Le 1er octobre 2018, les jeunes déplacés internes de la commune de Zimtanga qui s’étaient réfugiés à kongoussi après des incursions terroristes dans leur localité, exaspérés par leur condition de vie difficile, appelaient leurs parents à replier au fief pour une résistance populaire. Le mouvement a été soutenu le 5 octobre de l’année avec le lancement de la résistance populaire du Bam au rond-point central de Kongoussi. Récit de la chute d’un village résistant.
De l’engagement pour sauver Zimtanga des mains de ces groupes armés, il y en a eu. Mieux, il y a eu un engouement et une organisation exceptionnelle autour de l’initiative de la jeunesse de la commune. C’est une initiative qui a eu la bénédiction du président du Faso et du gouvernement. La loi sur l’institution de recrutement de Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) a été votée à l’unanimité par l’assemblée nationale le 21 janvier 2020, pour une mobilisation générale des populations contre l’hydre terroriste qui tendait ses tentacules dans plusieurs régions du pays. Mais avant cette promulgation de la loi, des populations s’étaient mobilisées pour organiser la résistance. C’est le cas de Zimtanga. Cette résistance, appuyée de l’aide de l’armée, avait fait revenir la paix.
L’accalmie dans la zone a convaincu plusieurs déplacés de la localité à regagner leurs domiciles. En fin 2019, la vie avait repris à Zimtanga. Du jardinage en passant par les activités champêtres, récréatives et ménagères, tout allait bien même si des gens veillaient des jours et des nuits pour assurer la sécurité des populations. Cette assurance a permis également le retour de l’administration et la réouverture des établissements scolaires.
À plusieurs reprises, les résistants de Zimtanga ont répoussé des attaques d’hommes armés dans la zone. Ils ont eu des victoires sur le terrain, seuls ou lors des patrouilles mixtes avec le détachement de Namissiguima. Depuis longtemps, la résistance de Zimtanga a toujours troublé le sommeil des assaillants qui voient leur progression sapée à tout moment.
Le mythe de la résistance ébranlé
Le 22 décembre 2021, le village de Toéssin a été attaqué. Situé non loin de la position avancée des volontaires basés à Kanrgo, ceux-ci se livrent aux combats contre les hommes armés. Au regard de la supériorité numérique et de la puissance de feu des assaillants, un renfort de l’armée a été vainement demandé par les VDP. Après vingt quatre heures de durs affrontements, un avion de combat survole le théâtre des opérations autour de onze heures trente minutes.
Les habitants de Toéssin déjà en déplacement sur Kanrgo, les villages environnants et les résistants ont vu venir le vent de la libération. À la grande surprise des observateurs, l’avion rebourse chemin sans action. Les assaillants galvanisés envoient une colonne de renfort. C’est parti alors pour de nouveaux combats entre les assaillants et les VDP. Surplombés par la force de frappe de l’ennemi, les volontaires replient à la base de Kanrgo. Mais, a l’arrivée, cinq personnes manquaient à l’appel. Les demandes de renforts se sont multipliées. Pas de présence de l’armée jusqu’au 23 décembre dans la soirée.
Les terroristes ont rejoint les résistants à Kanrgo. Le combat continue. Un deuxième survol d’un avion de combat demande aux volontaires d’abandonner leur position stratégique à l’entrée nord de Kanrgo pour qu’il puisse opérer des frappes. Ce qui a été fait. La déception sera grande lorsque l’engin volant repart pour une deuxième fois sans gémir. Gonflés à bloc, les terroristes profitent de cette aubaine pour occuper la position stratégique des volontaires qui ont tenté en vain d’y accéder. Une autre colonne vient renforcer les groupes armés terroristes.
Du côté des résistants, le moral est tombé. Cependant, il faut éviter le pire. Les VDP somment les familles de quitter Kanrgo dans les minutes qui suivent pour rejoindre Zimtanga. C’est le sauve qui peut. Vont-ils bouger avec quelque chose ? Sauf ceux qui avaient pu ranger leurs affaires pourront le faire peut-être. Les volontaires qui travaillaient à sauver l’essentiel manquent de munitions. Ils battent en retraite et abandonnent Kanrgo à la merci des terroristes. Kanrgo est tombé le 23 décembre autour de dix-huit heures. Les assaillants y ont fêté le réveillon de Noël.
La saignée humaine de Zimtanga
Faut-il prendre refuge à Zimtanga situé à seulement cinq kilomètres de Kanrgo comme l’ont suggéré les braves volontaires? C’est la question qui taraudait les esprits de plusieurs personnes en fuite. Cette question ne valait pas la peine puisque beaucoup de familles de Zimtanga, en les voyant venir, ont également commencé à déserter les lieux. La rive du lac Bam est bondée de monde qui veut traverser pour rallier le plus tôt possible Kongoussi, capitale de la province du Bam. Durant toute la nuit du 23 décembre, les baraques des pêcheurs ont flotté. Pas pour pêcher du poisson mais pour sauver des âmes en détresse.
Aussi, le ralliement de Kongoussi se passe sur l’axe principal. Des piétons, des charretiers, des cyclistes, des motocyclistes, des triporteurs, des véhicules, bref, chacun selon ses moyens tentait de rallier la ville avec ce qu’il peut emporter comme bagage. En quarante huit heures, les deux tiers (2/3) du chef lieu de la commune de Zimtanga sont désertes.
Des corps des résistants abandonnés dans la nature?
« Je suis sûr de la mort d’un des nôtres. Cependant, les quatre autres portés disparus sont probablement morts. Sinon il n’y avait qu’une seule direction à prendre lors du répli. S’ils sont toujours introuvables, ils sont morts », pense un VDP, membre du groupe. Il poursuit en confiant : « depuis l’attaque de Toéssin nous avons demandé un renfort en vain. Nous avons perdu cinq de nos éléments. Depuis le 24 jusqu’à ce 27 décembre nous avons demandé un ratissage pour que nous puissions enlever les corps de nos éléments pour proceder à l’inhumation sans succès. Leurs cadavres sont sûrement à la merci des charognards et autres animaux voraces », a regretté notre interlocuteur avec un air complètement déconcerté.
Visiblement remonté, il poursuit: « si l’armée est contre l’implication des volontaires dans la lutte, qu’on nous dise clairement. Sinon comment comprendre que Zimtanga soit entouré de plusieurs détachements (militaires) pour que cela puisse arriver? ».
Dépassé par la situation de son canton, Sa Majesté Naaba Tigré du Ratenga interpelle les autorités du pays. « Nous attendons vraiment que les autorités nous viennent au secours. Nous avons lancé un appel et nous espérons qu’elles vont entendre notre cri de cœur « , a laissé entendre le premier responsable du canton. Il a également souhaité l’implantation d’une base militaire dans la zone qui est devenue la cible des groupes armés terroristes depuis 2018.
Dans la foulée, la ville de Kongoussi et les villages environnants ont reçu un nombre important de déplacés internes. C’est dans le froid d’une ville bordée d’un lac que plusieurs familles sans abris doivent séjourner en attendant une prise en charge.
Jacques Sawadogo (Correspondant)
Minute.bf
Monsieur le Président, nous voulons une explication ?