Le journaliste Newton Ahmed Barry est à la barre du Tribunal de Grande instance Ouaga 1 ce mercredi 10 mai 2023 pour répondre des faits de « diffamation et injures publiques ». Il est poursuivi par la fédération des associations et OSC dénommée « Burkina Rempart » pour des propos qu’il aurait tenus le 30 janvier 2023, sur les ondes de la Radio France Culture à Paris, où il était invité en tant que chroniqueur.
Dans son intervention, Newton Hamed Barry aurait traité les membres de la fédération des associations et OSC Burkina Rempart « d’extrémistes islamisés sur les bords », de « jihadistes de la ville fonctionnant comme les jihadistes de la brousse ». Il aurait aussi déclaré que « le Capitaine Ibrahim Traoré ne serait rien aujourd’hui sans le soutien de ses extrémistes islamisés », et que lui (Ndlr; Newton Ahmed Barry) les appelle « jihadistes de la nation ».
Estimant que ces propos ont porté atteinte à l’honneur de ses membres, l’association Burkina Rempart attend donc du tribunal qu’il leur fasse justice.
A l’ouverture de l’audience, les avocats de la défense ont émis des exceptions sur la forme de la procédure. L’une de ces exceptions a porté sur l’incompétence d’une juridiction nationale à statuer sur ce dossier. Les faits s’étant produits à Paris, il sied, selon eux, que ce soit une juridiction française et en l’occurrence parisienne, qui statue sur le dossier. Et même si le dossier devait être jugé au Burkina Faso, d’après eux, ce ne serait certainement pas devant le Tribunal de grande instance Ouaga I, pour le simple fait que l’accusé réside à l’arrondissement N° 12, qui est du ressort territorial du TGI Ouaga II.
Les avocats ont aussi relevé que la loi sur la réglementation de l’audiovisuel au Burkina Faso dispose en certains de ses articles, que les infractions d’injures, de diffamation et autres, commises par un professionnel de média audiovisuel ou de la presse écrite dans l’exercice de ses fonctions, ne sont pas passibles de poursuites.
Dans leur ligne, ils ont aussi tablé sur la qualité dont dispose l’association Burkina Rempart pour engager une poursuite contre Monsieur Barry.
A en croire les avocats de la défense, l’association Burkina Rempart n’a obtenu son récépissé que le 30 mars 2023, soit près de deux mois après les faits. Elle n’a donc, selon eux, aucune qualité pour ester Newton Ahmed Barry en justice pour des faits qui ont été commis en janvier 2023.
Aussi ont-ils ajouté qu’en organisant son meeting de soutien au président de la transition, l’association a agi en toute illégalité au regard des motifs de sa création. La fédération des associations et OSC « Burkina Rempart » ayant été initialement créée avec pour objet de promouvoir la paix, la cohésion sociale et le vivre-ensemble, ne peut se lancer dans des meetings de soutien à une quelconque autorité politique ou un régime politique quelque soit sa nature.
« Légalement, c’est pas possible de créer une association pour soutenir des actions politiques. C’est même pas légale. Quand on prend le motif de création de l’association, nulle part il n’est mentionné que c’est pour soutenir une quelconque action politique. Et quand vous prenez les associations qui composent Burkina Rempart, vous verrez des associations qui relèvent du domaine de l’environnement, de l’agriculture, de l’entrepreneuriat, etc. Comment vous pouvez avoir un acte de naissance, et vouloir agir dans des domaines autres que ce pourquoi vous êtes nés », a déclaré l’un des avocats.
La défense a demandé que le dossier soit tout simplement déclaré irrecevable.
Une requête à laquelle les avocats de la partie civile se sont vivement opposés. Ils ont estimé que du moment où l’interview a été podcastée et relayée sur internet, il est devenu accessible à tout le monde où qu’il soit. Et à cet instant, le TGI Ouaga 2 n’est plus la seule juridiction habilitée à connaître ce dossier. Toute autre juridiction peut désormais statuer sur un tel dossier.
La partie civile a aussi appelé le tribunal à ne pas se laisser « induire en erreur ». Car selon elle, il n’est pas de son ressort de chercher à comprendre les circonstances dans lesquelles le récépissé d’une association a été obtenu. C’est plutôt du ressort du MATDS.
A la barre, Newton Hamed Barry a plaidé non coupable.
Il a déclaré que son passage à l’émission de RFC a eu lieu le 26 janvier 2023. Elle a donc précédé la manifestation organisée par l’association Burkina Rempart, le 28 janvier. « L’émission s’est produite bien avant la manifestation de l’association. C’est pas corrélé », a-t-il relevé d’emblée.
Il a aussi nié avoir proféré les propos tels qu’ils sont relatés. « Le Journaliste m’a demandé ce que je pense de la gouvernance du Capitaine Ibrahim Traoré. Et moi je suis parti sur des éléments factuels. J’ai dit que ceux qui le soutiennent commencent leurs déclarations par des formules. Ils sont violents dans leurs discours, extremisés sur les bords. Et en ces propos, ils sont comparables aux terroristes et aux jihadistes de la brousse » , a-t-il détaillé.
Newton Hamed Barry a indiqué que ce sont des éléments factuels qu’il a cités, en guise de propos introductif dans sa réponse à la question du journaliste.
Pour lever toute équivoque le tribunal a jugé nécessaire de faire une projection de la vidéo de l’interview. L’audience est suspendue pour quelques minutes, le temps de mettre le dispositif en place.
Des détails à venir…
Minute.bf