L’unité d’action syndicale (UAS) a commémore le 7 janvier 2023, la date historique du 3 janvier à la bourse du travail de Ouagadougou. Une commémoration qui a été ponctuée par un panel sous le thème: « la résurgence des coups d’Etat dans la sous-région ouest-africaine et ses enjeux : quelles perspectives pour les peuples ? ».
Le Pr Léon Sampana, enseignant chercheur de l’université Nazi Boni de Bobo Dioulasso était l’un paneliste du jour. Pour lui, le thème est d’actualité si bien que « le coup d’Etat est devenu une tradition » au Burkina Faso et le pays des Hommes intègres n’est pas aussi « une exception » dans la sous-region ouest-africaine, vu de ce qui s’est passé dans des pays comme le Mali et la Guinée.
Le Pr Sampana a aussi expliqué que généralement ce sont « les militaires, qui sont des agents de l’état, qui font les coups d’Etat car c’est le corps qui dispose de ressources coercitives qui en principe sont mises à leur disposition pour protéger les institutions et les peuples. Mais ce sont ces ressources qui sont retournées contre les institutions et contre les peuples ».
Le paneliste a, par la suite, examiné ce qui pourrait être les causes, les conséquences et proposé des perspectives aux peuples face à ces coups d’Etat.
Pour les causes des coups d’Etat en Afrique occidentale, Pr Léon Sampana énumère deux volets : des causes « pretexes » ou le terrain est fertile pour un coup d’Etat. Ces causes sont souvent rythmées par des crises socio-économiques. La date historique du 3 janvier peut être classée parmi ces causes pretexes.
Le communicateur a fait cas également des mutineries, les remous sociaux, la corruption ou encore « les coups d’Etat constitutionnels » comme par exemple la tentative de la modification de l’article 37 en 2014 qui a abouti, selon lui, aux putschs du général Honoré Nabéré Traoré et du Lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida.
En plus de ces pretexes, on pourrait ajouter des « problèmes de l’armée » qui sont caractérisés le plus souvent, selon M. Sampana, par des revendications coorporatrices, des frustrations de militaires face à la gestion de la question sécuritaire comme les deux putschs au Burkina Faso en 2022 et celui du Mali en 2020. Il fait noter aussi, « l’instrumentalisation de l’armée ou encore l’ingérence des puissances extérieures ». Mais ces causes ne sont que des prétextes parce que dans d’autres pays il y a les mêmes crises mais il n’y a jamais de coup d’Etat.
« La plupart des pays trichent avec la démocratie »
Si ces causes ne sont que des prétextes, alors, quelles peuvent être les vrais causes des coups d’Etat en Afrique de l’ouest ? « Le déficit démocratique et la faible culture démocratique » sont les principales causes si l’on s’en tient aux explications du Pr. Léon Sampana. En effet, « la plupart des pays trichent avec la démocratie sous le regard complice de leur population », a-t-il expliqué. Cette tricherie donnera lieu à des « faux » régimes démocratiques. « On se retrouve avec des régimes constitutionnels sans régimes démocratiques. Ce n’est pas l’élection qui compte mais la qualité de l’élection », a indiqué Pr Léon Sampana. Et cela n’est pas sans conséquence.
Les coups d’Etat engendrent sans doute des conséquences dans la vie de la nation. La première conséquence d’un putsch est « le bouleversement de l’ordre constitutionnel », a laissé entendre notre paneliste. Ce bouleversement peut sonner l’arrivée d’un « régime d’exception » avec entre autres des violences, la réduction de la liberté d’expression. « Comme le pouvoir a été pris par les armes, c’est par les armes aussi qu’il se défend », a-t-il illustré.
À cela, il faut ajouter aussi, « l’instabilité économique et la suspension des financements » qui vont venir accroître la crise économique qui existait déjà bien avant le coup d’Etat. Aussi, « le renforcement de l’appareil militaire », le putsch contribue à renforcer « l’assise de l’armée au pouvoir ». Pour preuve, depuis son arrivée sur l’appareil d’Etat en 1966, jusqu’à nos jours elle n’est plus repartie. « Il n’existe pas de coup d’Etat salvateur », dira Pr Sampana pour conclure sur ce volet.
Que peut faire le peuple si le putsch est déjà consommé ?
Selon le paneliste, il y a des perspectives
pour les peuples après les coups d’Etat. Quand le peuple se retrouve avec « un putsch déjà consommé, il faut une prise de responsabilité pour orienter les conditions dans le sens de la satisfaction des aspirations populaires ».
De façon concrète, le peuple ne doit pas baisser les bras et laisser le régime faire ce qu’il veut, a martelé M. Sampana. Il faut faire émerger « une culture démocratique citoyenne capable de faire face aux velléités de confiscation du pouvoir mais aussi aux mécanismes anticonstitutionels d’accession au pouvoir », pense-t-il.
Pr Léon Sampana, lors de sa communication, a rendu un hommage au regretté Dr Luc Marius Ibriga. C’est d’ailleurs Luc Ibriga qui avait été choisi pour animer ce panel, selon les organisateurs. Mais en raison de son état de santé d’alors fragile, il avait conseillé de se faire remplacer par son collègue juriste Pr Sampana.
Mouni Ouédraogo
Minute.bf