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jeudi 28 mars 2024

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Insécurité au Sahel : Des centaines de personnes rallient la capitale pour « se sauver »


Ce sont plus de 600 personnes, selon les dernières estimations (non exhaustives) qui nous ont été données par notre guide sur les trois sites qui accueillent aujourd’hui ces déplacés à Ouagadougou. Le mercredi 12 juin 2019, notre équipe est allée rencontrer ces personnes qui se souviennent toujours de cette terreur que leur faisaient subir les « fous de Dieu ». Avec l’insécurité, confie A.T, la soixantaine révolue, aucun homme ne pouvait encore rester chez soi. Ils avaient tous élu domicile « en brousse », a-t-il dit, le regard hagard.

Nous sommes à Ouagadougou, la capitale burkinabè. Il est 7h ce mercredi 12 juin 2019 quand nous quittions le quartier Tampouy dans l’arrondissement 3 de Ouagadougou pour se rendre à l’arrondissement 9, aux sites qui ont accueilli les déplacés venus de Sirgadji, une localité située à 60 km de Djibo, dans le Soum. Après une vingtaine de minutes de route à moto, nous voici sur le premier site. Une foule attire notre attention. Des enfants et des femmes à l’ombre des arbres, des personnes âgées sur une natte, le regard scrutant l’horizon, ce vide qui en dit long.

Les enfants courraient partout comme si de rien n’était. Les femmes, elles, s’affairaient aux tâches ménagères. Les marmites noircies par les flammes étaient maintenues en équilibre au dessus du feu par des foyers de circonstance, les trois pierres; c’est le tô qui sera servi dans quelques instants. En langue mooré, nous nous accroupissons en signe de politesse pour saluer S.S. Un septuagénaire, barbe crépue avec une tête couronnée d’écharpe. S.S. est assis sur une natte à l’ombre d’un karité. « Nous sommes des journalistes et nous aimerions nous entretenir avec vous », sommes-nous présentés à lui. Il était le responsable de ce premier site abritant les réfugiés.

Maintenant à plusieurs centaines de kilomètres du danger, les langues se sont déliées. Aucune volonté de vouloir encore cacher les choses. Il faut dire ce qu’il y a, ce qu’il se passait et ce que l’on vivait dans ce Sahel profond, précisément à Sirgadji, situé à 60 km de Djibo. Nous avons senti cette volonté de s’exprimer, de vider le cœur de ce poids, de se débarrasser de ce bâillon que leur avaient imposé les terroristes. Enfants, jeunes, vieux et vieilles ; ils sont plus de 600, ces personnes qui ont été contraintes à rallier la capitale depuis quelques jours pour sauver leur vie.

« On ne vit pas deux fois. Avec ce qu’on a vécu, se sauver était la meilleure solution », a lancé S.S. (Pour des raisons de sécurité, permettez-nous d’utiliser les initiales pour désigner nos interlocuteurs). Selon ses explications, les terroristes venaient, faisaient ce qu’ils voulaient et repartaient comme ils veulent. Ils semaient donc la terreur, tuaient qui ils auraient ciblé. « Si ta tête ne leur plait pas, ils te tuent. Ils tuaient en particulier les hommes. Le village s’est donc vidé de ses hommes parce que nous avons tous préféré nous réfugier dans la brousse », lâche-t-il. C’est donc de cet asile qu’ils ont directement embarqué pour la capitale.

A.M.S. fait venir ses proches…

Les femmes étaient à la tâche pour offrir à manger à leurs enfants

« Personne parmi les hommes que vous voyez ici n’est passé chez lui à la maison avant de venir. Nous avons tous quitté nos refuges pour venir directement. Nous y avons laissé nos bétails, nos biens ; nous sommes venus comme cela, sans rien », ajoute-t-il. Des dires corroborés par dame O.M., d’un air plutôt timide, qui explique que les terroristes s’en prenaient particulièrement aux hommes et ont même menacé, ne trouvant plus les hommes au village, de revenir spécialement pour les femmes si toutefois elles ne quittaient pas le village avant leur prochaine visite.

Tous ces déplacés dans la capitale burkinabè seraient des proches de A.M.S, qui aurait lui-même, au regard de la situation qui prévalait dans son village natal Sirgadji, demandé à ses « parents » de le rejoindre dans la capitale d’ici qu’une solution soit trouvée à la situation. En réalité, A.M.S était notre guide de ce jour. Dans les échanges avec lui, il nous confie qu’après l’assassinat du pasteur et cinq de ses fidèles le dimanche 28 Avril 2019, les habitants du village avaient procédé à l’inhumation des corps. « Les terroristes sont revenus et cherchaient à tuer tous ceux qui ont été à l’enterrement », a-t-il révélé. Une raison qui a encore motivé son choix de faire venir ses « parents » auprès de lui à Ouagadougou.

« Nous sommes partis en y laissant tous nos biens »

Les affaires des déplacés stockés dans des salles de classe

Les premiers déplacés sont arrivés sur le site il y a quelques jours. Rencontré sur le troisième site, I.T, responsable dudit site, nous raconte ce qu’il a traversé dans son village. « Personne ne veut quitter son village natal de cette façon. Nous sommes partis en y laissant tous nos biens. On voulait se sauver. Il y a des gens qui sont partis sans avoir eu l’occasion d’inhumer les corps de leurs proches », a-t-il relaté.

Sur les sites, les déplacés sont actuellement soutenus, sur le plan alimentaire, par la population. Les conditions alimentaires sont déjà un peu dures pour ces déplacés. « Ce qu’on gagne, c’est pour permettre aux enfants d’avoir quelque chose à manger. Pour les adultes que nous sommes, ce n’est pas pour le moment une obligation. Pourvu que les enfants puissent avoir à manger d’abord », a brandi O.M.

Une situation qui sera bientôt résolue, nous assure A.M.S. En effet, après la visite du Ministre d’Etat, Ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité sociale, Siméon Sawadogo, accompagné du maire de l’arrondissement 9, Albert Bamogo, promesse a été faite de revenir avec le soutien du gouvernement pour les déplacés.

Après les difficultés alimentaires, il faudra aussi penser à l’hébergement de ces déplacés qui ont été accueillis dans des salles de classe. Certains élèves étaient en classe quand nous étions en visite sur le deuxième site. « A cause de la saison des pluies, on ne sait pas à quelle heure ou quel jour la pluie peut tomber. Nous avons donc demandé aux responsables des écoles de nous offrir quelques salles pour stocker les affaires », a expliqué A.M.S. qui a ainsi souhaité qu’un effort soit fait du côté du gouvernement pour soulager la population déplacée dans ce sens.

Nous avons donc quitté les lieux aux environs de 10h de ce jour.

Armand Kinda

Minute.bf

2 Commentaires

  1. Moi j’invite toutes les populations de ces villages à venir à waga,comme ça ils seront en sécurité . Sirgadji, les terroriste sont revenus… Toi tu peut heberger combien Armand ? Soyons olidaires.

    • Hum, Le Juste, c’est une option envisageable et ça permettra de soulager nombre de personnes mais ce sera une solution conjoncturelle. Il faut plus penser aux solutions structurelles, durables…

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