samedi 21 décembre 2024
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« Je soutiendrai tout président, sauf celui qui sera issu du CDP », Abdoulaye Yogo

Abdoulaye Yogo est le président du Mouvement pour l’Engagement et l’Eveil citoyen (MERCI). Dans une interview accordée à votre journal www.minute.bf, l’ancien représentant des élèves et étudiants au Chef de file de l’opposition politique du Burkina (CFOP) pendant la lutte contre la modification de l’article 37 à l’époque a donné sa lecture de la situation nationale. Laquelle situation est aujourd’hui marquée par les attaques terroristes et toutes les conséquences qui y vont avec, le dialogue politique engagé le 15 juillet dernier par le chef de l’Etat, le cas de la santé du général Djibril Bassolé, et plusieurs autres points. Le président du MERCI dit être prêt à soutenir tout président qui viendra au pouvoir sauf celui qui sera issu du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ancien parti au pouvoir. Il se justifie dans les lignes qui suivent…

Quel bilan faites-vous des actions de votre mouvement ?

Je suis à la tête du mouvement pour l’Engagement et de l’Eveil citoyen (MERCI) depuis 2016. Nous avons participé à plusieurs activités. Nous avons participé activement à la lutte contre la modification de l’article 37 mais pas en tant que mouvement en son temps. Il vous souviendra que nous nous prononcions à chaque fois à travers des conférences de presse sur les questions d’intérêt national. Nous avons toujours donné notre point de vue sur la situation nationale. Nous avons également, avec d’autres organisations de la société civile (OSC), entamé des démarches envers le gouvernement actuel. Voici entre autres les actions que nous avons pu mener. Aujourd’hui nous sommes satisfaits parce que nous avons contribué énormément au changement de beaucoup de choses.

Qu’est-ce qui vous a incité à la création de ce mouvement après la chute de Blaise Compaoré ?

Vous savez que j’étais le représentant des élèves et étudiants au CFOP avant l’insurrection populaire d’octobre 2014. J’étais l’interface entre le CFOP et les OSC à l’époque. M. Zéphirin Diabré est témoin. Toutes les convocations au niveau des OSC, c’est moi qui les faisais. Il y a beaucoup d’OSC qui ont participé à la lutte mais qui ne savent pas quand est-ce qu’elle a sérieusement commencé. C’était le 21 Mai 2013 lors du vote d’un projet de loi que nous avons commencé les protestations. J’étais le seul en son temps à prendre mon courage pour rentrer à l’université de Ouagadougou pour faire des affiches de l’opposition.

A la question de savoir pourquoi c’est après le départ de Blaise Compaoré que j’ai créé mon OSC, c’est parce que, à un certain moment, je sentais que je pouvais apporter ma pierre à la construction du pays. Après l’insurrection, dans les débats qui se sont menés, on n’a plus tenu compte de nous qui ne sommes pas dans des structures de parti. Nous avons été délaissés. Des OSC qui n’ont même pas fait partie de la lutte se sont retrouvées dans le cadre du dialogue. A l’époque, lorsque le pouvoir du CDP est tombé, personne n’est revenu vers nous. C’est lorsque le président Kaboré a été élu qu’il nous a appelé en tant que comité d’organisation du CFOP pour nous rencontrer et nous encourager.

« Aujourd’hui, nous sommes en train de payer pour notre propre compromission »

Trois mois après, le président du comité d’organisation, Idrissa Kaboré est décédé. Je puis vous dire que c’était la déception pour moi et cela m’a donné une leçon de vie parce que, malgré le fait qu’il ait été le président du comité d’organisation, à son décès, peu de politiciens ont participé à son inhumation. Peu de politiciens sont allés présenter leurs condoléances auprès de sa famille. Je me rappel bien, en son temps, le président Kaboré était en Arabie Saoudite. A son arrivée, le lendemain, immédiatement, il a appelé notre groupe et nous sommes allés saluer la famille du défunt. Zéphirin Diabré était à Ouagadougou, nous l’avons plusieurs fois appelé, même Ablassé Ouédraogo était là, nous l’avons appelé à venir assister à l’inhumation, mais personne d’entre eux n’est venu. Beaucoup de politiciens étaient à Ouagadougou mais n’ont pas fait le déplacement dans la famille du défunt, ni assister à l’inhumation. Cela m’a beaucoup enseigné et j’ai pris du recul dans mes actions.

Minute.bf : On vous taxe aujourd’hui d’être une OSC pro-pouvoir. Que répondez-vous à cela ?

La question fondamentale c’est pourquoi moi je soutiens le pouvoir. Je peux vous dire que même si c’était l’UPC (Union pour le progrès et le changement, ndlr) qui était au pouvoir, j’allais le soutenir. La raison est simple ; nous avons été dans un même bateau à un certain moment ; nous avons fait une lutte commune, et aujourd’hui, un d’entre nous est venu au pouvoir. Pour moi, ce que nous attendions, c’est que le pouvoir soit géré par les partis de l’opposition qui ont participé à l’insurrection en son temps. En ce moment, nous aurions un seul adversaire, le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, ndlr). Mais hélas ! Voilà que maintenant, certaines personnes qui traitent l’insurrection de bâtarde ou d’une erreur sont aujourd’hui assises à la même table que ceux-là même qui l’ont initiée. Si aujourd’hui, le pouvoir était géré par l’UPC, le MPP et les autres partis qui ont participé à l’insurrection, je pense que notre pays ne pouvait pas connaitre ce sort.

Vous avez vu le cas de la Côte-d’Ivoire, lorsque les partis se sont mis ensemble pour gérer, les premiers moments du président Alassane Dramane Ouattara ont été difficiles, mais après, les choses ont évolué. Je pense que nous avons raté cette opportunité au Burkina. On ne peut pas déraciner un système de plus de 27 ans et penser que la gestion sera facile. Moi aujourd’hui, je ne suis dans aucune structure du MPP (Ndlr; Mouvement du peuple pour le progrès), cela ne m’intéresse pas. Par contre, Roch Kaboré est mon président. Je vais le dire haut et fort, nous allons l’accompagner jusqu’à la fin de son mandat.

A l’heure actuelle, l’abandonner ne serait pas la solution. Les dignitaires de l’ancien régime affutent toujours leurs armes car ils veulent nous faire regretter l’insurrection. Mais si nous nous mettons dans cette posture, réellement ils vont avoir raison. Présentement, ils sont en train de sillonner le pays. Nous n’avons pas dit que nous pouvons les empêcher de revenir. Mais s’ils reviennent au pouvoir aujourd’hui, à quoi aura servi notre insurrection ? Le combat que nous avons mené en deux ou trois ans perdra sa valeur.

Minute.bf : Si éventuellement un président autre que Roch Kaboré arrivait au pouvoir à l’issue des élections, êtes-vous prêt à soutenir ce nouveau président ?

Je soutiendrai toujours le président. S’il est issu du CFOP, je le soutiendrai absolument. Mais s’il est du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) je ne le soutiendrai pas parce qu’aujourd’hui, l’objectif de ces anciens dignitaires est de faire revenir tous ceux qui étaient à la base des problèmes qu’a traversés le Burkina Faso pendant leur 27 ans de leur règne. Chacun a sa part de responsabilité dans la gestion de ce pays mais il faut reconnaitre que certains ont causé plus de torts à ce pays que d’autres. Si ces gens reviennent au pouvoir, ils ne vont pas cultiver le sens du pardon. Ils vont toujours chercher à se venger et je pense qu’en ce moment, certains qui se tapent la poitrine aujourd’hui seront obligés de traverser les frontières.

Les attaques terroristes que traverse le Burkina Faso depuis quelques années avec leur lot de conséquences sont souvent imputées  aux anciens dirigeants du pouvoir par les autorités actuelles. Vous qui soutenez aujourd’hui le président Kaboré, êtes-vous dans cette même posture ?

Oui, je suis dans la même posture. Ce n’est pas une accusation car les faits sont clairs. Nous sommes tous au Burkina Faso ici et vous n’ignorez pas que Moustapha Ould Limam Chafi qui étaitl’interface entre le pouvoir de Blaise Compaoré et les djihadistes, était le conseiller de Blaise Compaoré. Ces mêmes personnes étaient logées et nourries ici à Ouagadougou. Sous leur houlette, il y avait de la mafia qui était organisée au  sahel. Lorsque ces mêmes djihadistes dormaient au Burkina Faso pour aller attaquer le Mali voisin, les autorités maliennes nous ont même interpellés à plusieurs reprises. C’est dire qu’aujourd’hui, nous sommes en train de payer pour notre propre compromission.

Aujourd’hui, chacun doit prendre conscience de cette compromission. Je dis à la nouvelle direction du CDP qu’on ne peut pas continuer à attaquer ce pays et prétendre vouloir le diriger un jour. Les conséquences de ces attaques vont les rattraper.

Des personnes fuyant les attaques terroristes dans la région du Centre-nord ont trouvé asile à Barsalogho depuis plus d’un mois maintenant mais n’ont toujours pas eu la visite de nos autorités. Et ces personnes que nous avons rencontrées, se sentant toujours en insécurité, ont décidé de fuir encore pour d’autres localités…

Si tel est le cas, c’est vraiment un fait malheureux. C’est cela aussi le problème de ce gouvernement. Je pense qu’en toute chose, il faudra que chacun s’assume. Nous avons des ministres en charge de la question et si ces ministres ne prennent pas ces questions au sérieux, je pense qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

Si ces faits sont avérés, je pense que même dans les médias, il faut que les populations interpellent le président du Faso sur la question pour qu’une assistance soit apportée à ces personnes déplacées. Si réellement ces populations sont dans ces cas, ce sera la déception totale. Il faudra faire en sorte que les droits de ces déplacés soient respectés. Ils doivent sentir qu’ils appartiennent à un Etat. Ils ont fui leurs localités parce qu’ils ne se sentaient plus en sécurité, et si jusqu’aujourd’hui aucune autorité ne s’est rendue sur les lieux, c’est vraiment déplorable. Aujourd’hui, nous sommes dans la décentralisation et je crois qu’au niveau local, des soutiens leurs sont déjà apportés en attendant l’arrivée des autorités gouvernementales. Notre cri de cœur est que l’on prenne ce cas au sérieux afin que chacun se sente dans un Etat de droit.

Au Burkina Faso, malgré le flux des déplacés fuyant les attaques tous les jours, l’on a l’impression que les hommes politiques se soucient plus des élections à venir que de l’avenir de ces populations…

Justement ! Présentement chacun se prépare, chacun affute ses armes pour ne pas que ses adversaires le devancent sur le terrain. Mais je pense que le dialogue politique entamé depuis le lundi dernier devrait être un tremplin pour que chacun puisse savoir que le pays est en danger et qu’il faut se donner la main pour relever les défis.

Est-ce à dire que vous croyez fermement aux conclusions qui sortiront de ce dialogue politique ?

J’ai absolument confiance à ce dialogue. Mais je voudrais qu’à cette rencontre, l’on pose clairement le problème de réconciliation parce que jusqu’à présent, on a l’impression que la réconciliation demandée concerne les politiciens. Si c’est une réconciliation entre politiciens, qu’on nous le dise clairement. Tant qu’on ne posera pas clairement le problème, nous allons faire une navigation à vue et nous allons faire une réconciliation de façade et nous n’allons pas aboutir à quelque chose de solide. Les politiciens doivent se regarder en face et se dire clairement qu’ils doivent se réconcilier entre eux et revenir s’entraider à gérer le pays pour le bonheur de tous.

Je ne suis pas totalement d’accord avec l’injustice que certains politiciens ont subie. On devrait associer à ce dialogue tous les acteurs politiques, qu’ils soient de la majorité, de l’opposition ou dans une position neutre. Il y a des partis qui ne sont pas affiliés au Chef de file de l’opposition politique (CFOP) et qui ne sont pas aussi de la mouvance présidentielle. Ils ont leur raison de ne pas s’affilier à ces coalitions mais on devrait les associer à ce dialogue, leur permettre de s’exprimer en vue de trouver des solutions qui prendront en compte toutes les couches sociales. Je crois que le fait d’engager ce dialogue est déjà une bonne chose pour le Burkina Faso.

Des cas de détournement de fonds publics, de blanchiments de capitaux ont été dénoncés dans la gestion actuelle du pouvoir. Vous, en tant qu’une organisation de veille citoyenne, quelle réaction avez-vous à faire sur ces dénonciations ?

Je ne vais soutenir aucun cas de détournement ou de blanchiment de capitaux. Le problème  est  actuellement en justice. Nous attendons de voir, même si on reconnait que notre justice est lente. Si la justice arrivait à diligenter ses investigations et nous situer clairement sur les différents auteurs des crimes, nous prendrons nos responsabilités.

Sur le cas du charbon fin qui a fait grand bruit, si la justice nous situait sur une quelconque implication du ministre, nous  allons sortir pour demander sa démission, que le président le veuille ou pas.  Aussi, faudrait-il le dire, le cas de l’ancien ministre Jean Claude Bouda n’est pas à encourager. Il faudra accélérer les enquêtes pour situer les responsabilités et punir les auteurs des différents crimes. 

Je pense aussi que le président Kaboré doit ouvrir l’œil sur ces genres de cas. Il doit d’abord limoger les présumés auteurs des crimes en attendant les conclusions des enquêtes qui devront venir nous situer davantage.  

Le général Djibril Bassolé, très souffrant selon ses proches, demande vainement à être évacué à l’extérieur pour suivre des soins adéquats auprès de son médecin traitant. Vous qui défendiez les droits des populations à travers votre organisation, quelle réaction avez-vous à faire aujourd’hui sur son cas ?

Je ne voudrai pas m’immiscer dans des décisions de justice. Il faut que les gens comprennent que les questions judicaires doivent être traitées au niveau de la justice. Les questions politiques aussi doivent être traitées au  niveau politique. Je lis des déclarations dans lesquelles la question est renvoyée au chef de l’Etat comme quoi, c’est lui qui ne veut pas donner l’autorisation à Djibril Bassolé d’aller se faire soigner à l’extérieur. Mais paradoxalement, au Burkina Faso, on demande au président d’intervenir dans des affaires judiciaires et en même temps on réclame l’indépendance de la justice. Il faut qu’on soit honnête. Laissons les affaires judiciaires à la justice et les questions politiques à la politique.

En tant qu’être humain, personne ne voudrait voir son prochain dans ces conditions. Mais ce que les gens oublient aussi, il y a des non-dits dans cette affaire. Est-ce que ce n’est pas un moyen pour lui de quitter le pays et de ne plus revenir ? C’est la question qu’on se pose. Il faudra laisser la justice faire son travail. Cette question d’évacuation est en même temps une interpellation aux autorités actuelles, de prendre conscience de la nécessité de construire des infrastructures sanitaires ici à même de prendre en charge tout cas de santé majeure qui se posera parce qu’un jour, chacun peut se retrouver dans cette situation. Si on disposait des hôpitaux de référence, bien équipés, on n’aurait pas besoin d’une évacuation à l’extérieur pour des soins. Quand on gère un pays pendant 27 ans et on veut aujourd’hui sortir pour aller se faire soigner ailleurs, je pense qu’il y a problème. C’est juste parce que nous avons négligé notre pays. C’est une invite au gouvernement, à tous ceux qui vont gérer le pays, qu’il faudrait prendre la question du développement de ce pays très au sérieux.

Quel est votre dernier mot ?

Au regard de la situation que vit notre pays, chacun de nous doit prendre conscience que le Burkina nous appartient à tous. Les syndicats  doivent savoir que, quoi qu’on dise ou quoi qu’on fasse, le pays n’appartient pas au président Roch Marc Kaboré. Le pays n’appartient ni à Simon Compaoré ni à Bala Sakandé. Au-delà des revendications qu’on pense être légitimes, les syndicats doivent tenir compte de l’intérêt général de la nation pour que  tous, nous puissions avancer ensemble.

Nous demandons également à tous les Burkinabè qui, de près ou de loin, sont impliqués dans le terrorisme, qu’ils sachent que nous n’avons qu’un seul pays, le Burkina Faso. Il faudra que les uns et les autres reviennent à la raison pour que nous puissions construire une nation forte.

Propos recueillis par Armand Kinda

Minute.bf

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