dimanche 8 septembre 2024
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Procès CCI-BF contre Martin Sawadogo : Le verdict attendu le 26 septembre prochain

Les débats entrant dans le cadre du procès opposant la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) à l’opérateur économique burkinabè, Tinga Martin Sawadogo se sont tenus, ce mardi 12 septembre 2023, du côté du Tribunal de grande instance Ouaga 1. A l’issue de plusieurs heures d’échanges houleux, le ministère public a requis la relaxe du prévenu Martin Sawadogo pour les faits de diffamation et injures publiques dont il était accusé.

C’est autour de 12h que les débats se sont ouverts avec comme première personne à être appelée à la barre, Ferdinand Ouédraogo. Bien qu’il ne soit pas cité dans le présent dossier, les juges ont souhaité savoir la nature des « écritures » qu’il dit détenir et les motifs pour lesquels il estime que la procédure de la CCI-BF est illégale. « Pouvez-vous nous fournir des documents qui attestent que vous êtes le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso ? », lui a demandé le tribunal. Le concerné répondra par l’affirmative, s’empressant de présenter un procès verbal de création d’une association dénommée « Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso », dont il dit en être le président. Après lecture dudit document, le tribunal va remarquer que parmi ses signataires figure le nom du prévenu Tinga Martin Sawadogo. Interrogé sur la question, M. Sawadogo a expliqué que c’est une association qu’il a contribué à créer en collaboration avec Ferdinand Ouédraogo, après qu’il ait démissionné de la Chambre de Commerce et d’industrie du Burkina où il travaillait.

Mais il a aussi affirmé qu’il a quitté cette association en raison de certains agissements de son compagnon. « Après la création de l’association, il passait son temps à faire des publications où il disait à chaque fois qu’il est le président de la CCI-BF. Je lui ai dit que ça ne se passe pas comme ça, mais il persistait. Donc j’ai décidé de ne plus faire partie de son association », a-t-il indiqué précisant qu’il a même informé l’autorité de son départ. Il a aussi révélé que suite à une précédente procédure judiciaire enclenchée par la CCI-BF, son ancien compagnon, qui n’est autre que Ferdinand Ouédraogo, a même été condamné pour « contrefaçon d’une marque commerciale ».

Ferdinand Ouédraogo va contredire cela en disant qu’il n’a pas été condamné mais « mis en examen ». Du reste, il a estimé que le tribunal n’a pas été « juste » en rendant cette décision. Il dit avoir même contesté cette décision. « On veut m’ôter le droit d’utiliser le nom de ma propre association », s’est-il insurgé. C’est sur ces entrefaites que l’audience a été suspendue pour la pause.

A la reprise, le tribunal a finalement décidé d’écarter l’intrus, Ferdinand Ouédraogo, estimant qu’il n’est pas cité dans le présent dossier. Le prévenu Martin Sawadogo a donc été appelé à la barre pour s’expliquer.

Le débats

A la barre, Tinga Martin Sawadogo a reconnu partiellement les faits à lui reprochés. Il a soutenu que la publication qu’il a faite le 3 juin 2023, sur les réseaux sociaux, ne visait pas directement l’institution Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) mais plutôt son fonctionnement. Il a confié avoir repris une information relayée dans le site en ligne du journal d’investigation, Courrier confidentiel, dans sa parution du 5 mars 2023 où était citée une société de la place. L’information faisait cas selon ses dires, de ce que cette société qui appartient selon lui, au président de la chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, est mêlée à une affaire de contrebande de carburant.

« En lisant cette information, j’ai dit que si ses sociétés sont impliquées dans cette affaire alors que nous sommes dans une situation comme ce que nous vivons, il serait bien qu’il ( le président de la CCI-BF) démissionne », a avancé le prevenu pour sa défense. Martin Sawadogo a insisté sur le fait que son post est une critique sur le fonctionnement de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso qui souffre selon lui de plusieurs maux.

De ses dires, le fonctionnement de la CCI-BF offre une part belle aux entreprises françaises qu’à celles burkinabè. « La CCI-BF gère des infrastructures marchandes comme Ouaga inter. Vous verez qu’à ce niveau par exemple, la partie la plus intéressante qui est la manutention des marchandises a été confiée à une entreprise de Bolloré. Je n’ai pas besoin de vous faire l’historique de Bolloré, mais dans tous les pays africains où il intervient, on lui a toujours reproché sa manière de fonctionner. Les entreprises françaises défendent leurs intérêts mais moi aussi j’ai le devoir de défendre les intérêts des entreprises burkinabè » a-t-il expliqué comme raison de son post.

Mais, sur l’infraction d’injures publiques, il est accablé par les termes qu’il a employés dans ledit post. C’est d’ailleurs ce que va lui faire remarquer le tribunal quand il lui a demandé de savoir à qui il faisait allusion avec les termes « arnaque » ou encore « monstrueux boulet » qu’il a employés dans son écrit. Dans son post du 3 juin, M. Sawadogo aurait en effet laissé entendre selon le tribunal que : « La Chambre de commerce est le seul Prétendu Etablissement Public de l’Etat doté d’une autonomie financière (une vraie arnaque) ». Il aurait aussi ajouté : « En tout état de cause la CCIBF en sa forme actuelle est un monstrueux boulet au pied du secteur privé et un monstre au service des intérêts français ». Des phrases qui sont caractéristiques de l’injure publique selon le tribunal.

En reponse à cela, le prévenu a expliqué que tous les établissements publics de l’Etat au Burkina Faso sont placés sous la tutelle financière du Ministère de l’économie et des Finances, à l’exception, dit-il, de la CCI-BF. Ce qui ne serait pas normal d’après lui, au regard de « l’immensité du pouvoir de la Chambre de commerce dans le monde des affaires ». Il a indiqué que c’est cet aspect des choses qu’il a qualifié d’arnaque dans sa publication. Évoquant le terme « monstrueux boulet » utilisé dans sa publication, il a répondu au tribunal en disant avoir utilisé un style de langage « pour faire allusion au gigantisme de la chambre de commerce », qui occuperait selon ses dires, une place prépondérante dans le monde des affaires au Burkina Faso.

Ses explications ont été battues en brèche par les avocats et le conseiller juridique de la CCI-BF, Hamidou Kobré. Jugeant les propos du prévenu mensongers et assez graves, le conseiller juridique a relevé que contrairement à ce qui est avancé sur les réseaux sociaux, la chambre de commerce a bien un compte Trésor. Il a aussi précisé que le ministère des finances est toujours associé aux actions entreprises par la chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso. Du reste, M. Kobré a fait savoir au tribunal, que le prevenu ne dispose d’aucune preuve qui permette d’établir un lien entre l’affaire contrebande de carburant qu’il évoque et la CCI-BF. « Nous, à notre niveau, nous n’avons aucun élément qui puisse permettre de faire le lien entre la société (incriminée, ndlr) et la chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso. Il parle aussi d’opacité dans la gestion de la Chambre de commerce, aujourd’hui il n’y a aucun élément de preuve de ce qu’il avance », a-t-il démenti. Pour lui, le sieur Tinga Martin Sawadogo a voulu profiter du contexte actuel où les relations avec la France sont délétères pour « nuire » à la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina. « Lorsqu’il dit que la CCI-BF sert les intérêts français, il n’y a aucun élément de preuve pour établir cela. Il a justifié cela par le fait que Bolloré gère un terminal, alors que ce n’est pas la seule société qui gère les terminaux. Le problème avec le contexte actuel c’est que dès lors qu’on évoque des sujets sensibles de ce genre, ou qu’on dit que telle autorité ou structure publique gère les institutions françaises, ça peut créer d’autres problèmes », a-t-il clarifié.

Pendant plusieurs heures, les avocats de la partie civile se sont exercés à démontrer la constitution des infractions de diffamation et d’injures publiques reprochées au prevenu. Ils ont cité notamment les articles 524-4 et 524-6 du nouveau Code pénal burkinabè qui répriment ces faits. A la suite de plusieurs démonstrations sur sa culpabilité, ils ont demandé à titre de réclamations, la somme de 1 F symbolique devant permettre de « laver l’honneur de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso ». Ils ont aussi exigé la suppression du post incriminé des réseaux sociaux et la publication d’un démenti sur les mêmes réseaux sociaux et dans trois journaux par le prevenu. Ils ont également souhaité qu’il soit condamné au paiement de la somme de 1 million de FCFA au titre des frais exposés.

Le procureur pour sa part, a requis que Martin Sawadogo soit relaxé au bénéfice du doute pour l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. Le parquet a indiqué que rien ne prouve à ce stade, que l’information du journal, que le prévenu dit avoir relayée n’est pas vérifiée. Il a aussi soutenu que l’écrit du prévenu est une forme de critique faite sur le fonctionnement de la chambre de commerce et que par conséquent, l’on ne pourrait le punir pour cela.

Une réquisition saluée par les avocats du prévenu. Pour Me Paul Kéré, l’un des avocats, son client ayant justifié toutes ses déclarations par des preuves, c’est à juste titre que le procureur a requis sa relaxe. « Le fait que mon client ait apporté toutes les preuves de ce qu’il a dit, ça s’appelle l’exception de vérité. Il a apporté toutes les preuves concrètes que ce qu’il a dit est vrai et ça fait partie d’une critique juste et constructive que malheureusement les plaignants n’ont pas compris », a-t-il indiqué.

Prenant la parole pour son dernier mot, Tinga Martin Sawadogo a confié que la plainte portée par la CCI-BF contre lui, est due à « la crainte des dirigeants actuels de la Chambre de commerce que le gouvernement prononce sa dissolution ». « La Chambre de commerce a été dissoute à deux reprises : une sous le Conseil national de la révolution et une en 2014. Donc les dirigeants craignent que le gouvernement ne prononce sa dissolution à nouveau », a-t-il martelé.

Le délibéré de cette affaire est renvoyé au 26 septembre prochain.

Oumarou KONATE

Minute.bf

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