Ils sont nombreux ces hommes mariés qui portent aide et assistance à leurs épouses, dans les différents centres de composition des concours directs de la Fonction publique burkinabè. En cette période de compétition, des hommes se sont illustrés par leur disponibilité à accompagner leurs bien-aimées, en jouant le rôle de nounous et de baby-sitters. Chaque jour, matin et soir, ils suivent leurs épouses dans les centres de composition afin de s’occuper des bébés pendant les heures de la composition. Au centre du Complexe scolaire Bangre Yiguia à Ouagadougou, Minute.bf a rencontré, le mardi 20 août 2024, ces hommes devenus des nourrices pour la circonstance. Reportage !
« Le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire », a-t-on coutume d’entendre. Cette philosophie populaire trouve tout son intérêt en cette période de composition des concours directs de la Fonction publique.
En effet, il est fréquent de voir des hommes jouant le rôle de « nounou » durant la phase de composition des Concours directs de la Fonction publique. Ces hommes ne ménagent aucun effort pour s’occuper de leur bébé pendant que l’épouse « noircit » les cases des réponses dans les salles de composition.
Devenir baby-sitter par le concours des événements, disent-ils, n’affecte en rien leur statut d’homme. Au contraire, faire le baby-sitting, selon certains, c’est se montrer solidaire envers sa moitié.
C’est ce que nous a confié le Professeur certifié des Lycées et Collèges, Nicolas Sinaré. Pour lui s’occuper de son enfant, pendant que sa mère tente sa chance pour intégrer la Fonction publique est une forme de prolongation de la solidarité dans le foyer. Il s’agit, pense-t-il, d’un soutien à même de booster l’épouse à se donner à fond. « Le soutien que j’apporte actuellement à ma femme, c’est un soutien moral, physique et psychologique, parce qu’elle en a besoin. Souvent, je lui apporte des explications sur certaines choses afin qu’elle puisse comprendre certaines questions et y répondre aisément si de telles questions sont posées », a-t-il déclaré.
Pour M. Sinaré, garder son enfant pendant environ 2 heures de temps permet de « communier avec lui ». « Moi, je suis le premier d’une famille, et j’ai eu 6 frères et sœurs. Comme je suis né au village, depuis que j’étais tout petit, je tenais mes petits frères pour que la maman puisse vaquer à certaines tâches ménagères. Cela a fait que je suis un peu habitué. Donc tenir mon enfant surtout le premier, c’est un sentiment de joie », s’est-il rappelé tout souriant.
Comme lui, l’économiste planificateur, Denis Dakouo, en plus de garder son enfant, joue également le rôle d’encadreur de son épouse. Motivé à être un soutien à sa femme, il confie : « le fait déjà d’accompagner madame pour venir composer est le premier soutien élémentaire. Ça permet de rehausser son moral et de la reconditionner dans un état assez stable, bien disposé pour pouvoir composer les concours. Je m’essaie souvent à la former, à l’appuyer avec un certain nombre d’informations dont elle ne dispose pas ».
Toutefois, il a expliqué que cette situation s’est imposée à lui. En effet, postulant que « ce n’est pas dans l’habitude des hommes de garder les enfants », il a fait remarquer qu’ « aujourd’hui avec la scolarisation qui est assez élevée, il est difficile d’avoir des nourrissons ou des gens qui peuvent veiller sur les enfants ». « De nos jours, trouver un enfant pour venir travailler chez soi, je vous assure que ce n’est point facile. Donc, souvent, on se dit, on va faire avec même si ce n’est pas en permanence, de façon temporaire, spontanée, on décide d’assurer ce rôle de baby-sitter. C’est juste une situation qui oblige qu’on le fasse », a fait remarquer M. Dakouo.
« La féodalité est caduque…»
Si pour certains, au nom des raisons religieuses, n’admettent pas le travail de la femme, ce n’est pas le cas chez Nicolas Sinaré et Denis Dakouo.
Pour M. Sinaré, par exemple, ni sa religion ni sa culture ne condamnent le travail de la femme. Et pour soutenir son argumentaire, le professeur certifié des Lycées et Collèges cite la tradition africaine qui reconnaît le droit du travail à la femme. À l’entendre, empêcher sa femme de travailler, c’est banaliser l’effort de ses parents dans sa scolarité. « Chez-moi, ce n’est pas un souci de laisser travailler ma femme. Ma religion n’interdit pas le travail de la femme. Ses parents ont payé ses frais de scolarité, elle a atteint un certain niveau. Par la force des choses, nous nous sommes rencontrés et aujourd’hui, nous sommes ensemble. Je ne peux pas interdire à quelqu’un qui avait déjà une ambition que je suis allé épouser, de renoncer à la suite de ses études. Non ! Je ne peux pas. Tout ce que je peux faire, c’est de la soutenir », s’est-il exprimé.
Dans ce sens, M. Sinaré précise que son opinion ne saurait être un jugement pour ceux qui partagent l’idée que l’autre moitié du ciel ne devrait pas travailler. « Je ne peux pas les blâmer, je ne peux pas aussi juger les personnes qui le disent parce que pour certains, c’est leur culture ou leur tradition qui ne permettent pas que la femme travaille. C’est leur religion. Mais à ma connaissance, nos mamans au village travaillent, elles partent souvent même dans les champs du mari avant d’aller dans leurs propres champs le soir. Il y a en aussi qui trouvent qu’ils ont les moyens et que c’est à eux de prendre tout en charge, c’est leur libre choix », a-t-il précisé dans son propos.
Abordant la question de la féodalité, Nicolas Sinaré, a laissé entendre que le monde de nos jours va à une vitesse supérieure. Pour lui, l’on devrait s’adapter aux mutations actuelles. Il estime qu’il y a des pratiques dépaysées qu’il faut passer sous silence : la féodalité. « Même Thomas Sankara le disait. C’est quoi d’abord la féodalité ? Quelle définition les gens donnent-ils à la féodalité ? Nous sommes actuellement dans un monde où on parle d’idées progressistes, il faut qu’on arrive à progresser, à dépasser certaines barrières. Il y a ce qu’on raconte au milieu des gens. Et il y a également la réalité de la vie qui nous rattrape. Sinon moi actuellement, je trouve que la féodalité est caduque, il faut dépasser cela », a tranché l’enseignant des Lycées et Collèges.
Dans le même sens, pour l’économiste-planificateur, Denis Dakouo, le travail de la femme n’est pas à négocier, c’est un droit et à la fois un devoir pour toute personne d’avoir une occupation. Pour lui, laisser la femme travailler permet non seulement d’équilibrer les charges du foyer, de la famille, mais aussi de pacifier et d’harmoniser la société en général.
Cependant, il a fait remarquer que c’est pour des raisons idéologiques où de leadership que d’autres empêchent la femme de travailler. « Ceux qui disent que la femme ne doit pas travailler, selon leur idéologie, c’est une manière de dominer totalement la femme. Pour certains, si la femme travaille et accède à une certaine autonomie, il y aura une crise de leadership dans le foyer. Elle ne va plus jouer son rôle de femme soumise. Or, en famille, ce n’est pas une question de domination, mais une question d’entraide. C’est une manière d’organiser la société », pense-t-il. Enfin, Denis Dakouo dit ne pas être un partisan du féodalisme, car cela n’a aucune plus-value pour la société. « Moi, je n’encourage pas le féodalisme parce que je trouve que ça n’apporte en rien une valeur ajoutée à notre société », a-t-il conclu.
En rappel, les compositions aux concours directs de la Fonction publique, se sont déroulées du 10 au 22 août 2024 dans les 13 chefs-lieux de région. A l’issue des inscriptions sur la plateforme e-concours, ce sont au total, plus de 2 millions de candidatures qui ont été enregistrées pour un total de 5 111 postes à pourvoir au titre de l’année 2024.
Jean-François SOME
Minute.bf