Nous sommes le vendredi 27 mars, deuxième jour de la fermeture des marchés et yaars conformément à la décision du gouverneur de la Région du Centre. Afin de voir l’effectivité de l’application de la mesure dans les marchés et yaars concernés, Minute.bf a dépêché une équipe au marché des cycles et cyclomoteurs communément appelé Théâtre populaire (TP) à Ouagadougou, pour un constat.
Il est environ 10h, au moment où nous arrivons au TP. Si le marché est fermé, ses occupants eux, n’ont pas pu s’empêcher d’occuper quelques endroits, échangeant sur leurs préoccupations. Une présence qui témoigne de comment la fermeture du marché est une pullule difficile à avaler pour ces derniers.
Comme à leurs habitudes, nous sommes accueillis par les interminables « piiisss piiisss piiisss… », nous demandant de nous arrêter qui pour réparer notre engin, qui pour nous proposer des pièces ou autres gadgets. Nous nous arrêtâmes chez un mécanicien pour commencer la conversation mais dès que nous nous sommes présentés, l’hostilité s’installa. « C’est vous qui nous créez les problèmes. Je ne vais pas parler et surtout pas de photos », nous a-t-il refoulé tout en maugréant en ces termes : « les gens se cherchent et le gouvernement décide encore de fermer le marché. Depuis hier c’est bizarre mais les jours suivants, il nous aura sur son dos. Qu’allons nous manger si nous ne sortons pas? ».
Chassés, nous sommes interpellés et accueillis cette fois-ci par Wahabe, un autre mécanicien de cyclomoteurs qui lui, accepte de nous parler. « Ce que nous voulons dire aux autorités, c’est que la fermeture des marchés n’est pas la solution. Plutôt que cela, nous aurions souhaité que le gouvernement dépose des lave-mains dans les quatres coins du marché pour que toute personne devant entrer dans le marché se lave les mains d’abord. Cela ajouté au port des masques de protection devrait nous permettre de continuer d’exercer nos différentes activités afin de subvenir à nos besoins », propose-t-il. Pour ce dernier, rares sont les personnes parmi eux qui « peuvent subvenir à leurs besoins en observait ne serait-ce que 3 jours de travail ».
« Le gouvernement travaille-t-il pour nous ou pour ses propres intérêts ?«
A Idrissa, vendeur de pièce détachés d’abonder dans le même sens. « Comme nous ne pouvons plus travailler, nous nous sommes regroupés ici pour échanger. Je suis là depuis le matin et voyez vous, quelqu’un m’a donné 10 000 FCFA pour une pièce qu’il a acheté à 200f, je me bats pour avoir la monnaie sinon je ne mange pas aujourd’hui », nous a-t-il expliqué avant de prier : « Que Dieu nous vienne en aide car même si la mesure est normale, nous ne savons pas à quel saint se vouer ».
Plus loin, nous tombons sur un autre attroupement. Abdoulaye Zongo se livre à notre micro et s’en prend aux autorités. « Je veux m’adresser au président du Faso », lance-t-il avant de s’insurger : « Les autres pays ont pris des mesures d’accompagnement mais qu’est-ce que le gouvernement a fait pour nous? Même les simples bavettes, le gouvernement n’a pas pu distribuer aux populations. Je prends l’exemple sur la Mauritanie à côté où le gouvernement a décidé de prendre sur lui les factures d’eau et d’électricité pour 2 mois tout en mobilisant 13 milliards pour venir en aides aux personnes démunies ».
Visiblement remonté, « le gouvernement travaille-t-il pour nous ou pour ses propres intérêts ? », s’interroge M. Zongo. En outre, pour le vendeur de pièce détachées, « si les autorités ne peuvent pas s’occuper des populations, qu’elles ne les empêchent pas de travailler pour s’occuper d’elles-mêmes ». « Déjà que nous souffrons, si le marché est fermé, que deviendrons nous? », s’est-il interrogé de nouveau.
À M. Ouédraogo, également vendeur de pièces détachées de renchérir « la fermeture des marchés n’est pas la solution. Nous ne pouvons pas copier certains pays. Ici, les gens n’ont pas à manger. Le marché est notre seule source de revenu. Si nous restons à la maison, nous ne mangeons pas », s’est plaint ce dernier qui souhaite également la prise en charge des factures d’eau et d’électricité par l’État.
Saïdou Gansonré à son tour, dit clairement qu’il ne peut pas rester à la maison. « Tous ceux que vous voyez arrêter ici sont là parce qu’ils ne peuvent pas rester à la maison », a-t-il laissé entendre. « Si tu n’as rien laissé à la maison, à ta famille, tu vas rester pour faire quoi ou pour dire quoi aux tiens ? », questionne-t-il. « Nous demandons au gouvernement d’assouplir sa mesure afin de nous permettre de travailler sinon, à moins qu’ils vont vraiment prendre des dispositions pour nous en empêcher, nous allons continuer de venir », a lâché M. Gansonré.
Assis devant sa boutique, porte close et cadenassée, Souley Ouédraogo, lui, invite ses camarades au respect de la mesure même s’il partage leur amertume. « C’est difficile mais comme c’est pour empêcher la maladie de se propager, je pense que nous n’avons pas le choix », s’est-il justifié. Il pense de ce fait que « c’est parce que nous nous portons bien que nous pouvons vaquer à nos occupations. Il y’en a qui étaient malades avant cette pandémie et eux ne se targueront pas de venir ici parce qu’ils veulent chercher de l’argent ».
« Les commerçants ne veulent pas comprendre… »
Toutefois, comme certains, ce derniers invitent le gouvernement à prendre des mesures d’accompagnement pour les commerçants. « Le président doit prendre des dispositions pour, après cette crise sanitaire, nous exonérer des frais de location des hangars », souhaite M. Ouédraogo.
Dans ce qu’on peut appeler notre randonnée au TP, nous tombons cette fois-ci sur un gardien du marché qui nous fait part des difficultés qu’il rencontre pour s’assurer de la fermeture du marché. « Les commerçants ne veulent pas comprendre. Nous sommes traités de tous les noms d’oiseaux ici et subissons des injures de toutes sortes », nous a-t-il confié, réclamant l’anonymat. Ce dernier a expliqué que certains commerçants veulent forcer pour avoir accès à leur boutique et c’est en opposant un refus qu’ils essuient des injures. Ce dernier a terminé en souhaitant un retour à la normale de la situation pour le bien de tous et de chacun.
En rappel, le lundi 23 mars dernier, le gouverneur de la région du centre avait décidé de la « fermeture des gros marchés et yaars » afin de limiter la propagation de la maladie à coronavirus. Cette mesure qui a pris effet depuis le jeudi 26 mars, se poursuit et doit prendre fin le 20 avril 2020.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf