Parmi les mesures de lutte contre la propagation du Covid-19, le Gouverneur de la région du Centre, Sibiri de Issa Ouédraogo a décidé de la « fermeture des gros marchés et Yaars » pour la période du 25 mars au 20 avril 2020. Diversement appréciée par l’opinion, cette mesure ne passe pas facilement chez les commerçants du marché de la Cité An 2.
Aujourd’hui, 26 mars, jour de l’application de la mesure de fermeture des gros marchés et yaars (selon les récentes mesures prises par le Maire de Ouagadougou), les forces de l’ordre ont dû se déporter au marché de la Cité An 2 pour mettre fin aux activités de certains commerçants qui outrepassaient cette mesure pour continuer la vente de leurs produits. Pour mieux comprendre la situation, une équipe de Minute.bf s’est rendue sur les lieux.
A notre arrivée aux environs de 10h, les forces de l’ordre avaient déjà quitté les lieux et les commerçants entre eux, discutaient de leurs inquiétudes.
Des commerçants dénoncent une mesure politicienne
Entre leurs pertes et la complication de la situation liée au Covid-19, les commerçants dénonçaient les mesures de l’exécutif prises sans grande consultation des premiers concernés.
« J’étais à la maison quand la Direction de la police m’a appelé pour me signifier que ses éléments ont fait le constat que le marché de la Cité An 2 n’est pas fermé. Ainsi, m’a-t-il invité à œuvrer au respect de la mesure. Il est vrai que c’est une question de santé publique et l’objectif est de faire en sorte que les commerçants ne contaminent pas les acheteurs et vice-versa, mais pour une telle décision, il faut associer les principaux concernés. J’estime que si l’on m’a approché, c’est parce que je suis le représentant du marché. Malheureusement je n’ai pas été associé à la prise de cette mesure », a expliqué le Yipelse Raag naaba Sanem. De l’avis de ce dernier, l’on pouvait privilégier d’autres moyens de lutte plutôt que la fermeture des marchés.
En effet, le Raag naaba Sanem propose en lieu et place de la fermeture des marchés, « de voir avec les agents de santé, comment instruire les commerçants et les acheteurs à s’habiller avec le kit de protection qu’il faut (bavettes, gants, utilisation de gels hydro-alcooliques…) ». « La direction de la police m’a fait savoir que les commerçants ont été associés pour prendre la décision mais je l’ai rétorqué que je n’ai pas été invité alors que notre marché est le plus grand fournisseur de légumes dans la capitale », a-t-il ajouté.
A entendre le chef du marché, « ce ne sont pas des commerçants qu’ils ont associés pour prendre la décision mais plutôt des politiciens ». « Autant la signature d’un retraité n’est pas valable dans le fonctionnement de l’Etat, une personne qui ne vend plus, qui s’est lancé dans la politique ne peut pas parler au nom des commerçants », fustige-il.
Risque de décomposition de produits et insécurité
Autre souci relevé par les commerçants du marché de la Cité AN2, c’est la sécurité de leurs marchandises. Organisés autour de leur représentant, le Raag naaba, les commerçants ont une cotisation mensuelle qui permet de payer des agents qui sécurisent leurs marchandises. « Si le marché doit être fermé, nous invitons les autorités à prendre des mesures pour la sécurisation de nos marchandises », a lancé Moustapha Ouédraogo, chargeur dans le marché, qui suggère au gouvernement, « l’ouverture partielle du marché juste un petit moment dans la matinée », avant sa fermeture à une certaine heure. Cette décision de fermer totalement les marchés pour environ un mois, de son avis, ne fera que compliquer les choses car, argumente-t-il, « si vous tombez malade, le paracétamol ne se donne pas gratuitement, ça s’achète ».
Quant aux vendeuses de légumes et autres produits périssables, la grosse équation à résoudre reste comment écouler ces produits à temps. « C’est dans ce commerce que nous arrivons à prendre en charge nos familles. Nos fournisseurs aussi ont besoin d’être payés. Avec tout cela, c’est ce chagrin qui risque de nous emporter avant la maladie », se plaint Rakieta Nikiema, également vendeuse de légumes au marché de la Cité An 2.
Même sentiment chez Élizabeth Bouda, vendeuse d’oignons qui confie avoir déjà subi les revers de la situation. « J’ai fait vider un stock d’oignons pourris rien qu’hier et le restant risque de subir le même sort si le marché est fermé », a-t-elle déploré. Pour cela, souhaite-t-elle que les autorités imposent plutôt le port des bavettes et des gants aussi bien aux clients qu’aux commerçants. A l’entendre, les commerçants avaient déjà adopté des mesures de prévention pour lutter contre la maladie. Elle confie d’ailleurs que depuis l’apparition du Covid-19, les commerçants ne se serrent plus les mains comme d’habitude, pour éviter la propagation maladie.
Tout en reconnaissant la nécessité de respecter la mesure, l’éternelle inquiétude des commerçantes reste comment survivre au Burkina Faso si l’on ne travaille pas. « Si nous ne bougeons pas, nos familles ne mangeront plus et nous risquons de mourir avant que la maladie ne nous emporte. Nous demandons au gouvernement de nous autoriser à vendre chaque matin jusqu’à 9h ou 10h avant de fermer », a plaidé Samira Tapsoba, également vendeuse de légumes.
En rappel, le Gouverneur de la Région du Centre dans un communiqué le 23 mars dernier, ordonnait la fermeture des gros marchés et yaars, du 25 mars au 20 avril prochain afin de limiter la propagation du Covid-19. En mis semaine, le maire de la capitale burkinabè, Armand Pïerre Béouindé, de concert avec les commerçants, avait décidé de la fermeture de plusieurs marchés et yaars à Ouagadougou, pour éviter les grands rassemblement qui pourraient faciliter la propagation de la maladie.
Le Covid-19 a fait des milliers de morts dans le monde entier. Plus de 3 milliards de personnes sont contraintes aujourd’hui au confinement. Le virus a déjà fait 7 morts sur 152 cas confirmés au Burkina Faso. Aussi, faut-il ajouter que les efforts des agents de santé ont permis de guérir 10 personnes de ce virus.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf