A la faveur d’un panel organisé le jeudi 29 février 2024, par le Rassemblement des intelligences pour la souveraineté de l’Afrique (RISA) sur la question de l’officialisation des langues nationales, le professeur Mamadou Lamine Sanogo, Directeur de recherches en Linguistique à l’Institut national des sciences des sociétés (INSS), a donné une communication sur le thème : « Officialisation des langues nationales : Quels enjeux pour le Burkina Faso ? ».
Des l’entame de sa communication, le linguiste a établi une nette distinction entre langue nationale, langue officielle et langue de travail. De ses dires le caractère officiel est un statut juridique consacré à une langue par la constitution d’un pays. Alors que les langues de travail sont des langues généralement reconnues comme pouvant être utilisées dans l’administration, les institutions et les entreprises. « La langue officielle n’est pas nécessairement une langue de travail et la langue de travail n’est pas nécessairement une langue officielle. Et il n’y a pas forcément une langue officielle dans tous les États. Tous les pays du monde n’ont pas nécessairement de langues officielles. On peut avoir des langues de travail qui ne sont pas forcément des langues officielles. Dans l’histoire des politiques linguistiques, le Burkina est d’ailleurs le seul pays à avoir déclaré officiellement des langues de travail », a-t-il indiqué. Il a précisé qu’en général, les Etats choisissent d’avoir des langues officielles. Et ces langues officielles sont utilisées aussi bien dans l’administration que dans les institutions et les entreprises. Mais, a-t-il déclaré, « si l’État burkinabè a décidé de faire une distinction entre langue de travail et langue officielle, c’est que ceux qui ont fait cette proposition savent où ils veulent aller ».
Selon le conférencier, pour que cette officialisation soit accompagnée d’effet de valorisation des langues nationales, il revient au législateur de mettre davantage de contenu dans les concepts de langues officielles et de langues de travail utilisés dans la constitution révisée. « Il faut donner du contenu aux différents concepts utilisés. Tant qu’on n’a pas donné du contenu à cela, les gouvernants et les gouvernés ne vont pas se comprendre. Il y a des pays qui ont officialisé des langues et cela a provoqué plus de situations défavorables pour ces langues. Parce que quand vous dites langues officielles et qu’il n’y a pas de contenus, il y a de fortes chances que des langues qui n’ont de statut puissent être mieux vues que des langues avec un statut. C’est pourquoi, il urge que des mesures soient prises au niveau du Burkina Faso afin que les langues déclarées officielles soient connues et bien identifiées. Parce que je pense qu’on ne peut pas officialiser la soixantaine de langues nationales existant sur le territoire. Qu’on nous dise clairement qu’est-ce qu’on fait avec les langues officielles et qu’est-ce qu’on fait avec les langues de travail ? A ce niveau, il n’y a que l’État qui peut le dire », a-t-il fait remarquer.
Poursuivant sa communication, Professeur Mamadou Lamine Sanogo a cité des propositions de trois linguistes burkinabè pour une meilleure orientation en matière d’officialisation et de promotion des langues nationales. Le premier, a-t-il dit, est le Pr Norbert Nikiema, spécialiste des questions de politique linguistique au Burkina Faso. Ce dernier a mené selon le conférencier, une étude sur les conséquences néfastes de l’utilisation systématique du français dans toutes les couches de l’administration au Burkina Faso au détriment des langues nationales. Le second est selon le conférencier, le professeur Gérard Kédrébeogo, reconnu comme celui qui a inventé le premier atlas linguistique du Burkina Faso. « Pr Gérard Kédrébeogo a proposé une officialisation en partant du principe qu’une administration ne peut être efficace que si la langue de l’administrateur coïncide avec celle de l’administré », a fait savoir Pr Mamadou Lamine Sanogo.
Il a cité en troisième position, le Pr Abou Napon, enseignant-chercheur au département de Linguistique de l’université Joseph KI-ZERBO. Ce dernier a proposé une officialisation des langues nationales en tenant compte de leurs répartitions et leurs poids démographiques dans les différentes régions du pays.
Le conférencier a conclu sa communication en suggérant que l’officialisation des langues nationales soit suivie d’une campagne de communication sur ces différentes mesures de sorte à susciter l’adhésion des populations.
Oumarou KONATE
Minute.bf