dimanche 15 décembre 2024
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Nouveau syndicat de l’Education: « Nous ne sommes pas venus pour combattre un autre syndicat » (SGA SYNTEF) (Itw)


Dans une interview accordée à votre journal en ligne www.minute.bf, le secrétaire général adjoint(SGA) du Syndicat national des travailleurs de l’éducation du Faso (SYNTEF), Abdoulaye Hama Cissé, revient sur les raisons de la création de leur nouveau syndicat juste après l’accord trouvé entre le gouvernement et la Coordination nationale des syndicats de l’Education (CNSE). Il rappelle dans cette interview que le SYNTEF n’est pas venu pour combattre un autre syndicat. Bien au contraire, le SYNTEF, selon lui, reste ouvert à d’autres syndicats qui désireront lutter eux-mêmes pour leurs propres intérêts.


www.minute.bf : Vous avez créé un nouveau Syndicat parce que vous désavouez la lutte qui a été menée par la CNSE. Est-ce que vous pouvez revenir sur les raisons de la création de ce nouveau Syndicat ?

Abdoulaye Hama Cissé: Le SNYTEF est créé tout comme les syndicats en général se créent, parce que la plupart du temps on crée un syndicat lorsqu’à quelque part on a senti que nos besoins n’ont pas été pris en compte. Nous nous sommes rendu compte que dans les conclusions que la CNSE a eues avec le gouvernement, notre corporation n’a vraiment pas été prise en compte. Nous avons donc décidé de ne plus croiser les bras. Nous allons nous constituer en une entité capable d’aller discuter de nos propres intérêts.

Minute.bf : Vous avez dit que votre corporation n’a pas totalement été prise en compte dans la lutte de la CNSE. Est-ce qu’à votre niveau, vous avez fait des propositions qui n’ont pas été prises en compte par la CNSE dans ses discussions avec le gouvernement ?

La CNSE est censée avoir une plateforme qui prend en compte tous les besoins des enseignants. Le statut valorisant a toujours fait partie des revendications du corps enseignant. Ce statut valorisant a été signé sans au préalable le soumettre à la base. Le mot d’ordre de grève a été levé sans nous consulter parce qu’ils estimaient que le statut était bon pour nous. Il aurait fallu nous le soumettre pour discussion. C’est le centralisme démocratique qui leur a permis ça et nous récusons cette ligne syndicale. Nous disons non, c’est la base qui décide.

Minute.bf : Dans vos revendications, est-ce qu’il n’y a pas eu des acquis dans la lutte qu’a menée la CNSE ?

Il y a bien-sûr des acquis. Il y a eu l’augmentation des indemnités de logement, l’harmonisation des indemnités spécifiques, la création de nouveaux emplois etc. Il n’y a pas mal d’acquis mais nous ne pouvons pas nous en tenir qu’à cela. Ce que nous dénonçons dans ce statut c’est le cantonnement des Instituteurs certifiés (IC) et des Instituteurs adjoints certifiés (IAC) et le blocage de leur carrière. Ces 60 mille enseignants IC et IAC qui sont là aujourd’hui deviendront quoi dans 10 ou 15 ans ? On ne leur a même pas permis d’aller au-delà de la limite d’âge. Mais les conseillers et les Instituteurs Principaux, ont une dérogation. On leur permet d’aller jusqu’à 55 et 57 ans. Mais chez les IC/IAC non. Ceux qui ont 47 ans ont juste une bonification. Nous pensons que ce sont là des points très importants qui devraient être pris en compte dans cette lutte. Nous allons nous-mêmes lutter pour la satisfaction de ces points.

Minute.bf: Ne pensez-vous pas qu’il y avait lieu de convoquer urgemment une assemblée générale avec la CNSE après la levée du mot d’ordre de grève pour exposer clairement vos préoccupations ?

C’est une option non envisageable dans la mesure où bien des syndicats de l’éducation légalement constitués se sont vus refuser l’accès à la CNSE pour diversifier le débat. Par conséquent, nous avons pris l’option de créer notre syndicat, ce qui n’est pas interdit.

Minute.bf: Ne pensez-vous pas qu’en allant en rang dispersé dans cette lutte vous risquez peut-être de ne pas pouvoir mieux convaincre le gouvernement dans vos revendications ?

Nous n’allons pas en rang dispersé. La preuve est qu’au niveau des IAC et IC, il y a un autre syndicat qui se crée et nous allons travailler ensemble. Au-delà de ce nouveau syndicat il y a d’autres syndicats qui existaient et qui ont même lutté avec la CNSE qui ne sont pas aujourd’hui satisfaits de l’aboutissement des négociations. En plus il faut composer avec la pertinence de nos revendications et la mobilisation autour d’elles.

Minute.bf: Quelles difficultés avez-vous rencontrées après la création de votre syndicat ?

Nous n’avons pas eu de problème avec quelqu’un. Au contraire, nous recevons tous les jours des encouragements. Moi particulièrement je reçois 10 à 20 appels par jours de gens qui nous disent que ce que nous avons fait est très bien. Le SG reçoit plus de deux cent appels d’encouragement par jour. Et jusque-là, les gens continuent d’appeler. C’est un syndicat qui était réellement attendu. Je me demande où étions-nous bien avant pour ne pas penser à créer ce syndicat un peu plus tôt.

Minute.bf: Pourtant nous avions appris que le SG recevait des menaces de certains de ses anciens camarades de lutte. Vous confirmez ?

Je préfère dire non. Je ne le confirme pas. Personnellement j’ai reçu un coup de fil d’un syndicat qui demandait s’il n’était pas préférable de se rencontrer pour en discuter. Nous avons dit non. Nous avons pris connaissance des conclusions, nous avons trouvé que nous ne sommes pas satisfaits et nous connaissons maintenant par où passer. Donc, nous allons nous constituer et continuer la lutte. Nous ne sommes pas venus pour combattre un syndicat. Nous sommes venus pour défendre nous-mêmes nos intérêts. Le seau d’eau que je devrais prendre, je ne le fais pas prendre par quelqu’un d’autre, je le prendrai moi-même.

Minute.bf: Concrètement, quels sont vos points de revendications ?

Nous ne sommes pas contre le système qui a été mis en place, c’est-à-dire reverser les IC et IAC en A3 mais il faudra réfléchir sur la faisabilité. D’abord le reversement passe par un test. Il y a combien de personnes qui ont aujourd’hui 45 ans et plus? Juste une bonification pour eux. Quel sort leur sera réservé lorsque des collègues plus jeunes vont faire l’examen, et être reclassés en A3 dans la même école?
Au-delà de tout cela, lorsqu’on reversera les Instituteurs Principaux et les Conseillers à travers le concours spécial, nous nous retrouverons avec plus de 6 mille inspecteurs. Dans 10, voire 15 ans, on n’aura vraiment plus besoin de recruter un inspecteur. Tout ce lot, même étant en A3, ne peut pas espérer devenir inspecteur. L’Etat ne va pas recruter ce dont il n’a pas besoin. Nous-mêmes les syndicalistes, si l’Etat lance un concours d’inspectorat après ce concours spécial, nous leur demanderons à quoi ça sert, parce qu’on va se retrouver avec une moyenne de 11 inspecteurs par Circonscription d’Education de Base.

Nous disons que lorsque nous faisons un concours, c’est le plan de carrière qui doit nous attirer. Lorsqu’il n’y a pas un plan de carrière, on y va. Mais je ne peux pas venir faire un concours tout en sachant que je n’évoluerai pas. Je ne fais pas le concours de l’enseignement pour rester en A3.

Minute.bf: Le 1er vice-président de l’Assemblée nationale, Benewendé Sankara décriait la création d’un nouveau syndicat de l’éducation alors que le gouvernement avait déjà engagé des négociations avec la coordination des enseignants dans laquelle se retrouvaient les responsables de ce nouveau syndicat. Votre réaction ?

Je veux répondre directement à Me Stanislas Sankara pour lui dire que lorsqu’il créait l’UNIR/PS son parti, il n’y avait pas moins de 40 partis politiques au Burkina Faso dont au moins sept partis Sankaristes avec Erneste Nongma, Norbert Tiendrébeogo, Nayatboumbou Congo Kabore, Nana Thibau, pour ne citer que ceux-là. Pourquoi avoir créé son parti à part ? Autant le nombre de partis anime la vie politique, autant le nombre de syndicats anime la vie syndicale.

Minute.bf: Est-ce que vous-vous sentez bien sur le terrain ?

Nous nous sentons très bien comme un poisson dans l’eau. Les camarades ne font qu’adhérer et on nous réclame déjà dans les provinces pour la mise en place des bureaux. C’est dire qu’à un certain moment, les gens se sont sentis abandonnés. En fait, si celui que tu envoies lutter pour toi ne le fait pas, vas lutter toi-même. Le gouvernement sera obligé de nous écouter parce que nous sommes le bétail syndical. C’est nous qui sommes capables et c’est nous qui avions paralysé le système éducatif jusqu’à ce que l’Etat nous écoute. Si nous ne sommes pas pris en compte, c’est dangereux.

Minute.bf: Après votre revendication portant sur la question d’âge pour les tests, quelles autres revendications avez-vous ?

Nous revendiquons en plus une indemnité compensatrice pour les préparations de classe, car au-delà des huit heures normales, l’enseignant a au minimum 3 heures supplémentaires par nuit pour cette préparation et la correction des devoirs journaliers.
Nous demanderons aussi au gouvernement d’instaurer une indemnité de risque parce que les enseignants ne sont plus en sécurité.
Nous demanderons également la prise en charge du cursus scolaire des ayant droits de ceux qui ont payé de leur vie pour l’éducation.
Nous lutteront pour un statut autonome qui est forcément accompagné d’une grille salariale conséquente.

Minute.bf: Vous avez dit que le gouvernement sera obligé de vous écouter et vous avez indiqué que la CNSE a pris deux ans pour avoir son statut valorisant mais vous prendrez 9 mois seulement pour avoir un « statut réellement valorisant ». Comment comptez-vous vous y prendre ?

Nous allons simplement engager un dialogue franc avec le gouvernement. Nous allons attirer son attention sur les risques de ce statut. Ils comprendront et nous en sommes convaincus. Ils comprendront que la carrière de plus de 60 mille personnes est mise en jeu.

Minute.bf: Est-ce à dire que si le gouvernement ne satisfait pas complètement à vos revendications vous aller prendre en otage l’année scolaire prochaine ?

A la rentrée prochaine nous aviserons. Si nous nous entendons, tout ira bien. Mais si nous ne nous sommes pas entendus, vous nous reverrez entre vos murs ( ndlr; à la Rédaction de www.minute.bf).

Nous tendons la main à tous les syndicats. Nous ne sommes pas venus pour lutter contre un syndicat. Je lance un appel à tous les IC, tous les IAC et tous les autres corps de l’éducation pour dire que la lutte n’est pas terminée. Ce que nous avons eu avec la CNSE, c’est juste une étape. Nous allons continuer la lutte et nous allons accompagner la CNSE tout en apportant du nouveau, pour peu que la CNSE accepte de revenir travailler avec nous. 

Propos recueillis par Armand Kinda et Adam’s Ouédraogo (Statgiaire)

Pour www.minute.bf

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