant la Révolution nous avons commis beaucoup d’erreurs, et ça, c’est inhérent à toute activité humaine. Tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux, moi je n’appelle pas cela de la critique. En disant voilà, nous allons effectivement créer des tranchées pour nous cacher pour empêcher l’ennemi d’avancer, ça n’a rien de dramatique. Ce sont des stratégies qu’on peut développer. On n’a pas besoin d’être dans une réunion militaire pour dire cela. Moi, je n’appelle pas ce que des gens disent de ça de la critique. C’est du dénigrement ! Non, c’est nul ! Ce ne sont pas des critiques. Les critiques qui ne font pas de propositions ne font pas de critique.

Maintenant, il faut aussi tempérer, en ne pensant pas que tous ceux qui critiquent sont les ennemis. Ceux qui critiquent ne sont certainement pas les ennemis de ce système. Ceux qui critiquent en faisant des propositions ne sont pas les ennemis.

Minute.bf : Certains estiment que ce sont les hommes politiques qui sont responsables de la situation actuelle du pays et que c’est pour cela qu’ils sont mis sur le carreau. Que répondez-vous à cela ?

GP : [Rires] On est tous responsables de quelque chose. On parle des partis politiques parce que c’est structuré. Sinon, on est tous responsables. En tout cas, en ce qui me concerne, j’estime que le régime qui a été terrassé le 24 janvier 2022 n’était pas responsable de ce qui se passait. Toutes les institutions fonctionnaient. Il n’y a que l’institution de l’armée qui ne fonctionnait pas. C’est dans l’armée que ça ne fonctionnait pas. On a quand même octroyé à l’armée 475 milliards F CFA. Moi j’aimerais bien savoir qu’est-ce que c’est devenu.

En regardant le rapport de l’Assemblée de 2020-2021, il y a 30 milliards qui ont été remis à l’armée, qu’elle n’a pas pu utiliser. Comment on peut reprocher à quelqu’un qui vous octroie les moyens d’aller mener ce combat-là ? Jusqu’à demain je maintiens que, le 24 janvier 2022, c’était un crime contre l’institution et c’était un crime contre l’insurrection de 2014 parce qu’on voulait nous renvoyer en arrière. Comment peut-on demander aux insurgés de demander pardon parce qu’on veut faire revenir un exilé politique. Non !

Minute.bf : D’aucuns se plaignent de ce que les libertés démocratiques sont remises en cause au vu du contexte sécuritaire. En tant que Sankariste, pensez-vous que dans la même situation, Thomas Sankara, aurait lui aussi restreint les libertés?

GP : C’est quoi les libertés démocratiques ? La démocratie, ce n’est pas ce que nous voyons et entendons sur les réseaux sociaux. La démocratie, c’est le libre choix de chacun. Les gens confondent démocratie et anarchie.

C’est vrai que le système démocratique a assez d’inconvénients, mais on n’a pas encore trouvé mieux que le système démocratique, il faut simplement tirer le meilleur de la démocratie.

On nous parle des libertés démocratiques, des intellectuels. Non ! C’est ça le problème. Il y a des intellectuels, des gens qui se prennent pour des intellectuels et qui se comportent en anarchistes. La Révolution n’était pas facile. On n’a pas dit que nous n’avons pas commis des erreurs mais les plus douloureuses, c’étaient les conjurés d’avril. Comme Thomas Sankara le disait, nous avions commis notre péché originel en fusillant les 7 personnes, le 11 avril. S’il y avait à refaire, on n’allait pas le refaire. Mais, le reste, s’il y avait à refaire le 4-août, on referait exactement la même chose. On ne peut pas permettre à une minorité de s’accaparer les biens de l’État, ou de se sentir bien, pendant que mon oncle de Tanwalbougou, lui, ne se sent pas bien. Il faut qu’il nourrisse sa famille, qu’il aille au champ. La démocratie, c’est permettre à chacun de faire son nécessaire pour lui et ses enfants : soigner les enfants, les envoyer à l’école, etc.

Minute bf : Le 4 août dernier, lors d’un colloque au Mémorial Thomas Sankara, vous aviez demandé aux Wayiyans d’être « humbles ». Vous aviez aussi affirmé qu’ils doivent être « recadrés ». Qu’est-ce qui vous a inspiré cela ?

GP : Oui ! Les soutiens de la Transition, les Wayiyans, doivent être organisés parce que les gens confondent les Wayiyans avec les CDR (Comité de défense de la révolution, ndlr) qui étaient bien organisés. Il y avait une direction des CDR. Si un CDR commettait une faute, il était recadré. Les Wayiyans sont une génération spontanée. Contrairement à ce que les gens croient, on se connaît au Burkina Faso. Les Wayiyans, ce sont eux qui chauffaient nos meetings. Certains ne sont pas blancs comme neige, on le sait. C’est pour cela, que je leur ai dit d’avoir un peu d’humilité. Vous ne pouvez pas insulter les gens, ce n’est pas la bagarre. Vous n’avez pas à insulter qui que ce soit, vous n’avez pas ce droit.

Mais, l’idée d’aller défendre, d’aller rester debout pour défendre, au cas où, il y aurait un coup d’État, ce n’est pas mauvais en soi. Mais en fait, la plupart du temps, ils ne servent pas la personne pour laquelle ils disent veiller au rond-point. Moi, si j’ai l’occasion, je dirais au Premier ministre ou au Président de les organiser.

Par exemple, ils n’ont pas le droit d’aller saccager une ambassade. De quel droit peuvent-ils se permettre cela ? Il fallait mettre les organisateurs de cette marche-là en prison pour les faire comprendre que c’est interdit. Défendre un système, ce n’est pas aller bafouer des accords qui ont été signés. Il faut les encadrer. On peut manifester pacifiquement pour soutenir le chef de l’État. Mais on ne peut pas aller saccager une ambassade. On ne peut pas aller saccager une institution. Ils n’ont pas le droit d’aller saccager les tribunaux. Ce ne sont pas eux les ennemis. Les ennemis ce sont ceux qui tuent par exemple à Barsalogho, à Fada ou à Boungou.

Minute.bf : Au niveau régional et même international, le Burkina Faso a des relations tendues avec certains voisins, notamment le Bénin et la Côte d’Ivoire. Quelle est votre analyse de cette situation ?

GP : Je dis et je répète, ce ne sont pas nos ennemis (la Côte d’Ivoire et le Bénin, ndlr). C’est sûr que nous ne pensons pas la même chose par rapport aux relations qu’on doit avoir les uns envers les autres. Maintenant, s’il y a des frictions entre nous, dans une certaine mesure, on trouve les voies et moyens pour résoudre ce problème.

La relation entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, c’est comme les dents et la langue. Contrairement à ce que les gens pensent, les Burkinabè ont construit la Côte d’Ivoire. Il n’y a pas de quoi se vanter pour dire que la Côte d’Ivoire est beaucoup plus développée que le Burkina Faso. Les Ivoiriens n’ont pas construit le Burkina Faso, ce sont les Burkinabè qui ont quitté ici pour aller construire la Côte d’Ivoire. Au port d’Abidjan, si vous arriviez, vous allez trouver plus de Mossé que de Baoulé. Maintenant, peut-être que cela a évolué. On a construit la Côte d’Ivoire. Il n’y a jamais eu d’animosité entre ces deux populations. Le premier de ma famille a quitté la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso, ndlr), quand j’avais 5 ans et il n’est rentré qu’en 1988. Tous ses enfants sont nés en Côte d’Ivoire. Mon papa était en Côte d’Ivoire. Il a travaillé dans les champs de cacao, de café, etc. Mais, les Ivoiriens n’ont rien à apprendre au Burkinabè et les Burkinabè doivent aussi savoir que s’ils ont construit ce pays, c’est parce qu’ils étaient bien là-bas. Là où on est bien, c’est sa patrie. S’ils n’étaient pas bien, ils ne seraient pas restés. Ils sont combien qui auraient fui ? Donc, la Côte d’Ivoire est un pays frère.

Le Bénin, n’en parlons pas ! Moi j’ai 3 oncles qui sont toujours au Bénin à la frontière avec le Burkina Faso. Ils ne parlent même pas Gourmantchéma, ni le français.

Ce sont des peuples qui se connaissent. Je pense qu’on va trouver une solution pour que chacun arrête de balancer le chiffon rouge. Si à partir de là-bas ils veulent déstabiliser le Burkina, la Côte d’Ivoire doit mettre un frein à cela. Ils n’ont aucun intérêt à ce que le Burkina Faso soit déstabilisé.

Minute.bf : Quel message avez-vous à l’endroit du Chef de l’État, Président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré ?

GP : Il faut absolument que je lui dise les choses à ne pas faire. Qu’il écoute sa conscience et non pas ce que les uns et les autres disent. Contrairement à ce que les gens croient, c’est sa vie qui est en danger et non celle de ceux qui conseillent. Ce ne sont pas tous les conseillers de Thomas Sankara qui sont morts.

Germaine Pitroipa pense qu’ « aucun burkinabè ne mérite qu’on le traite d’apatride »

J’allais aussi lui dire d’écouter le peuple profond, mais je pense qu’il le fait déjà. C’est la souffrance du peuple profond qui doit être son guide et non pas les petites bourgeoisies de la ville qui n’ont pas grand-chose à perdre.

Minute.bf : Un mot à l’endroit des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) ?

GP : Mon message est faible parce que je ne suis pas sûre de pouvoir exprimer ce que je ressens. Quand je vois ces jeunes aller au front, la seule chose qui me vient, ce sont des larmes. Ils sont toujours jeunes et ils vont vaillamment au front en se disant qu’il faut défendre ce pays. Donc, le minimum qu’on doit à ces VDP et FDS c’est le respect.

Je demande aux gens de les respecter. Quand le président a lancé le recrutement des VDP, il n’a obligé personne, mais des gens se sont dits, ce pays mérite qu’ils le défendent. Je ne peux que leur souhaiter du courage, surtout les familles qui ont perdu leurs proches.

Minute.bf : Votre message à l’endroit du peuple burkinabè !

GP : Je félicite déjà le peuple burkinabè pour son patriotisme. Le peuple burkinabè est courageux et patriote. Ce n’est pas parce que je veux leur lancer des fleurs, mais quand vous faites le tour, on sait qu’il y a un peuple courageux qui attend tout de la sueur de son front.

Il faut que nous soyons solidaires surtout et que rien ne puisse nous désunir. La politique n’est pas un couloir pour diviser le peuple burkinabè et le peuple est assez mûr, contrairement à ce que les gens pensent.

Je veux surtout, qu’on arrête cette histoire de oui, ce sont les peulhs qui sont des terroristes. C’est faux ! Moi, ma grand-mère est Peule et je ne vois aucun problème avec les gens de Ouahigouya qu’ils soient Peulhs ou pas. Tous les Peulhs ne sont pas des terroristes. Tous ceux qui parlent Fulfudé ne sont pas Peulhs également.

Minute.bf : Votre mot pour conclure ?

GP : Aucun burkinabè ne mérite qu’on le traite d’apatride. Un apatride c’est quelqu’un qui n’a pas de patrie, ce n’est pas normal. Ce n’est pas parce qu’ils ne pensent pas comme nous, qu’ils sont des apatrides. On ne naît pas révolutionnaire, mais on peut aussi mourir sans être révolutionnaire. Camarade ou pas, je ne souhaite à aucun camarade de se retrouver dans la situation de participer à un système qui va assassiner d’autres Burkinabè.

Merci !

Propos récueillis et rétranscrits par Mathias KAM et Jean-François SOME

Minute.bf

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