jeudi 21 novembre 2024
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Recrudescence de dengue au Burkina : Les clarifications de chercheurs sur certaines rumeurs

Le Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST) à travers son Institut de recherche en science de la santé (IRSS), a initié, ce mercredi 22 novembre 2023 à Ouagadougou, un atelier d’information et d’explication avec les médias sur les travaux de recherche sur les moustiques génétiquement modifiés, à travers le projet de recherche Target Malaria. Il s’agit concrètement de contrer la confusion et la désinformation nées d’une partie de l’opinion publique qui consiste à pointer du doigt le projet dans la recrudescence de la dengue.

La recrudescence de la dengue n’est pas liée au lâcher de moustiques effectué en 2019 à Bana. C’est l’assurance donnée par les chercheurs. Il faut préciser d’entrée que la dengue est une maladie qui existe depuis toujours au Burkina Faso et dans bien d’autres pays. La dengue partage avec le paludisme des symptômes similaires. Mais le moustique responsable du paludisme n’est pas le même moustique responsable de la dengue, a assuré Dr Emmanuel Nanema, Directeur général du Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST).

Le présidium, avec Dr Emmanuel Nanema, Directeur du CNRST pour le lancement de l’atelier d’information

Cela dit, Dr Moussa Guelbeogo, entomologiste médical, dans sa communication sur « Dengue et prévention : la lutte antivectorielle », a levé tout équivoque sur cette question. Selon le chercheur, le moustique qui donne le paludisme, l’Anophèle, a une durée de vie de moins 12 jours dans la nature. Il est carrément différent du moustique responsable de la dengue, l’Aedes, encore appelé moustique tigre. Ce dernier type de moustique, à en croire le Dr Guelbeogo, dure 15 à 21 jours au maximum dans la nature. Ce moustique ne se produit pas forcément dans les flaques d’eau comme le moustique du paludisme.

Il se reproduit dans les déchets, les sachets usés, les pneus usés et il pique entre 16h et 20h.

L’Anophèle à gauche, l’Aedes à droite

La dengue n’est en rien liée au lâché de moustique

En effet, les technologies génétiques sont des nouvelles approches de lutte qui ont pour objectif, la réduction du nombre de moustiques vecteurs du paludisme, par le biais de la modification génétique. Les moustiques génétiquement modifiés ne visaient autre motif que de réduire la dangerosité des moustiques Anophèles. Il s’agit là d’une solution qui a été envisagée pour apporter une réponse au constat alarmant concernant le paludisme. En 2022, plus de 11 000 000 de personnes ont été infectées du paludisme avec 4 243 décès dont plus de 2 925 enfants de moins de 5 ans et 37 femmes enceintes, selon le Secrétariat Permanent pour l’élimination du Paludisme (SP/Palu-BF 2023).

Le Pr Abdoulaye Diabaté, intervenant sur le projet Target Malaria, l’approche de lutte génétique pour combattre les moustiques vecteurs du paludisme, a indiqué que le projet s’est focalisé à attaquer l’un des 4 vecteurs du moustique Anophèle, surtout, la capacité de reproduction. Il s’agit de casser la chaîne de reproduction pour arrêter le paludisme.

Dans son argumentation, le Pr Diabaté a plus explicitement révélé que le projet Target malaria consiste à détruire le chromosome X fourni par le moustique mâle de sorte à ne laisser que le chromosome Y à transmettre au moustique femelle. Donc le but recherché est de faire féconder au moustique femelle des moustiques mâles. Le paludisme se trouvera ainsi minimisé à travers cette modification génétique, a-t-il souligné.

Pr Abdoulaye Diabaté, chercheur à l’IRSS, responsable du projet target malaria au Burkina Faso

« C’est ce qui a été fait par le lâché de moustiques effectué en 2019 à Bana, 7 ans après le début du projet en 2012. Ce lâché a pour objectif d’estimer la survie journalière des mâles lâchés, la participation des mâles aux essaims et le vol de dispersion des mâles. Mais on nous dit comment on peut reconnaître les moustiques lâchés. Pour reconnaître les moustiques lâchés, une fois au laboratoire, à travers le microscope ou le PCR, ils sont facilement identifiables. Il y a une signature génétique unique pour les moustiques génétiquement modifiés », a détaillé le chercheur, avant de révéler que les moustiques lâchés ne pouvaient pas parcourir plus de 500 m, et même qu’au bout de 20 jours dehors, les moustiques génétiquement modifiés ne pouvaient plus survivre.

« Je pense qu’il y a beaucoup d’amalgames. Quand on dit que la dengue est transmise par les moustiques, tout de suite, les gens font le rapport avec tous les autres moustiques qui existent. Alors que nous tous, individuellement si nous observons les moustiques, nous pouvons remarquer différents types de moustiques. Vous allez vous rendre compte que tel moustique est noir et l’autre un peu brun. Ce sont des moustiques qui sont complètement différents. Quand on regarde le moustique qui transfère le paludisme, c’est l’Anophèle, tandis que la dengue, c’est le moustique Aèdes. Ce sont des espèces déjà différentes. Il n’y a pas d’échange de gêne entre eux. Le bouc et la brebis, vous les mettez ensemble, il n’y a pas de partage de gêne entre eux parce que la nature a fait de telle sorte que ça protège l’intégrité génétique de chaque espèce. Le deuxième élément, c’est que le pathogène qui est responsable du développement du paludisme, c’est un parasite appelé le plasmodium alors que pour la dengue, c’est un virus avec 4 stéréotypes. L’Anophèle n’est pas capable de prendre le virus de la dengue, le maintenir et transmettre à quelqu’un. Alors que Target malaria a travaillé essentiellement sur l’Anophèle », a clarifié le Pr Diabaté.

Photo de famille avec les participants

À en croire le chercheur, ce n’est pas nécessaire de porter plainte contre ces gens qui n’ont pas la bonne information. « Tout ce processus de plainte, nous préférons prendre ce temps pour travailler avec la masse pour expliquer ce que les gens ignorent ». Pr Abdoulaye Diabaté a assuré que ces rumeurs n’ébranlent en rien sa détermination à poser les jalons pour la fin du paludisme au Burkina Faso et en Afrique.

En somme, il ressort que la persistance du paludisme s’explique entre autres par les comportements humains néfastes qui complexifient la lutte contre la maladie. Les communicant ont demandé à la population d’assainir son cadre de vie pour éviter au maximum la propagation des moustiques. L’autre défi à relever, c’est aussi la résistance des moustiques aux insecticides utilisés sur les outils de lutte contre les moustiques vecteurs du paludisme et celle des parasites à certaines molécules de traitement.

Mathias KAM

Minute.bf

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