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vendredi 19 avril 2024

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« La seule kalach qui puisse protéger un chef d’État, c’est la légitimité populaire » (Bassolma Bazié)

La situation nationale est marquée par l’accession au pouvoir du Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Il est venu à la tête de l’État suite à un coup d’État mené contre le régime de l’ex-président Roch Marc Christian Kaboré. Si l’avènement des militaires sous la bannière du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) suscite un espoir de renouveau chez certains Burkinabè, pour l’ancien Secrétaire général de confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), Bassolma Bazié, il convient de faire attention. L’actuel directeur administratif de la société de recherche, d’assistance, de médiation et de formation (S-RENFOR) a accordé une interview à www.minute.bf dans laquelle il a donné sa lecture sur l’avènement du MPSR.

Minute.bf: Vous avez maintes fois décrié la gouvernance de Roch Kaboré. Son régime a finalement été emporté par un coup d’État; quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Bassolma Bazié: D’abord, je m’incline respectueusement sur la mémoire de l’ensemble des frères et sœurs burkinabè que nous perdons dans des situations douloureuses, que ce soit par l’insécurité, le manque d’alimentation, ou par les maladies opportunistes. C’est de signifier à l’ensemble de ces familles qu’elles ont notre solidarité et souhaiter beaucoup de courage à l’ensemble des Burkinabè, l’ensemble des frères africains qui sont sur le front des batailles en vue de conquérir un meilleur vivre et maintenir, promouvoir, sauvegarder les libertés, l’honneur, la dignité et l’intégrité. Ce qui vient de se passer dans notre pays précisément le 24 janvier dernier, nous disons que lorsque nous faisons des interventions sur la gouvernance, nous interpellons chaque fois les autorités, nous leur disons de façon très ferme que les mêmes causes dans les mêmes conditions produisent les mêmes effets.

L’intervention des militaires sur une scène politique est condamnable par principe, mais leur apparition qu’on le veuille ou pas est une conséquence. Cependant, quand on a la conscience très aiguisée et qu’on a aussi le courage et un niveau de lucidité acceptable qu’on s’impose, on doit sans ambages condamner les vraies causes. Et pour nous, les vraies causes c’est la mauvaise gouvernance, c’est la corruption, c’est le déni des libertés, c’est la répression, c’est l’ensemble des crimes à tous les niveaux qu’ils soient économiques ou de sang. Vous avez vu comment notre pays va en lambeau. Nous avons toujours dit aussi que si on nous appelle le Pays des Hommes intègres, nous avons le devoir de nous imposer un certain niveau de conduite sociale acceptable, moralement recommandée parce qu’une chose est de faire des discours et l’autre chose et la vraie qui nous permette d’aller vers une stabilité durable qu’on appelle la paix sociale, c’est la justice sociale dans les faits et les actes.

Par conséquent, dès lors qu’on ne s’inscrit pas dans ce niveau de comportement ou qu’on traite ceux qui ont le courage de dénoncer des terroristes, des va-t-en-guerre, des jusqu’au-boutistes, on ne pourra qu’avoir des situations regrettables, mais qui ne sont que des conséquences.

Donc, même à l’endroit des nouvelles autorités à savoir les autorités militaires qui sont à la direction du pays aujourd’hui, nous leur avons tenu le même langage en disant que la stabilité de tout régime repose sur des actes légitimes, parce que la légitimité se nourrit de la légalité. Autrement dit, il faut arrêter de trahir les aspirations du peuple. Et pour ne pas trahir les aspirations du peuple, on doit s’imposer une conduite de moralité référentielle. La parole donnée doit être respectée, l’exemplarité doit être maintenue au quotidien. C’est l’ensemble de ces valeurs qui permettent à ce que vous paraissez aux yeux des concitoyens comme une référence, un modèle à suivre. Il n’y a pas de pouvoir, il n’y a pas de puissance qui puisse être véritablement, fondamentalement stable tant qu’elle ne s’appuie pas sur la légitimité populaire. Autrement dit, si Bazié Bassolama, qu’il soit un président, un Premier ministre, ministre ou qu’il soit un citoyen lambda, il devrait s’imposer cette direction de moralité qui est que, quand je suis incriminé d’un fait, sans même attendre qu’on active la justice et qu’on me mette aux arrêts, je dépose les manettes de responsabilité que j’ai et je réponds. Et c’est quand je serai lavé de tous soupçons que je reviens et je reprends ma tâche. En ce moment ça fait des modèles, des exemples vis-à-vis de la jeunesse. Au lieu de s’asseoir pour dire que la jeunesse est incivique et on fait des tonnes de discours pour dire de cultiver le civisme, nous le disons toujours, le civisme est une question d’exemplarité qui se répercute au niveau de la jeunesse. La jeunesse n’est pas tombée du ciel et elle nous regarde au quotidien. Que faisons-nous ? Je clos ces propos à ce niveau en disant : un homme référentiel, un homme d’honneur, un homme de dignité, un homme de liberté doit faire en sorte qu’il y ait une concordance ferme entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. Autrement, une autorité doit être capable de s’imposer une attitude qui est : je dis ce que je fais et je fais ce que je dis. En un mot le respect de la parole donnée.

Lire aussi : Coup d’État au Burkina Faso

Minute.bf: Autrement dit, est-ce que cette chute de l’ex-président Roch Kaboré était prévisible ?

La chute de Roch n’est pas la première et elle pourrait ne pas être la dernière…

Voir l’intégralité de sa réaction dans cette vidéo

Minute.bf: D’aucuns voient en cette nouvelle transition une occasion de mettre le pays sur de bons rails avec des institutions fortes. Est-ce que vous êtes du même avis ?

B.B: Si les orientations données par: « qu’il soit un militaire ou un civil » sont des orientations qui respectent les aspirations du peuple, avec l’accompagnement populaire, ce n’est même pas une question de: est-ce que c’est le cas? C’est un devoir historique de le faire parce que le temps va nous juger tous. Voilà pourquoi je lance un appel à nous autres, tous ceux qui ont la tranche de la cinquantaine en allant, nous sommes des morts vivants. L’âge indiqué pour vivre, pour dire qu’on est au maximum d’âge au Burkina c’est quel âge ? Ça veut dire que dès lors qu’on a la quarantaine on a beaucoup vécu. Donc il faudrait qu’on soit conscient qu’on doit mourir pour que les plus jeunes puissent avancer.

Quand on occupe un poste de responsabilité on doit penser d’abord Patrie, on doit songer d’abord Nation, avant de songer individu. Mais ce ne sont pas des propos qui doivent se théoriser ou se proclamer. Ça doit se vivre. Qu’est-ce que moi je peux faire pour que la nation puisse survivre, c’est cela qui est important. Donc il faut éviter qu’a plus de 50 ans, pendant qu’on est même à la porte de la retraite, qu’on vienne bousculer pour se faire nommer et occuper la place de la jeunesse. Après c’est pour venir dire que la jeunesse est incivique. Si vous avez fait plus de 40 ans dans un service, vous n’avez pas pu produire un remplaçant, on devait même vous coffrer. Pourquoi vous êtes à la retraite et on part vous chercher parce qu’il y a un manquant ? Moralement, vous ne vous reprochez rien ?

Deuxième aspect, pourquoi l’on va nommer des gens qui sont obligés de traîner les pieds par terre pour venir s’asseoir sur un fauteuil pour dire que vous parlez au nom de la jeunesse. Il ne faut pas insulter la jeunesse. Nous (ndlr, les cinquantenaires) ne sommes pas des modèles. Pourtant, on doit être des modèles. Par conséquent, qu’elle que soit le poste de responsabilité où on doit vous mettre, vous devez songer Nation et Patrie, vous devez songer honneur, dignité et intégrité. Dès lors que vous songez à cela, ce n’est plus une question d’individu. Si Bassolma est incompétent, dès lors qu’il y a des récriminations sur lui, il se met moralement de côté et puis la nation continue. C’est ça les valeurs qu’on doit inculquer à la jeunesse, par conséquent on doit être prêt à avancer. Ce n’est pas prendre un ministre pour aller mettre à un poste, ce dernier vient, il s’assoit sur un décret qui doit lui donner un salaire et il se fait un propre contrat sur la base duquel il doit être payé et en même temps devant le micro, il dit : la jeunesse est incivique, dans le pays les textes ne sont pas respectés. Est-ce que vous-mêmes, référentiellement parlant, vous avez la moralité nécessaire de tenir de tels propos ? Par conséquent, si les militaires veulent s’en sortir, ils doivent être fermes et l’intraitabilité doit tenir compte de cela.

Celui qui vient doit tenir compte de cela, celui qui vient, c’est pour servir la nation. Si on vous appelle, ça doit être du bénévolat et sur cette base on peut avancer. Il faut qu’on arrive à mettre le pays sur les rails. Pas seulement une question financière, mais aussi une question de liberté. L’ensemble des textes, le code pénal qui a été pris et qui viole la liberté d’expression et de presse, le code de travail qui n’arrive pas à être relu rapidement, qui met les travailleurs du privé dans une démence sociale inqualifiable, etc., l’ensemble des textes qui doivent renforcer les libertés, il faut les revoir rapidement.

Lire aussi : Burkina: L’intégralité du discours du président du MPSR, Sandaogo Damiba

Minute.bf: Le président du MPSR a prononcé son premier discours à la nation. Dans ce discours, il a martelé qu’il sera intraitable.  Qu’est-ce que vous pensez de ce discours ?

B.B: Des moments, je me réserve de me prononcer sur les discours, mais je me donne un œil de regard et d’appréciation à travers les actes, c’est-à-dire la mise en œuvre de ce discours. Un discours de fermeté, d’engagement, un discours indiquant des orientations.

Oui, nous l’avons écouté, on pourrait être totalement satisfait si on devait se limiter qu’au discours, malheureusement le discours ne nourrit pas…

L’intégralité de sa réaction dans cette vidéo

Minute.bf: Avez-vous quelque chose à dire pour terminer ?

Le dernier mot c’est de dire simplement que quand l’année nouvelle commence on se souhaite des vœux, mais sachons que notre avenir, l’avenir du pays dépendra de ce que nous souhaitons qu’il soit, dans la mesure où on nous invite à prier; c’est bien de prier, mais qu’on retienne que les problèmes, avant de venir, prient. Les problèmes aussi prient, si vous vous asseyez rien que sur la prière, les problèmes vont vous engouffrer et vous manger puisque, eux aussi prient avant de venir. Par conséquent, faisons en sorte que notre comportement soit un comportement référentiel, un comportement sacrificiel parce que le Pays des Hommes intègres, nous l’avons reçu de nos devanciers et on doit le transmettre aux générations à venir. Donc, travaillons dans l’unité, l’exemplarité, le sacrifice pour construire cette nation.

Interview réalisé par Hamadou Ouédraogo

Minute.bf

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