Chaque 15 septembre est célébré la Journée internationale de la démocratie. Pour cette année 2023, le consortium Diakonia, Centre de Gouvernance démocratique (CGD) et NDI a initié un panel sur la démocratie en lien avec la désinformation avec des experts ont épulché la question et proposé des pistes de solutions.
« Démocratie et désinformation », c’est sous cette thématique que le consortium Diakonia, Cadre de gouvernance démocratique (CGD) et National démocratic institute (NDI) ont célébré la journée de la démocratie. Les communicateurs ont tenu en haleine le public autour du thème : « Démocratie et désinformation : Comment sortir de l’impasse de la désinformation ? ».

« Les principales trames de la désinformation au Burkina Faso, l’état des lieux et son envergure », fut le premier sous-thème animé le Dr Régis Balima, enseignant en communication. Pour ce dernier, la désinformation s’appuie sur des informations fausses. C’est du moins la création volontaire de fausses informations dans le but de nuire à quelqu’un, un pays ou des organisations, a soutenu l’universitaire. Selon lui, le crédit accordé à une fausse information dépend de son auteur. En fonction de son auteur, il y a des fortes proportions que cette information se propage ou pas.
En ce qui concerne la mésinformation, Dr Balima, la définit également comme une information fausse mais « qui n’est pas créée dans l’intention de nuire car la personne qui la publie pense que c’est une information vraie ». Cela dit pour l’enseignant-chercheur, les Fake news prennent de l’ampleur parce que « cette information vient confirmer ce qu’on croyait vraie, on prend cela pour fiable ».
Du reste, Dr Balima pense que la propagande participe à la désinformation. Il en veut pour preuve « la médiatisation des marches, le faite de donner la parole à des groupes qui soutiennent le régime, qui ne sont pas représentatifs. On leur donne la parole parce que, ce qu’ils disent, arrange le pouvoir. On ne donne pas la parole aux autres ». « Les web-activistes sont payés pour la besogne, les hommes politiques qui utilisent des faux profils, les intellectuels, les journalistes, etc. », sont les acteurs cités par Dr Régis Balima, qui indique que, ces derniers utilisent les réseaux sociaux en majorité pour leur publication. Tout ces stratagèmes ont pour conséquence, « la réduction de la confiance, la perte de la crédibilité, la division de l’opinion publique, la guerre d’idée qui peut entraîner une guerre totale », a déploré l’enseignant en communication, qui se convainc « malheureusement que l’opinion l’emporte sur les faits » sur la place publique.
La violence comme argument pour se légitimer

Le journaliste-formateur, Moussa Sawadogo, a pris le relais en intervenant sur « la désinformation au Burkina Faso, son impact sur la construction démocratique ». Moussa Sawadogo a laissé entendre que l’impact de la désinformation est grand. Ce, d’autant plus qu’elle a pour cible « les chefs coutumiers, en l’occurrence le Moogho Naaba ; ceux qu’on qualifie de vieux logiciels dépassés ; les intellectuels qu’on trouvent qu’ils bavardent beaucoup et ils ne font rien ». Pis, à en croire M. Sawadogo, « la situation sécuritaire va aggraver la prolifération des Fake-news ». Cela a pour corollaire le fait que les journalistes sont remplacés par des cyber-activistes sur les réseaux sociaux. « L’animation de l’espace public au Burkina Faso n’est plus l’apanage des médias essentiellement sur les réseaux sociaux. L’espace public est devenu un lieu de non-droit où les mercenaires de la plume se livrent à des propagandes, des calomnies et la tromperie en foulant au pied l’éthique et la déontologie qui régissent le travail de journalisme », a-t-il déploré.
Encore grave, ajoute M. Sawadogo, « la désinformation s’accompagne de discours de haine, particulièrement depuis le premier coup d’État du 24 janvier 2022 puis celui du 30 septembre de la même année. Depuis la venue de Ibrahim Traoré, on assiste à une guerre de propagande sur fond d’accusation et de diabolisation. La tolérance a laissé la place aux accusations de toutes sortes », a-t-il relevé du comportement des partisans inconditionnels du pouvoir voire des officiels. « Oui ! La désinformation est une menace directe au Burkina Faso. Elle a pour conséquence, la stigmatisation, la haine, la peur, le refus du débat contradictoire. C’est une menace contre le pluralisme d’opinion et la liberté d’expression qui sont les impératifs de la construction démocratique. Si le tir n’est pas rectifié à temps, le Burkina Faso court le risque de s’éloigner de l’Etat de démocratie », a-t-il alerté.
Les 3 niveaux de lutte contre la désinformation
« Comment lutter contre la désinformation qui s’attaque aux valeurs démocratiques ? » C’est à cette question qu’a répondu le consultant en communication, Idriss Ouédraogo. Il a convenu avec ses prédécesseurs que la désinformation est « une sorte de corruption de malversations de l’information », qui, si elle prend de l’ampleur tue la démocratie.

Pour Idriss Ouédraogo, il y a trois niveaux de réponse à apporter à la désinformation. Il s’agit du niveau opérationnel et immédiat. Dans ce niveau, le communicateur demande de « travailler à produire de l’information de qualité ». Cela va passer, dit-il, par les professionnels du traitement de l’information que sont les journalistes. Pour cela, convient-il, « un accent doit être mis sur le management des médias. Il prend en compte des journalistes de solution ».
Le 2e niveau est d’ordre managérial, selon Idriss Ouédraogo. Ce niveau exige que le public ait accès à l’information de qualité . Pourtant, « beaucoup d’obstacles empêchent la circulation à ces bonnes informations. Ces crises naissent du fait que beaucoup d’informations dorment dans la direction de communication. Une bonne gestion des services de communication est un bon gage de lutte contre la désinformation et réduit le champ des rumeurs. Il faudrait améliorer ou mettre en place des organes qui obligent ces acteurs à donner la bonne information au grand public ». Idriss Ouédraogo a préconisé dans ce sens, « l’éducation aux médias ».
Le 3e niveau est politique, des dires de M. Ouédraogo. C’est même une question d’orientation stratégique. Idriss Ouédraogo a invité les acteurs à jeter le regard sur la loi sur les activités politiques. « Il s’agit de faire remonter beaucoup plus l’éthique, exiger la transparence, la gestion des débats et des bases de données », a-t-il souhaité.
Idriss Ouédraogo a terminé par proposé une solution géostratégique. « C’est de développer une pensée dominante propre à nous. Une pensée collective protectrice. Parce que, ensemble nous pensons la même chose, nous ressentons la même chose », a-t-il conclu.
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Mathias Kam
Minute.bf