vendredi 14 mars 2025
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Burkina/Politique : Le parti de Jean Baptiste Natama au bord de l’implosion


Quelques deux ans après le décès de Jean-Baptiste Natama (18 mars 2018), le fondateur de la Convergence patriotique pour la Renaissance/Mouvement progressiste (CPR/MP), le parti a du mal à rassembler. Des divergences d’orientation aux guerres de positionnement, la discorde entre les responsables du parti a abouti à « la mise à l’écart » de certains au congrès du parti tenu le samedi 25 juillet 2020. Pour mieux comprendre ce qui est à l’origine de la discorde, www.minute.bf a approché Sorogo Mahama Lucien, le chargé à la mobilisation du parti pour en savoir plus.

Minute.bf : Dites-nous qu’est ce qui se passe au parti de feu Jean Baptiste Natama, la CPR/MP ?

Sorogo Mahama Lucien : Je ne vais pas relater les faits du début jusqu’à ce qui se passe aujourd’hui. Je vais me limiter à l’organisation du congrès du parti par le camarade Evariste Yogo, pour changer les instances dirigeantes du parti. Depuis des années, nous nous sommes rendu compte qu’il travaillait seul. Il ne mêlait jamais les membres du parti à ses activités. Même du vivant du président Jean Baptiste Natama, il prenait des décisions sans consulter le mentor. Dès les premières heures de la création du parti, il a animé une conférence de presse pour annoncer que le parti s’engageait à soutenir le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) aux élections de 2015. Chose que Jean Baptiste Natama a vite démenti par une autre conférence de presse. Natama n’a jamais été d’accord pour s’allier au MPP. Juste après la mort de Natama, le même monsieur a pris sa décision d’aller s’allier au parti majoritaire sans même consulter la base. Ce sont des petites actions comme cela qui font que nous n’étions plus très sûrs de lui et nous ne le voulions plus à la tête du parti.

Lorsque nous avons pris la décision d’organiser le congrès, à chaque fois qu’il convoquait les réunions, il n’y avait pas grand monde. Les réunions se tenaient à moins de 10 personnes souvent parce que les gens sont découragés de sa manière de gérer le parti. Moi, ma base, c’est Zaktouli. Il y a des militants de ma base qui ont menacé de quitter le parti si Yogo est toujours celui qui devrait gérer le parti. A chaque réunion, nous nous retrouvons à moins de 10 participants. Nous nous sommes demandé alors, comment former un bureau de 35 membres avec moins de 10 personnes ? Quelles sont les personnes que veut proposer Yogo dans le bureau du parti ? Je lui ai demandé, comment comptait-il s’y prendre, parce que moi, personnellement, je ne veux pas être dans le bureau. Nous avons ensemble, décidé ce jour, de nous retrouver le samedi, avec les camarades qui venaient des provinces, pour discuter avec eux, essayer de rencontrer ceux qui sont restés fidèles au parti depuis le décès de Jean Baptiste Natama pour organiser un congrès de relecture des textes et pour la formation du bureau du parti. Ce jour, Monsieur Yogo a dit qu’il y a 25 personnes de l’ancien bureau qui disent être toujours disponibles à accompagner le parti. Nous avons donc décidé, à travers l’organisation d’un congrès, de travailler à former un bureau consensuel. Quand nous sommes partis, il y a un ancien camarade qui accompagnait Natama à l’époque, mais qui a dû quitter le parti après, à cause de la mauvaise gestion, qui m’a confié que Yogo allait nous jouer un mauvais tour. Il m’a fait comprendre que le monsieur avait déjà une liste. Il est allé copter les gens un peu partout, même ceux qui n’étaient pas dans le parti, puisqu’il veut s’approprier le parti.

Il ne nous a pas consultés pour cela. Il avait juste besoin d’animer le congrès pour être dans la légalité afin de pouvoir s’allier au MPP. J’ai fait le compte rendu à des camarades du parti. Le samedi nous étions dans la salle pour le congrès. Quand Yogo est arrivé, il a déroulé un programme qui n’était pas dans l’ordre du jour. Il n’a même pas soumis le programme aux militants du parti. Il a juste imposé le chronogramme dans lequel il y avait une activité de don de sang. Dès qu’il a fini de dérouler le programme il s’est levé en même temps, sans prendre l’avis de qui que ce soit, pour aller donner son sang, arguant qu’il est le président et en tant que premier responsable, il se doit de donner lui-même l’exemple. Nous avons dit que nous ne pouvons pas participer à une rencontre où des activités sont imposées aux militants. Nous avons dénoncé ce qu’il se passait.

Nous avons demandé à amender le chronogramme avant le début des travaux. Le jour du congrès, il a fait venir la Compagnie républicaine de Sécurité (CRS) et deux loubards. Et il nous a dit que si l’on se sent membre d’une famille, l’on doit pouvoir attester, avec documents à l’appui, que nous sommes réellement membres de cette famille. Il a demandé aux congressistes de sortir pour qu’une vérification soit faite à l’entrée afin de ne retenir dans la salle que ceux qui sont les militants du parti. Nous n’avions rien à nous reprocher. Nous sommes donc sortis, mais c’était notre erreur car, le contrôle pouvait se faire dans la salle. Dès que nous sommes sortis, il a fait venir les deux loubards à la porte et un membre CRS. Et il nous a fait savoir que l’ancienne carte de membre n’était plus valable. Ce qui nous a surpris. Depuis quand les cartes ont été changées sans que nous ne soyions informés ? Sur place il a mis en vente des nouvelles cartes de membre. Et comme nous voulons avoir accès à la salle pour mieux discuter, nous avons acheté les nouvelles cartes. Lorsqu’il a su que pouvons encore y avoir accès avec les nouvelles cartes, il a encore fait exiger à tous des cartes d’invitation. Nous avons donc fait comprendre à l’agent de sécurité qu’on ne peut pas être organisateur d’une rencontre et s’inviter soi-même. Parce que, c’est nous qui avons décidé d’organiser le congrès.

« Après les élections de 2015, Natama a demandé que tout le secrétariat exécutif national du parti démissionne.. »

Il y a des gens que monsieur Yogo a appelés au téléphone qui sont venus et qui ont eu accès à la salle de rencontre, pendant que nous, membres fondateurs du parti, n’y avons pas eu accès. Il y a des gens qu’il a invités des provinces, qui sont venus, mais comme n’étant pas favorables à son élection, l’accès leur a également été refusé. Il a fait venir 5 personnes, disant que ce sont des démissionnaires de la Nouvelle Alliance du Faso (NAFA). Je ne les connaissais pas. Les seules personnes que je connais et qui sont restées dans la salle, sont deux femmes. C’est une des femmes, Mamata Kounda et Yogo Evariste qui sont membres de l’ancien secrétariat exécutif national (SEN) du parti, qui ont pris part à la rencontre et les autres membres de l’ancien SEN étaient dehors. Des membres de l’ancien SEN ne voulaient plus continuer avec le parti sous la gestion de Yogo. Ce sont d’autres camarades qui sont allés les convaincre pour qu’ils participent à la rencontre du jeudi qui devrait déboucher sur l’organisation du congrès. Mais tout ce monde était dehors le jour du congrès parce que les gens n’étaient pas favorables à son élection. Dans les travaux à ce congrès, il y avait la relecture des textes du parti. Mais, il n’y avait que quelque dix personnes dans la salle pour le congrès. Parmi eux, il y a les cinq membres démissionnaires de la NAFA si l’on en croit aux dires de Yogo. Comment des gens qui n’ont pas assisté à la création d’un parti et qui n’ont jamais participé aux activités du parti vont avoir droit à la relecture des textes, alors que l’accès est refusé aux membres fondateurs du parti ? Nous ne comprenions rien de ce qu’il se passait ce jour-là. Depuis le samedi, je n’arrive pas à dormir parce que je n’arrive pas à comprendre que des gens peuvent se comporter comme cela. Quand nous sortions de la salle ce jour, il nous a dit : « camarade, c’est ça la politique hein ». Je lui ai demandé : « donc pour vous la politique c’est comme cela ? Il faut faire des coups bas à ses camarades ? Quand on appartient à une famille, on ne trahit pas cette famille. On discute et on trouve un terrain d’entente ». Pour le camarade Yogo, la politique c’est la trahison. Il faut tout faire pour son objectif personnel et non, les objectifs du parti. Ce qui s’est passé samedi, pour moi, est une auto-proclamation de sa présidence et non un choix consensuel de sa personne. Il avait sa liste de personnes qu’il a placées dans son bureau.

Minute.bf : Après le décès de Jean-Baptiste Natama, qui a été délégué pour assurer l’intérim à la tête du parti ?

Sorogo Mahama Lucien : Evariste Yogo était le premier SEN. Même sous la présidence de Natama, il occupait ce poste. Après les élections de 2015, Natama a demandé que tout le secrétariat exécutif national du parti démissionne. Au moment de la démission de ce SEN, le camarade Yogo était absent. Il était à l’étranger pour ses études. Mais les autres membres du SEN qui étaient présents ont déposé leur démission. Un comité directoire a donc été mis en place pour gérer les instances du parti.
Celui qui assurait l’intérim au parti, c’était Yogo, mais il travaillait seul. Après la mort de Natama, il n’a convoqué aucune réunion du parti. Mais nous avons entendu dans la presse qu’il veut rallier le parti au MPP alors que cette question n’a jamais été discutée à l’interne.

Minute.bf : Pourquoi, selon vous, monsieur Yogo n’a pas été suspendu ou évincé du parti malgré ses « coups bas » à s’approprier le parti ?

Sorogo Mahama Lucien : Je ne saurai le dire. Moi je ne suis qu’un agent de terrain dans le parti. Je suis le chargé à la mobilisation à la fédération du centre. Je ne sais trop de ce qui se passe en haut. Mais ce que je sais est que son ralliement au parti majoritaire n’a pas été consensuel.

Minute.bf : Quelle seront les actions que vous entendez mener après tout ce qui s’est passé quand on sait que vous, membres fondateurs du parti, avez été écartés au congrès du samedi passé?

Sorogo Mahama Lucien : Dès le samedi, nous avons tout de suite convenu de réfléchir sur les futures actions à mener face aux agissements de monsieur Yogo. Nous voulons poser des actions qui puissent permettre de regrouper tous les membres du parti. Certains camarades qui s’y connaissent en droit sont chargés de cette question et je pense que quelque chose sortira dans les jours à venir.

Je vais vous rappeler que même en 2015, monsieur Yogo avait bloqué le récépissé du parti parce qu’il n’était en tête de liste pour les élections législatives. J’ai travaillé avec certains camarades au siège du parti à l’époque, pendant deux nuits sans même fermer l’œil, pour établir les listes des candidats du parti. Mais monsieur Yogo est arrivé et lorsqu’il a trouvé qu’il n’était pas en tête de liste, il a ramassé les documents pour les jeter et il a fait un scandale au siège du parti ce jour avant de repartir. Ce jour-là, il y a une camarade qui s’est évanouie et nous l’avons transportée dans une clinique plus proche. Des garçons ont versé de chaudes larmes ce jour parce qu’on ne peut pas imaginer que l’on puisse travailler durant deux nuits sans dormir et qu’une seule personne vienne remettre en cause tout le travail effectué par plusieurs personnes.
Quand il est parti, nous avons ramassé les documents et nous avons recommencé le travail. Le dernier jour du dépôt, à minuit moins, nous étions à la porte mais nous ne pouvions pas déposer la liste sans la signature de Yogo. Nous l’avons plusieurs fois appelé avant qu’il ne vienne. Quand il est venu, comme nous étions toujours en discussion, il a accepté de rentrer avec nous pour le dépôt du dossier. Mais une fois à l’intérieur, il a refusé de signer conditionnant cette signature à son positionnement à la tête de liste du parti. Finalement, une personne a été enlevée de la liste pour lui permettre d’occuper la tête de liste. C’est en ce moment qu’il a accepté de signer les documents. Dans toutes les autres actions qui ont suivi, il n’a jamais donné son accord pour une chose qui ne l’arrange pas. Il ne parle que pour son intérêt personnel. Lui et lui seul, et personne d’autre. Même à la réunion préparatoire du jeudi, avant le jour du congrès, nous avions fait un, chronogramme. Mais le samedi il a changé et imposé un autre chronogramme.

Minute.bf : En 2015, la CPR/MP s’est présentée aux élections couplées, sous la présidence du défunt Jean Baptiste Natama. En 2020, le parti va-t-il se présenter ?

Sorogo Mahama Lucien : Il sera un peu difficile pour le parti de se présenter à la présidentielle de novembre prochain au regard du contexte dans lequel il se trouve actuellement. Mais je pense que si nous étions tous unis, ensemble nous pouvions vraiment trouver quelqu’un pour représenter le parti à l’élection présidentielle. Mais là, c’est difficile. Je sais qu’il sera impossible que ce soit le camarade Yogo. Déjà, il n’a même pas de poids de mobilisation. Nous sommes allés en 2015 dans son Koudougou natal, mais c’est nous qui avons fait la mobilisation à sa place. Dans lui-même son fief il n’a pas de capacité de mobilisation. Nous n’avons jamais vu une action qu’il a menée, et qui a eu du succès.

Minute.bf : Avez-vous un mot pour conclure l’entretien ?

Sorogo Mahama Lucien : Je voudrais demander aux camarades militants de la CPR/MP de rester mobilisés parce que le jour du congrès, beaucoup sont repartis très déçus. Il est fort probable que ces militants ne soient plus motivés pour continuer la lutte. Je voudrais leur dire de s’armer de courage. Il ne faudrait pas que ce que l’on a commencé depuis 2015 soit une lutte vaine. Nous avons beaucoup appris avec le camarade Natama. Il ne faudrait pas qu’on laisse tout tomber à l’eau. Il faut qu’on essaie de faire honneur à sa mémoire.

Propos recueillis par Armand Kinda
Minute.bf

1 COMMENTAIRE

  1. Quand on se dit responsable ont doit avoir le sens de la responsabilité, Mrs Yogo pense qu’il a gagné ont verra la suite. Ce monsieur est une honte pour la société.

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