La crise au Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Des militants exigent aujourd’hui la démission du président du parti l’accusant de vouloir gérer le parti « comme sa propre entreprise ». Nous avons recueilli l’avis d’un activiste reconverti en politicien, aujourd’hui militant du parti de l’ancien président Blaise Compaoré. Mahamadi Ouédraogo, connu sous le pseudo Madi de Gounghin, puisse qu’il s’agit de lui, n’est pas passé par quatre chemins pour fustiger ses camarades militants qu’ils accusent aujourd’hui d’être des « illettrés politiques ». Outre la situation dans son parti, il est intervenu sur plusieurs points de l’actualité nationale dont nous vous proposons toute la teneur dans cet entretien qu’il a accordé à minute.bf le vendredi 21 juin 2019.
Minute.bf : De Madi de Gounghin à Madi de Eddy en passant par Madi de Gorba. Aujourd’hui, concrètement, comment pouvons-nous vous appeler ?
Madi de Eddy : Je suis Mahamadi Ouédraogo, connu sous le pseudo Madi de Gounghin ou Madi de Eddy. Voici de façon succincte, comment je m’appelle aujourd’hui.
Minute.bf : D’activiste hier à politicien aujourd’hui. Comment s’est faite la transition ?
L’activisme a énormément contribué au changement politique dans ce pays. Avant d’être aujourd’hui dans la politique nous avons milité dans la société civile où nous avons dénoncé la gestion de l’ancien président Blaise Compaoré qui se trouve aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Nous avons joué le rôle qui était le nôtre pour que ce changement tant attendu des Burkinabè puisse aujourd’hui s’opérer.
Pourquoi d’activiste à politique ? Il faut comprendre que, soit tu fais la politique, soit c’est la politique qui te fera. Moi j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai décidé de me lancer en politique pour accompagner le parti au pouvoir à l’époque.
Pourquoi je suis allé au MPP ? Nous étions apolitiques. Mais on nous a rassuré de venir parce que tous les maux que nous avons dénoncé pendant la gestion de Blaise Compaoré n’allaient plus se reproduire. Ils avaient fait leur mea culpa et ils nous avaient assurés qu’ils avaient changé. Nous avons cru et nous sommes allés, mais nous nous sommes rendu compte que les maux que nous dénoncions pendant la gestion de Blaise Compaoré réapparaissent sous des pires formes aujourd’hui. En réalité, rien n’a changé.
Minute.bf : Aujourd’hui vous semblez soutenir le président du CDP Eddy Komboïgo. Est-ce à dire que vous êtes légalement un membre du parti ?
Avant de revenir à votre question, je voudrais ici dire, qu’on le veuille ou non, Eddy Komboïgo est actuellement le président du CDP. Il a été désigné lors d’un congrès pour conduire le bateau (CDP) vers de bonnes destinées. Alors, le président Eddy Komboïgo est celui-là qui a été choisi par les militants du CDP, que ce soit ceux qui étaient pour ou encore ceux qui étaient contre.
Aujourd’hui je soutiens sa candidature même s’il ne l’a pas officiellement déclarée. C’est une manière pour nous de le pousser à être candidat. S’il décide d’être candidat à l’élection présidentielle de 2020, je le soutiendrai toujours parce que pour moi, c’est une personne qui me rassure et qui a une très bonne vision pour le Burkina Faso. Nous avons tendance à toujours penser que ce sont seulement ceux qui sont plongés dans la politique depuis belle lurette qui sont la solution pour le Burkina. Nous disons non. Il faut essayer aussi d’autres formules. Aux Etats-Unis, Donald Trump n’était pas un politicien mais aujourd’hui il défend les intérêts de l’Amérique. On peut prendre l’exemple du Bénin où le président Talon n’était pas un politicien auparavant. C’était un homme d’affaires comme Donald Trump. Mais aujourd’hui ils sont tous en train de couper les liens qui appauvrissaient leurs peuples.
Au Burkina Faso il nous faut aussi un homme d’ambition et convaincant, qui soit parti de rien pour arriver au sommet et qui veut conduire son pays à ce sommet. C’est de cet homme que nous voulons. Il faut que nous arrêtions de suivre des populistes. Il y a des gens qui sont là et qui ont bâti leur empire sur du populisme. Il faut qu’on quitte ce populisme. Le Burkina Faso a aujourd’hui besoin de concret, pas de populistes. Le temps du populisme est révolu. Aujourd’hui si le président Eddy Komboïgo décide d’être candidat, je puis vous assurer qu’il y a un travail qui sera fait pour l’accompagner.
Minute.bf : Est-ce que Madi de Eddy peut aujourd’hui nous assurer qu’il a la carte du CDP ?
Quand nous avons démissionné du MPP pour aller au CDP, nous avons bien été accueillis par les responsables du parti. Dire aujourd’hui que je n’ai pas la carte du parti, c’est insulter les responsables du CDP qui nous ont reçus au CDP. J’ai la carte du parti et ça ne suscite pas de débat.
Minute.bf : Qu’est-ce qui vous a conduit à la démission du MPP pour aller au CDP ?
Ce qui m’a poussé à la démission du MPP, je le dis et je le répète, quand vous faites une analyse diachronique de la situation du Burkina Faso, vous vous rendrez compte que c’est décevant. Regardez vous-mêmes, le nombre de scandales qui sont mis à nu aujourd’hui. Des gens qui avaient fait croire aux Burkinabè qu’ils avaient changés. Ils ont même fait leur mea culpa et nous les avons acceptés. Mais voyez-vous les pires formes de ces divers scandales qui persistent. Même sous Blaise Compaoré nous avons connu des scandales mais pas à de telle ampleur. Aujourd’hui on a la mal-gouvernance, le laxisme, le népotisme, la corruption, le blanchiment d’argent, etc.
Certains journalistes d’investigation ont mis à nu des scandales et ce sont des faits avérés. J’ai vu tous ces manquements venir et comme je ne veux pas être associé à cette forfaiture, j’ai décidé de prendre ma responsabilité et de quitter le parti. Si c’était même à refaire, je vais le refaire.
Minute.bf : Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous avez quitté le MPP pour aller au CDP juste par opportunisme ?
Vous pensez que je suis opportuniste ? Ceux qui le disent n’ont pas d’argument pour justifier leurs dires. Qui vous a dit que sous le MPP je ne gagnais pas ma vie ? J’ai une entreprise qui fonctionnait et j’avais des marchés. Il est vrai que ce n’était pas de grands marchés mais je gagnais ma vie. Moi j’ai démissionné parce que je ne me reconnaissais plus dans le MPP. Celui qui a été élu doit toujours tenir ses engagements envers les populations. Mais si ces engagements ne sont pas tenues, qu’allons-nous repartir dire aux populations qui nous ont fait confiance en votant le MPP ?
Aujourd’hui je suis avec le CDP. Mais demain si ce parti accède au pouvoir avec à sa tête le président Eddy Komboïgo et se lance dans cette même manœuvre dilatoire comme nous le constatons sous le MPP actuellement, je vous assure que je ramasserai mes clics et mes clacs, et je quitterai le parti pour aller, soit, dans un autre parti, soit m’engager encore dans la société civile et y rester définitivement.
Minute.bf : Quelle réaction avez-vous à faire à la démission du président Eddy Komboïgo réclamée par certains de vos camarades politiques ?
Il est regrettable aujourd’hui de voir de telles manœuvres aujourd’hui dans ce parti. Tous ceux qui sont en fronde, ce sont les mêmes personnes qui ont tenu des propos révoltants qui ont conduit à l’insurrection d’octobre 2014.
Le président Eddy Komboïgo a été élu pour un mandat de 3 ans. Comment des gens qui n’ont pas de leçon à donner à quelqu’un se lèvent pour demander la démission d’un président qui a été élu pendant des primaires ? Je pense qu’il est de leur intérêt de mettre balle à terre. S’ils n’ont pas pu renverser le président Eddy pendant les primaires, qu’ils attendent à la fin de son mandat en 2021 pour manifester. Et si en 2021 le président décide de se représenter et qu’il gagne encore, qu’ils subissent jusqu’à la fin de son mandat. Pour ma part, je pense que, soit ces gens-là se mettent dans les rangs, soit ils restent à l’écart et c’est à la direction du parti de prendre ses responsabilités et de les faire subir la rigueur des textes du parti.
Je pense que ces gens ont un ordre de mission bien précis. C’est de dynamiter le parti parce qu’aujourd’hui, toute l’opinion publique sait que le CDP est en train de vouloir revenir au pouvoir. Que ceux qui sont en train de pousser ces gens-là à vouloir dynamiter le parti sachent que ces dynamites qui sont en train d’être posés se retourneront contre eux.
Il n’est pas tard pour eux. Moi je les invite à rentrer dans les rangs pour qu’on conquiert le pouvoir d’Etat ensemble et qu’on puisse le gérer ensemble. Le président Eddy Komboïgo n’a même pas dit officiellement qu’il sera candidat. Pourquoi donc le combattre injustement alors qu’il n’a même pas déclaré sa candidature ? Ces gens ne font plus de la politique. C’est une sorcellerie déguisée (excusez-moi le terme).
Minute.bf : Quelle réaction faites-vous de l’actualité nationale ?
Sur le plan national, le plus rien ne sera comme avant n’existe pas. Tout est possible aujourd’hui pour nos dirigeants. Vous pouvez détourner des fonds, piller, corrompre, voler sans vous inquiéter tant que vous êtes dans le cercle des amis du président. Prenez le dernier cas de l’affaire sur le charbon fin estimé à plus de 300 milliards qui a été soulevée par un journaliste. Dans certains pays, ce ministre incriminé dans ce scandale serait exécuté. Mais comme chez nous ici ils sont dans un cercle, ils se protègent les uns les autres, rien ne se fait.
Moi je pense que le président du Faso doit s’assumer même si nous ne sommes pas souvent d’accord avec sa gouvernance. Aujourd’hui sa cote de popularité est en train de baisser et il pouvait faire remonter cette cote de popularité s’il prenait immédiatement des sanctions disciplinaires contre ce ministre.
Sur le plan national, quand vous écoutez aujourd’hui les dénonciations faites dans les médias, c’est à dire que rien ne va. La corruption, le népotisme, le vol, les pillages, sont revenus sur la pire des formes qu’on a connues de par le passé sous le régime de Blaise Compaoré. Je pense qu’il nous faut des dirigeants vraiment responsables, des dirigeants qui ont une vision pour le pays, qui connaissent la peine des Burkinabè. Aujourd’hui, sur tous les plans, rien ne va. Je pense que ces gens-là ne sont pas venus pour gouverner. Ils sont là pour se remplir les poches.
Minute.bf : Le vendredi 21 juin 2019, les députés ont adopté un texte qui doit recadrer les libertés de d’expression et de presse. Quelle est votre réaction?
Il est regrettable de voir l’adoption d’une telle loi par nos députés. Sous Blaise Compaoré, beaucoup d’entre eux n’étaient pas députés. Si Blaise avait fait pareil, beaucoup de personnes ne seraient pas députés aujourd’hui. Je pense que les jours à venir, c’est à l’opposition et à la société civile de sortir pour exprimer leur mécontentement.
Interview réalisée par Armand Kinda
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