L’examen du Certificat d’Etude primaire (CEP) a livré son verdict. Et comme chaque année, des écoles, des élèves et des enseignants se sont distingués. C’est le cas de Kotimi Ouedraogo, l’enseignante qui a fui l’insécurité avec ses élèves de l’école Robolo B de Ouindiguin, dans le Lorum pour réaliser la performance du 100% à Ouahigouya où elle tenait en plus une classe de CM1. Retour sur un parcours plein d’embûches aux résultats exaltants !
Résilience, c’est le second nom de la professeure d’école, Kotimi Ouedraogo. Debout contre les ennemis de la nation et partant de l’éducation, Mme Ouedraogo a réussi le pari de reconstituer sa classe de l’école de Robolo B de Ouindiguin à Ouahigouya, pour réaliser le sacre du 100% au CEP. www.minute.bf a pu la joindre au téléphone, à travers des échanges sur WhatsApp, où elle retrace son parcours avec ses élèves.
Tout est parti de Ouindiguin, un des villages de la province du Lorum, region du Nord. Depuis 2017, la localité fait l’objet d’agressions de la part d’hommes armés. Les attaques se sont intensifiées entre 2019-2020, obligeant nombre d’écoles à fermer les classes dont celle de Robolo B où officie Kotimi Ouedraogo. « Pour le compte de l’année 2020-2021, j’ai été affectée dans un autre village (toujours dans la commune du Lorum). J’étais la première à m’y rendre avant que les collègues ne me rejoignent, dont certains après environ un mois, parce qu’il y avait la peur. Finalement, nous étions tous là en novembre et nous avons dispensé les cours jusqu’à la fin de l’année », a-t-elle retracé.
Et déterminés dans leur mission, Kotimi Ouedraogo et ses collègues regagnent à nouveau leurs postes pour démarrer l’année scolaire 2021-2022. « Nous sommes repartis, idée de ne pas abandonner les enfants dans la nature comme cela a été le cas dans certaines localités où il était vraiment difficile de poursuivre les cours à cause de l’insécurité », a soutenu Mme Ouedraogo.
En effet, avec la mobilisation des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), Ouindiguin avait toujours repoussé les hommes armés. « Les nuits, ils assuraient la garde pour notre sécurité. La Police était partie depuis 2020 », a confirmé notre interlocutrice.
Les VDP faisaient de leur mieux jusqu’au 12 décembre 2021. « Ce jour-là, aux environs de 16h, on a entendu des tirs de partout. C’était la débandade. Puisque c’était un dimanche, certains enfants étaient sortis, d’autres à l’église ou à la mosquée, devant des boutiques, dans leur maison (…) Ils étaient là avec au moins 7 véhicules munis d’armes lourdes en plus des binômes sur moto (…) Ils s’attaquaient à tout le monde, femmes, enfants… », se souvient toujours l’interviewée de www.minute.bf. Elle a révélé que les VDP ont résisté avec leurs moyens mais ils avaient été malheureusement pris par surprise par les terroristes. Ces derniers avaient appris les manoeuvres sécuritaires des VDP par un natif de Ouindiguin qu’ils avaient enlevé 9 jours avant l’attaque.
Entre le premier groupe de terroristes qui s’occupait uniquement du bétail, le second qui tuait les populations civiles et le dernier qui incendiait, Kotimi Ouedraogo, ses collègues et les habitants n’avaient de choix que de « se chercher ».
La laborieuse traversée pour rejoindre Ouahigouya
« Du fait qu’ils (les terroristes) soient au courant de ma présence pour assurer les cours, je savais que si je ne me cherchais pas tôt, le pire pouvait arriver », soupire-t-elle. C’est ainsi qu’elle a décidé de s’enfuir.
« Il y avait mon enfant, plus ma petite sœur, l’enfant de mon neveu et un autre enfant du village qui était en visite chez nous. C’était un dimanche soir. J’étais obligée de les remorquer tous sur ma moto et arpenter les champs, les routes n’étant plus prudentes. On tombe, on se relève et on continue pour sauver nos vies », relate la survivante de l’attaque du 12 décembre 2021.
Finalement, c’est vers 23h que notre enseignante a pu atteindre Ouahigouya où « toute [sa] famille était sur pied » car n’arrivant pas à la joindre au téléphone, parce que les terroristes avaient saboté les antennes de téléphones mobiles qui émettaient dans la zone.
Dans ce périple, notre enseignante n’a pu emporter aucun de ses biens. « C’est seulement ma moto que j’ai emportée », lâche-t-elle laconiquement, précisant qu’elle a « tout perdu », même sa carte d’identité. Diplômes (BEPC, CAP…), papiers de parcelle, garde-robe, chaussure, plaque solaire et batterie (100 watt et toute l’installation), ventilateur, matelas, lit, des plats, 2 bouteilles de gaz (12 et 6 kg), les effets de son enfant et de sa soeur et même de l’argent liquide qui étaient dans la maison, voilà pêle-mêle ce qu’a abandonné Kotimi Ouedraogo derrière elle lors de cette attaque.
Elle apprendra plus tard par le biais de certaines femmes réparties sur les lieux dans l’intention de récupérer ce qui restait, que sa maison a été pillée par les hommes armés qui se sont aussi débarrassés de ce qu’ils ne pouvaient pas emporter. Ces femmes ont même été molestées par les terroristes et certaines d’entre elles ont été admises dans des centres de santé pour des soins. « Minimum 3 millions de FCFA », c’est l’estimation que Mme Ouedraogo a faite de ce qu’elle a perdu dans sa maison.
Outre cela, notre interlocutrice qui faisait également le petit commerce precise que dans sa fuite, elle n’a pas pu récolter ses fonds auprès de commerçants et autres personnes avec qui elle travaillait. Pour cette perte qu’elle estime « à 400 ou 500 000 FCFA », elle a souligné que des boutiquiers l’appelaient mais qu’elle n’a pas jugé utile de réclamer un remboursement.
Quid du parcours des élèves ?
Concernant les élèves, l’enseignante a expliqué qu’à partir de Seguenega, certains ont profité d’un véhicule qui venait chaque jour à Ouahigouya pour embarquer. D’autres, à Seguenega toujours, ont attendu le lendemain pour prendre la voie avec pour destination Ouahigouya.
A Ouahigouya, le chemin de croix de Kotimi Ouédraogo et de ses élèves ne s’est pas estompé. Première équation à résoudre : où s’abriter ? Sur cette question, l’enseignante dit avoir approché une bonne volonté qui a cédé « gratuitement » un local. « Les enfants s’asseyaient par terre pour suivre les cours. C’était sur des nattes. Je leur ai aussi donné mes pagnes qu’ils étalaient pour s’asseoir. La journée c’est une salle de classe et la nuit c’est un dortoir », confie-t-elle.
Comment celle-là qui a bénéficié de 4 complets de pagnes de sa petite sœur pour s’habiller va-t-elle nourrir ses élèves devenus « ses enfants » ? « Je suis allée prendre une marmite avec ma mère. Après je suis allée acheter une marmite de 20 kg; le même jour, j’ai pris une bouteille de gaz de 12 kg, j’ai payé le nécessaire pour commencer la cuisine », raconte-t-elle. « Tout était à mes frais : les céréales, le bois, les condiments, etc. C’est moi qui faisais tout pour ces enfants. Je dépensais 1000 FCFA comme ration de condiments à midi, et 1000 FCFA le soir », explique-t-elle.
Mais, avec ses 23 élèves de CM1 et ses 44 autres du CM2, la désormais « mère » de ces enfants était consciente que ce n’était toujours pas suffisant. Kotimi Ouedraogo a, par la suite, acheté une autre marmite de 30kg et organisé ses élèves pour qu’ils commencent à préparer le riz ou le tô… Ce manège a duré « pratiquement plus de 2 mois » et la nouvelle mère des enfants dont la plupart ont perdu leurs parents dans l’attaque, s’occupait d’eux « sans aucun soutien ». « Malgré ma situation, j’étais obligée de leur venir en aide en attendant », lâche-t-elle à ce propos.
C’est donc par la suite que l’Action sociale a réagi avec « du riz, un carton de sucre, deux cartons de savons, des couvertures et nattes », puis des institutions comme le Programme alimentaire mondial (PAM) avec du riz et de l’huile. Mme Ouédraogo remercie également sa hiérarchie et ses collègues pour les encouragements de tout genre, qui lui ont permis d’aller jusqu’au bout avec ses élèves.
Dans la noblesse de son combat, notre interviewée dit avoir bénéficié du soutien de ressortissants du village de Robolo en vivres et parfois avec des médicaments pour les soins des enfants. De même, elle reconnaît avoir été assistée par des parents des élèves. « Il y a même eu 2 parents qui se sont portés volontaires pour venir rester avec les enfants les nuits souvent. D’autres femmes déplacées nous ont également, volontairement, rejoints, faisant la cuisine pendant que nous sommes en cours », les a-t-elle remerciés. C’était un début difficile pour cette nouvelle famille. A noter qu’en plus de ses propres élèves, Kotimi Ouédraogo a pris sous son aile des élèves d’une autre école de Ouindiguin.
« D’autres (élèves) sont arrivés avec leur maman qui les ont envoyés dans des maisons pour travailler afin d’avoir 5 000 FCFA ou 6 000 FCFA à la fin du mois. Quand j’ai commencé les cours, j’ai dit non. Vous ne pouvez pas envoyer des enfants censés faire le Cours moyen 2e année (CM2) pour travailler dans les maisons ou faire la mécanique (pour les garçons). J’ai jugé nécessaire de les faire venir pour se joindre à mes élèves pour qu’on puisse continuer les cours », nous a-t-elle confié. Mais pourquoi un tel attachement envers aux enfants ?
Pour notre enseignante, il n’était point question d’abandonner ces enfants « au risque qu’ils rejoignent les groupes terroristes ». « Je les ai pris comme si c’était mes propres enfants. J’ai fait ça pour moi-même », a-t-elle avoué. Et pourtant, elle admet: « j’étais moi-même traumatisée. Les enfants aussi ». A ce propos, elle révèle par exemple que ces survivants de l’attaque du 12 décembre sursautaient quand un vent fort claquait la porte. « Je les rassurais qu’on était en sécurité et que rien ne les arrivera. » Pour elle, « une personne qui n’a pas vécu la même situation que ces enfants (élèves déplacés) ne pouvait pas les comprendre ». C’est ainsi que Mme Ouedraogo a pris ses responsabilités. Et malgré cela, celle-là qu’on peut considérer comme une héroïne de l’éducation, n’a pas échappé aux calomnies de ceux-là qui la traitaient de « folle ».
Vidéo – Kotimi Ouédraogo contre vents et marée, accusations et calomnies, a pu atteindre ses objectifs…
« A vaincre sans peril, on triomphe sans gloire«
Fort heureusement, ces enfants lui ont bien rendu sa gentillesse. « Les enfants sont vraiment bien sages. Ils m’écoutaient. Ils ne se frappaient pas, ils ne volaient pas… ! », lâche-t-elle avec un brin de satisfaction. « Je ne voulais pas voir les larmes d’un seul enfant parce qu’il n’a pas réussi à son CEP. J’ai mis toute mon énergie et Dieu merci, je ne suis pas tombée malade durant tout ce temps… », s’est confessée notre interlocutrice qui précise que les cours étaient programmés « du lundi au dimanche. » C’est seulement les dimanches soir que les élèves disposaient pour la lessive et les révisions pour le lundi.
Les élèves qui semblaient conscients de tous ces efforts, ont mis en place l’intelligence qu’il fallait pour rendre fière leur « mère ». « Ils sont solidaires », est satisfaite Kotimi Ouedraogo. « Quand le niveau d’un d’entre eux baissait, il me suffisait de lui parler sagement et à l’évaluation prochaine, il s’améliore », retrace-t-elle agréablement. Par exemple, au premier examen blanc, Mme Ouedraogo a fait un taux de succès de « 83,76 % » avant de performer au second examen blanc à « plus de 93 % », soit 3 élèves recalés avec chacun 83,5 points. « Donc, je savais que s’il plaisait à Dieu tout le monde allait réussir! ». Elle n’a pas eu tort!
« A vaincre sans peril, triomphe sans gloire », disait Pierre Corneille. Et bien, Mme Ouedraogo a triomphé de la plus belle manière avec le score de 100% au CEP alors qu’elle tenait également une autre classe de CM1, des élèves déplacés en plus. « Dieu merci, les résultats finaux ont été bons ! », s’est-elle rejouie.
« Que Dieu bénisse tous le monde et donne la santé aux parents pour qu’ils puissent prendre soin des enfants et que la paix revienne au Faso pour qu’on puisse retourner dans notre vie normale », a souhaité celle-là dont l’amour pour les enfants n’est plus à démontrer, avec le regard tourné vers l’avenir de ses protégés et les défis à venir. A ce propos, l’amazone de l’éducation à lancé un cri de cœur à toute personne, aux bonnes volontés, de venir en aide aux enfants qui doivent aller en 6e, pour que leurs efforts ne restent pas vains. Elle a aussi plaidé pour un accompagnement de ses 23 élèves de CM1 qui doivent faire le CEP l’année prochaine afin qu’ils ne partent pas dans la rue.
Pour information, Kotimi Ouédraogo a présenté 44 élèves déplacés internes cette année au CEP. Ils ont tous été admis.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf
Tout ce long message sans dire le nombre d’élèves.
En plus 100% ou on a présenté les mauvais élèves en candidats libres.
Pardon laisser nous un peu.
DETERMINATION FAROUCHE A SALUER POUR CETTE COMBATTANTE A QUI NOUS SOUHAITONS BEAUCOUP DE SANTE, COURAGE ET SUCCES DANS SA CARRIERE. QUE CET ENGAGEMENT SOIT COURONNE DE DECORATION!!
Toujours Dieu pouvoi aux moyens nécessaires pour que ses efforts au cours de cette année ne soient pas vains afin que sa joie soit parfaite dans sa détermination ! Santé de fer à elle et que la grâce divine la localise en tout lieu et en tout temps pour que les années futures soient meilleures. Bravoure félicitation et merci à la vaillante et battante mère !
Elle mérite un soutien de grand envergure. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités envue de venir en aide a cette dernière ainsi qu’à ses élèves. Pourquoi pas les prendre en charge pour la poursuite de leur étude