Un lotissement frauduleux avait été signalé à Wobdègré, dans l’arrondissement 9 de Ouagadougou. Dans une note, le maire attirait l’attention des populations sur cette affaire et les invitait à plus de vigilance. L’affaire a fait un grand tollé et certaines personnes accusaient le maire Albert Bamogo d’être complice du promoteur immobilier qui parcellait l’espace dans cette zone. Pour donner plus de précisions sur cette affaire en vue de situer l’opinion publique, le maire de l’arrondissement 9 a convié les journalistes à une rencontre qui a été une occasion pour lui, de dire toutes ses vérités sur ce « lotissement frauduleux » opéré par le promoteur immobilier Borro Saïdou de la société SBI.
L’affaire remonte d’il y a deux à trois mois, où le maire avait été informé par un de ses conseillers, de ce qu’un lotissement serait en cours dans la zone non lotie de Wobdègré. C’est ainsi que la police et l’agent chargé du domaine de la mairie de l’arrondissement 9 ont été dépêchés pour faire le constat. Sur les lieux, ils ont pu constater qu’il s’agissait d’une opération de limitation de zone qu’effectuait Saïdou Borro sur un espace qu’il a acquis avec les propriétaires terriens. « Je l’ai convoqué et il est venu ici à la mairie avec les propriétaires terriens. Il a fait savoir qu’il a acquis 9 hectares chez les propriétaires terriens et qu’il souhaiterait délimiter la zone. », a confié Albert Bamogo, ajoutant qu’il est du plein droit de ce promoteur qui a acquis un terrain dans une zone non aménagée de le délimiter. Les propriétaires terriens ont même reconnu, ce jour-là, qu’ils lui avaient cédé leurs terres. Mais avec l’évolution de la situation, il s’est après avéré que M. Borro, au lieu de simplement délimiter sa zone, confectionnait des bornes pour parceller l’espace qu’il revendait à deux ou trois millions de nos francs.
Ainsi, le chef de Wobdègré a été approché par la mairie qui souhaiterait comprendre ce qu’il se passait sur le terrain. Mais ce dernier a nié toute complicité avec le promoteur immobilier. « Ce jour-là, je n’ai pas manqué de rappeler au chef que s’il est réellement complice dans cette affaire, ce sera difficile car on ne peut pas implanter des bornes dans une zone sans avoir un plan, parce que nous n’avons pas reçu une autorisation et nous n’avons pas reçu une demande, aussi, je ne pense pas que le ministère soit informé de la démarche », a soutenu le bourgmestre.
La terre appartient au propriétaire terrien
Toujours, dans le but d’avoir plus de précisions sur cette affaire, le maire a cherché à savoir si le promoteur immobilier avait les documents nécessaires qui lui donnaient autorisation à aménager la zone, parce que, selon certaines informations, M. Borro aurait pour ambition d’en faire une cité. Le promoteur immobilier s’est donc défendu en arguant qu’il connaissait bien les textes et qu’il ne faisait pas de lotissement comme le prétend une certaine opinion.
Selon la Réorganisation agraire et foncière (RAF), la terre appartient au propriétaire terrien qui en fait ce qu’il veut. Ainsi, à partir de ce texte, le maire qui a été délesté, depuis la mesure de suspension des lotissements à Ouagadougou et à Bobo Dioulasso, de sa casquette de président de la commission d’attribution des parcelles, « ne peut pas empêcher un propriétaire terrien de céder sa terre à un promoteur immobilier ». Mais lorsqu’il s’agit de faire des cités ou des parcelles, cela relève du ministère de l’urbanisme et non de la commune, explique M. Bamogo. Ainsi, la mairie ne peut que délivrer l’acte de cession à l’amiable et cet acte ne lui donne pas le droit d’aménager la zone pour en faire une cité. Cet acte n’aide le promoteur immobilier qu’au complément de son dossier, pour une demande d’autorisation au ministère de l’urbanisme pour l’aménagement du terrain.
Le maire appelle l’Etat à reformer la RAF
Sur cette affaire à Wobdègré, le service chargé du contrôle du ministère de l’urbanisme a rencontré le promoteur immobilier en question qui a tout nié, faisant porter la croix au chef du village qui, à son tour, a nié les faits. Etant donné que personne ne veut s’assumer, il a été décidé de la création d’une commission mixte qui devrait se charger de déterrer les bornes déjà enfouies dans cette zone par le promoteur immobilier. Avant la mise sur pied de cette commission, faut-il le rappeler, le maire avait décidé de faire un communiqué pour attirer l’attention des populations qui achetaient déjà les parcelles dans cette zone, qu’elles le faisaient à leurs risques et périls.
« Aujourd’hui, il y a du laisser-aller », regrette Albert Bamogo. « Moi, en tant que maire, je ne peux pas aller dans une zone pour dire aux propriétaires terriens de ne pas céder leurs terrains aux promoteurs immobiliers alors que la loi leur permet tout. Il est vrai que je suis maire, mais, pour le moment je ne suis pas président de la commission. C’est lorsque la mesure de suspension sera levée que cette commission sera créée et que le maire pourrait en être le président », a argumenté M. Bamogo qui a appelé le gouvernement à avoir un droit de regard sur le foncier car c’est une bombe à retardement. « Même si le gouvernement ne va pas lever la mesure pour le moment, qu’il permette au moins aux maires d’avoir une commission pour pouvoir bien gérer le foncier si non, ça va mal se passer. Le foncier est vraiment une bombe à retardement », a invité le maire qui a aussi souhaité la reforme de la RAF, parce qu’il n’est pas normal, de son avis, que l’on laisse la propriété de la terre aux populations. « C’est très dangereux. C’est ce qui fait que tous les champs sont bornés hors de Ouagadougou », a-t-il déploré.
Armand Kinda
Minute.bf