La Convention des Organisations de la Société civile pour l’Observation domestique des Élections (CODEL) plaide pour une réhabilitation de la mine d’or de Kalsaka après la fin de l’exploitation en 2014. Pour ce faire, elle a organisé un atelier le mardi 13 avril 2021 à Ouagadougou avec des Organisations de la société civile (OSC) et des professionnels des médias, au cours duquel un film sur les conséquences de l’exploitation minière de Kalsaka a été projeté.
De 2008 à 2014, la commune de Kalsaka a connu une exploitation minière. Mais depuis 2014, rien n’a été fait en terme de réhabilitation de la mine comme cela est pourtant imposé par les textes. Pour mesurer l’ampleur « des dégâts causés par le passage de la mine parce que des dispositions n’ont pas été prises ou respectées », la CODEL a produit un film documentaire qui retrace les réalités du terrain. « C’est la désolation totale », résume un peu le Vice-président de la CODEL, Daniel Da Hien au regard des questions environnementales, sanitaires, sociales, d’accès à l’eau et à l’éducation engendrées par l’exploitation de la mine d’or de Kalsaka.
Concrètement, Adama Ouedraogo, le maire de Kalsaka, a indiqué que l’exploitation minière porte un coup dur sur les activités économiques de sa commune rurale qui repose essentiellement sur l’agriculture et l’élevage. A l’entendre, les produits chimiques utilisés pour l’extraction minière ont rendu les terres incultivables. « Sur certaines terres, l’herbe ne pousse plus pour le pâturage », a déploré M. Ouedraogo.
Sauf que le plus dure après le passage de la société minière Cluf Gold reste l’accès à l’eau, selon le maire de Kalsaka. « En 2019, sur les 3 forages que nous avons installés, les analyses ont révélé l’eau de deux forages impropre à la consommation. L’eau de l’un contient du cyanure et une forte teneur en fer pour l’autre », a décrié le bourgmestre, avant de choquer par ce propos : « nous savons que l’eau est impropre, mais nous la consommons quand même parce que nous n’avons pas d’autres choix. » Mais comment en est-on arrivé à là et qui sont les responsables de cette situation ?
Selon le maire de Kalsaka, la mine a pourtant mis en place le fonds de réhabilitation qui s’élève à 1 milliard 600 millions de FCFA pour réparer les dégâts après son passage. « Sauf que depuis 2014, l’argent est là, mais n’est pas utilisé », déplore le maire, qui invite le président du Faso à aider sa commune à rentrer en possession dudit fonds, et même à avoir d’autres financements pour lancer le processus de réhabilitation.
Qui de l’Etat ou des sociétés minières est responsable du calvaire des populations ?
L’Etat, c’est-à-dire populations et/ou autorités; les sociétés minières : les avis étaient partagés quand il a été question de situer les responsabilités au cours de l’atelier. Pour le journaliste Gabriel Kambou, l’Etat est le responsable de cette situation et par État, il entend « les autorités », car ce sont elles « les décideurs ». « Quand on dit l’Etat c’est nous, personne n’est responsable et moi je n’ai jamais pris de décision pour l’exploitation d’une quelconque mine », s’est-il défendu, déplorant d’ailleurs qu’en plus des faibles retombées de l’exploitations minières sur les populations, elles doivent par la suite subir les conséquences des mêmes exploitations.
Visiblement remonté contre les autorités, celui-là qui dit avoir sillonné plusieurs zones minières du Burkina a regretté le fait que les sociétés minières se font des chiffres sur le dos des populations. « Le fonds miniers pouvait contribuer à faire beaucoup de choses mais on préfère aller prêter de l’argent que de prendre ce qui nous revient ici », estime le journaliste qui propose ainsi que si l’on devrait refaire un autre code minier, que l’on prévoit un referendum pour demander l’avis des populations locales avant l’installation d’une société minière, car il dit ne pas être convaincu qu’elles donnent leur accord au regard des inconvénients liés à l’exploitation minière comparativement à ce qu’elles gagnent.
Sur le rôle des autorités, le vice-président de la CODEL a révélé qu’en mission dans une mine exploitée par des Turcs, comme pour les narguer, un des responsable de la mine a présenté une carte de visite du président du Faso avant de sortir son numéro pour leur montrer tandis que l’autre montrait une photo du président du Faso et du président turc. Finalement, « les gens nous ont dit clairement que la mine n’a pas de règles burkinabè à respecter », a révélé M. Hien pour témoigner de combien le combat pour que l’exploitation minière profite aux populations reste encore d’actualité.
Pour ce faire, comme c’est le cas au Ghana, une participante propose la mise en place d’une police des mines, « une police consciente qui ne reçoit pas les choses la nuit pour laisser passer certaines choses. »
Et à un autre participant de suggérer que la société civile s’implique davantage dans la lutte pour mettre la pression sur les autorités et les sociétés minières pour que les populations sentent les retombées, mais aussi et surtout pour une effectivité de la réhabilitation après exploitation.
Le maire de Kalsaka s’aligne sur cette même position et reste convaincu que seule la société civile peut contribuer à la résolution de cette situation.
Et à M. Hien de promettre un plaidoyer auprès du président du Faso directement pour sauver Kalsaka afin d’éviter « un Poura bis » mais aussi et surtout que cela serve de leçon pour les autres mines.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf