Le paludisme ou la malaria, appelé également « fièvre des marais », est une maladie infectieuse due à un parasite du genre plasmodium, propagée par la piqûre de certaines espèces de moustique anophèles. Selon les statistiques nationales, au Burkina Faso en 2017, 11.915.816 cas de paludisme ont été enregistrés, dont 514.724 de paludisme grave avec 4.144 décès. Dans cet article du Dr Léa PARE, Chercheur en Sciences sociales à l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé, la parole est donnée aux populations de Bobo-Dioulasso pour recueillir les informations qu’elles ont sur cette maladie qui touche des millions de personnes par an au Burkina Faso.
Introduction
Le paludisme est une maladie complexe aussi bien dans son diagnostic médical que dans la représentation populaire. Les symptômes du paludisme peuvent être similaires à ceux d’autres maladies telle que la dengue, ce qui rend difficile le diagnostic de la maladie dans les formations sanitaires. De la même manière, le paludisme est désigné par plusieurs termes dans les langues locales qui renvoient souvent à des représentations différentes de la maladie. La complexité dans la représentation populaire du paludisme influence le comportement de prévention et de traitement du paludisme par les populations.
Zone d’étude
Les représentations populaires décrites dans le présent document sont issues d’une enquête réalisée auprès d’hommes et de femmes dans la ville de Bobo-Dioulasso. Elle a consisté à interroger des gens choisis au hasard sur leur connaissance sur le paludisme et les moustiques.
Pluralité du paludisme
Ainsi, en langue dioula, sumaya, sumaya gwè, sumaya bà ou en moré saabga, weogo, zaw, djokadio sont une variété de termes utilisés pour désigner le paludisme. Ces termes dans la représentation populaire renvoient à des symptômes différents mais complémentaires et désignent la maladie à des stades différents. La prédominance de potentiels symptômes que sont le mal de tête, le corps chaud, la fatigue, les douleurs aux articulations, la perte de l’appétit, les vomissures de type jaunâtre etc. va déterminer la désignation de la maladie (c’est-à-dire le nom donné à la maladie). La durée de la maladie dans le corps influence aussi l’appellation. Ainsi le terme Djokadio va être plus utilisé lorsque le sumaya dure et surtout s’aggrave. Les causes du paludisme sont diverses dans le savoir populaire. Elles vont du moustique, aux aliments trop gras ou trop sucrés en passant par la pluie.
Moustiques, nuisance et maladies
De point de vue scientifique, il existe plusieurs types de moustiques. Certains transmettent des maladies tels que le paludisme et la filariose lymphatique et d’autres sont seulement responsables de grande nuisance (bruits et piqures). Les populations également remarquent que les moustiques ne sont pas tous les mêmes. Elles les classent en fonction des saisons (pluvieuse, sèche et chaude) de la couleur des moustiques (blanche, noire, rouge) et de la taille des moustiques (grande, petite).
Dans la représentation populaire, les moustiques sont responsables du bruit, de piqûre, de démangeaisons et de maladies tel que le paludisme, sumaya ainsi que des démangeaisons et autres maladies. Mais la nuisance est l’élément le plus cité par les personnes interrogées. Le plus souvent elles se protègent contre les piqures de moustiques, non pas pour éviter le paludisme mais pour se protéger contre la nuisance et avoir un sommeil paisible.
Les moustiques sont présents toute l’année mais le degré de nuisance change en fonction des saisons selon les interviewés. La saison des pluies c’est-à-dire les mois de Juin- juillet jusqu’à septembre – octobre, est considérée par les individus comme la période où les moustiques abondent. La période de mars-avril est également perçu comme une période de forte présence des moustiques.
Les conséquences des représentations populaires sur la prévention du paludisme
La pluralité du paludisme dans la représentation populaire engendre quelque fois une sous-utilisation des moyens de prévention du paludisme telle que la moustiquaire imprégnée d’insecticide ainsi que le recours tardif des malades aux centres de santé. Le fait que les différentes désignations du paludisme en langues locales renvoient à des causes, symptômes et stades différents de la maladie conduit les individus à se protéger contre ce qu’ils pensent être la cause de la maladie (éviter par exemple de manger les aliments trop gras) ou utiliser le traitement correspondant à la représentation sociale.
Les discordances entre représentations populaires et connaissances scientifiques sur les périodes d’apparition des moustiques entravent l’utilisation correcte de la moustiquaire imprégnée d’insecticide car les individus n’utilisent la moustiquaire que lorsqu’ils « voient » ou « sentent » les moustiques. Ils ne l’utiliseront pas alors pendant toutes les périodes qui correspondent aux risques de transmission du paludisme tel que défini par les scientifiques. Cette opposition entre les périodes de transmission palustre et celle de fortes nuisances entrave la bonne utilisation de la moustiquaire car elle n’est pas utilisée au moment adéquat.
Conclusion
Les représentations populaires sont quelque fois contraires aux savoirs scientifiques. Les représentations populaires du paludisme sont persistantes et limitent l’utilisation des outils de lutte contre les moustiques vecteurs du paludisme. De ce fait, il est important de les prendre en compte dans les messages de sensibilisation pour une meilleure appropriation des outils de lutte contre le paludisme.
Notes
Les données présentées dans ce document sont issues de travaux conduits sur la relation entre perception du moustique, le paludisme et l’utilisation des moustiquaires.
Bibliographie
Lea Pare Toe. Conceptions populaires du paludisme à l’ouest du Burkina Faso : perceptions des causes et attitudes d’évitement, Science et Technique 2020.
Dr Léa PARE, Chercheur en Sciences sociales
Institut de Recherche en Sciences de la Santé