Le Pr Aboubacar Toguyeni, professeur titulaire en sciences halieutiques à l’Université Nazi Boni de Bobo Dioulasso, a traduit en justice R. Koné, ce lundi 17 avril 2023 au Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga 1. L’huissier de justice R. Koné a partagé une publication, « accusant le Pr Toguyeni de détournement de plus d’un milliard de FCFA », dans un groupe WhatsApp.
C’est une affaire qui remonte à octobre 2022. R. Koné a partagé une publication d’un groupe WhatsApp à un autre faisant écho d’un détournement de plus d’un milliard de FCFA. Dans cette publication, il ressort que « le Pr Aboubacar Toguyeni, alors président de l’Assemblée législative de Transition (ALT), a utilisé 150 millions de FCFA destiné à son habillement, 1,5 millions de FCFA pour le loyer de son domicile et 1 milliard de FCFA empoché ».
Mais avant, à l’entame du procès, l’avocat de R. Koné, a soulevé deux exceptions. La première concerne la compétence du Tribunal à juger cette affaire. En effet, le prévenu, huissier de justice, R. Koné, réside au quartier Karpala, à l’arrondissement 11 de Ouagadougou. Et selon l’article 312-2 du code de procédure pénale, le TGI Ouaga 1 « n’est pas compétent pour juger cette affaire, car le prévenu n’est pas de son ressort territorial », a relevé l’avocat de la défense. C’est plutôt au TGI Ouaga 2 que devait revenir le jugement de cette affaire, a indiqué l’avocat de R. Koné. La deuxième exception concerne la prescription de l’affaire. Des dires de l’avocat de la défense, les accusations de diffamation doivent être jugées dans un délai de 3 mois à compter de la date de l’infraction. « Alors que la première plainte a été déposée le 10 octobre 2022 et la citation à comparaître date du 31 janvier 2022 », a expliqué l’avocat de la défense, demandant aux juges du TGI Ouaga 1 de se déclarer incompétent et de pourvoir le parquet et la partie civile au TGI Ouaga 2.
Deux exceptions rejetées en bloc par le parquet. Pour le ministère public, le TGI Ouaga 1 est compétent pour connaître cette affaire. Les juges ont décidé de poursuivre le procès et de se prononcer après sur la compétence du TGI Ouaga 1.
Appelé à la barre, R. Koné n’a pas nié le fait d’avoir partagé la publication sur WhatsApp. Mais le prévenu, dans sa contrition, avoue qu’il l’a faite pour « susciter un sujet à débattre ». « Comment pouvez-vous utiliser le nom d’une personne, y compris avec des accusations de telles sommes d’argent pour susciter un débat ? Est-ce que vous imaginez l’effet que cela peut avoir sur le moral, sur le côté social et professionnel de la personne citée ?», a questionné le tribunal. À ces questions, le prévenu R. Koné répond : « Je n’avais aucune intention de faire du mal. Je voulais sensibiliser. Malheureusement, cela a mal tourné ».
« Est-ce que ces affirmations sont vérifiables ? Est-ce que ces faits sont vrais ? », relance le Tribunal. « Non ! », répond le prévenu.
Appelé à son tour à la barre, le Pr Toguyeni a révélé qu’aucunement, il n’est lié à ces actes de détournement. « Ces accusations sont fausses. L’ALT est toujours là. Il peut aller constater. À l’ALT, il n’y a pas de budget spécial pour l’habillement du président de l’ALT. Il n’y a pas de caisse où le président peut aller enlever 1 milliard de FCFA. Concernant le loyer, je ne suis mêlé à rien. J’ai fait 2 mois chez un ami, avant que la sécurité de l’ALT trouve un domicile pour me loger. Je n’ai pas posé ces actes d’accusations », a déclaré l’ancien président de l’ALT. Tout de même, Aboubacar Toguyeni est ferme que cette publication a « écorché » son image, au niveau moral et professionnel.
Le procureur a pour sa part rappelé au prévenu, « de surcroît un huissier », que les réseaux sociaux ne sont pas un espace de non droit et que son utilisation doit être responsable.
Revenant à la barre, le prévenu R. Koné a avoué avoir contacté le grand frère du Pr Toguyeni pour régler « cette affaire à l’amiable », car son intention « n’était nullement de porter atteinte à l’image d’un aîné ». Il a même, au cours de l’audience, adressé « ses sincères excuses » à la victime et à tous ceux à qui la publication a causé du tord.
Néanmoins, pour l’avocat de la partie civile, le Pr Toguyeni a subi un choc. Et pour atténuer ce choc, le Pr Toguyeni demande 1 franc symbolique en réparation et 300 000 FCFA pour les frais d’avocat. La publication, également, du verdict sur les réseaux sociaux par le prévenu.
Le procureur dans ses réquisitions a précisé qu’il n’est ressorti dans aucune enquête menée par une quelconque structure habilitée qu’il y a eu malversations financières dans la gestion de Aboubacar Toguyeni. Donc pour le ministère public, R. Koné, ne peut pas se donner le pouvoir de publier de tels faits erronés. Il a requis que le prévenu soit déclaré coupable des faits de diffamation et le maintenir dans les liens de la prévention pour 12 mois et 1 million de FCFA, le tout ferme.
Pour la défense, R. Koné ne peut être reconnu coupable car l’élément moral fait défaut. En effet, comme l’a soutenu le prévenu, « son intention n’était pas de faire mal », a défendu l’avocat.
Les juges du Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga 1 ont renvoyé le verdict au 08 mai 2023.
Mathias Kam
Minute.bf
