L’apparition du coronavirus depuis le 9 mars au Burkina Faso a été un grand coup dur pour les Burkinabè. Comment faire pour stopper ce virus qui a déjà fait des milliers de morts en Chine, en Europe et aux Etats-Unis, malgré la qualité des soins qu’ils offrent aux différents patients ? C’était la principale équation à résoudre par les autorités burkinabè. Ainsi, pour endiguer la propagation du virus, le président du Faso, dans son premier discours à la nation le 20 mars dernier, a pris toute une batterie de mesures, invitant les populations au respect stricte des mesures édictées par le l’Organisation mondiale de la santé. Mais comment vivent les habitants de la zone non lotie de Pazani avec ces mesures ? Une équipe de Minute.bf y a fait un tour le 2 avril 2020. Reportage !
Les zones non-loties sont connues pour leur concentration des populations. La circulation est difficile à véhicule mais un peu facile à moto. C’est une zone qui est loin d’être coi. Les discussions des populations bruissaient. Quid de la mesure de distanciation demandée par le président du Faso pour lutter contre le virus ? A l’entrée de la zone non lotie, nous nous heurtons à des étals de certaines vendeuses de légumes. Même si la mairie a pu fermer le marché qui grouillait autrefois de monde, force est de reconnaitre que certaines femmes n’ont pas pu s’empêcher de sortir à la recherche de leur pitance quotidienne. Awa est une vendeuse de légume, veuve, mère de 5 enfants dont 3 garçons et deux filles. « Je ne suis pas sorti vendre parce que je m’en fou des mesures prises par les autorités contre la maladie. Si je suis sorti, c’est pour avoir quelque chose pour nourrir mes enfants. J’ai perdu mon mari l’année surpassée. C’est moi qui devrais me battre pour soutenir mes enfants. Et c’est dans la vente des légumes que je gagne quelque chose pour nourrir mes enfants », se justifie-t-elle.
Pour rappel, le 26 mars dernier, le maire de Ouagadougou avait ordonné la fermeture de 36 marchés et yaars pour éviter les grands rassemblements, source d’une contamination facile du virus. Depuis ce jour, les commerçants ont multiplié les dénonciations de ces mesures qui, à les entendre, ont été prises sans concertation avec les personnes concernées. Les commerçants ont donc demandé des mesures d’accompagnement. Un cri de cœur qui a été entendu par le président du Faso qui, dans son adresse à la nation le 2 avril 2020, a annoncé, au titre des marchés et yaars fermés, pour la période d’avril à juin 2020, de la suspension des loyers, la suspension des droits de place, la prise en charge des factures d’eau en d’électricité, le don de vivres aux personnes vulnérables des marchés et Yaars fermés à travers leurs faitières, la gratuité des stationnement pour les taxis. Mais en attendant la concrétisation de ces mesures sur le terrain, Awa et ses enfants devraient vivre. C’est cet instinct de survie, dit-elle, qui la pousse dehors, à vendre les légumes pour soutenir ses enfants. Au pied du château d’eau de l’ONEA qui fait frontière entre la zone lotie et celle non lotie, le constat que l’on pouvait faire, est que toutes les marchandes avaient pris des dispositions entrant dans le cadre de la lutte contre la propagation du covid-19. Elles avaient porté des bavettes et des gants et avaient même au bout des lèvres le nom de ce virus qui a déjà fait 18 morts au Burkina Faso, à la date du 5 avril 2020.
Incursion dans la zone non lotie
La zone non lotie est concentrée de monde. Les habitations sont beaucoup serrées les unes contre les autres. C’est un autre monde. Au Kiosque de Issouf, les clients matinaux devisaient sur plusieurs sujets. Mais le coronavirus était la pierre angulaire de toutes les discussions. Comment faire pour éradiquer cette maladie ? Pourquoi les autorités municipales ne font pas de sensibilisation dans ces zones pourtant concentrées de populations, où le risque de contamination est très élevé ? Telles étaient des questions que se posaient ces habitants. Tous disent avoir entendu parler de la maladie et des différentes mesures à prendre pour l’éradiquer. « Nous nous lavons les mains, nous portons le cache-nez et nous respectons la distance d’un mètre », nous a fait savoir Boukaré Sawadogo, habitant de la zone non lotie. Mais en plus des mesures à prendre pour endiguer la propagation virus, Bréhimann Ouédraogo dit Boukré, un autre habitant de la zone non lotie, souhaite une sensibilisation présentielle des autorités municipales dans la zone lotie. La présence de ces autorités, pense-t-il, pourrait être un message fort donné aux populations qui sont souvent coupées de la vraie information. « Les gens écoutent les messages à la radio et suivent à la télé, mais l’adresse directe des autorités municipales aux populations va montrer le sérieux qu’il y a dans cette lutte contre le Covid-19 », a-t-il détaillé.
Sali Ouédraogo, était en train de couper la viande pour la soupe du déjeuner. Pour ce qui est des mesures de luttes contre le covid-19, cette restauratrice dit n’y avoir jamais entendu parler. Nous lui faisons une brève sensibilisation. Ainsi, accepte-t-elle, dès ce jour, de se procurer les kits pour emballer les repas pour ses clients, et de lave-mains pour leur permettre de se désinfecter les mains régulièrement.
Les cabarets et la riposte contre le Covid-19
Plus loin, nous apercevons un cabaret de ‘Tipoko’. Ce cabaret grouillait du monde. Les clients se perdaient dans des discussions interminables et se ressassaient. Coincés dans une maisonnette de quelques 6 tôles, les clients de Tipoko faisaient un procès des actes causés par le coronavirus dans le monde entier en général et au Burkina Faso en particulier. Chacun donnait son opinion sur le sujet. Si pour certains c’est une maladie qui tue plus les Blancs, pour d’autres c’est une simple maladie qui se rencontre le plus souvent dans les sites d’orpaillage où la poussière et l’insalubrité se côtoient. Ils l’appelaient « Fonhéré », en langue Mooré. Une maladie respiratoire. Pour une autre catégorie de populations, c’est une maladie à prendre très au sérieux, au regard de sa létalité incontestable. Déjà 18 morts au Burkina Faso, à la date du 5 avril 2020 et environ 40 000 morts en Europe. Mais les clients de Tipoko ne montrent aucune bonne manière de protection. Pis, dans les différentes discussions, certains vociféraient pour se faire entendre alors qu’ils ne sont même pas protégés. La responsable de ce cabaret nous a quand même assuré que des dispositions seront prises dans de meilleurs délais pour protéger ses clients et protéger les autres habitants.
La borne fontaine, un autre point de rassemblement
A la borne fontaine de la zone non lotie, nous avons rencontré plusieurs femmes et filles qui se battaient pour avoir le précieux liquide bleu. Même si dans les mesures à prendre pour endiguer la propagation il est recommandé d’éviter les rassemblements, ces femmes ne savent plus où mettre la tête. La fontaine d’eau était bondée de monde et les femmes se disputaient farouchement pour être servies. Cette denrée rare dans la zone non lotie n’est disponible en grande quantité que très tard dans la nuit. Dès le matin, la pression baisse et les barriques d’eaux disposées à perte de vue ne recevront pas facilement une goutte d’eau. Pourtant, avec le couvre-feu décrété par le président du Faso de 19h à 5h du matin, il est difficile pour ces femmes de bénéficier facilement de rester tard dehors.
« Nous voulons éviter le rassemblement mais il nous faut de l’eau… », a soutenu Madame Belem, qui a appelé le gouvernement à jeter un regard sur les zones non loties afin d’alléger la souffrance des femmes qui y vivent. La subvention de l’eau par le gouvernement en cette période du Covid-19 est bien, mais sa disponibilité compte plus, a-t-elle poursuivi.
Vidéo-Dans cette vidéo ci-dessous, ces femmes expliquent leur calvaire.
Armand Kinda
Minute.bf