dimanche 8 septembre 2024
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Rupture Accords de défense France-Burkina: « C’est une décision parfaitement cohérente », Imhotep Bayala

Le Burkina Faso a décidé de dénoncer les accords de l’assistance militaire qui le lient à la France depuis 1961. www.minute.bf a approché le secrétaire général de « deux heures pour l’Afrique, deux heures pour Kamita » pour qu’il donne sa lecture sur cette décision du gouvernement de la transition. C’est sans langue de bois que Imhotep Lianhoué Bayala, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est exprimé. Lisez !

Minute.bf: En tant que membre fondateur du Mouvement deux heures pour l’Afrique, deux heures pour Kamita, vous avez toujours prôné la prise en main des Africains de leur propre destin. Aujourd’hui, le gouvernement burkinabè dénonce les accords militaires qui lient le Burkina à la France. Comment est-ce que vous avez accueilli cette nouvelle?

Cela fait dix ans que nous menons ce combat d’appel à la souveraineté de prise de conscience au niveau supérieur de l’Etat, de prise de mesures agissantes pour briser les liens et les chaînes coloniales
d’asservissement néocolonial de nos États.
Pour nous, il ne peut pas avoir d’indépendance supervisée par le bourreau d’hier, par l’esclavagiste d’hier. Il ne peut y avoir de souveraineté dont les conditions et les périmètres sont définis par la présence et le maintien dans nos administrations et dans des axes stratégiques de l’intimité nationale de notre pays, des militaires d’un autre pays qui n’est autre que le pays colonisateur dans les mailles et sérails de notre armée. Cela relève de la pure et fondamentale intimité d’une nation. Vous vous souvenez en 1966, le Général De Gaulle va dénoncer la présence de l’OTAN du canada et de l’Angleterre en termes de base militaires et d’expertise dite militaire dans l’armée française, parce que aucune volonté de souveraineté ne peut rimée avec assistanat, assistanat imposé, assistanat exclusivement défini par le bourreau. Je ne pense pas que cela soit acceptable et qu’on continue de se faire appeler pays indépendant ou pays souverain.

Minute.bf: Estimez-vous cette rupture opportune ?

Pour nous, c’est une décision parfaitement cohérente avec l’appel incessant des masses populaires africaines qui gémissent depuis les campagnes et qui exigent afin de pouvoir respirer, du colonialisme et de ses adeptes, qui exigent de la macroni, de Macron et du pouvoir de l’Elysée, de lever leur genoux sur le cou de l’Afrique et sur le cou de notre pays. Donc c’est une décision opportune. 𝘼𝙪𝙟𝙤𝙪𝙧𝙙’𝙝𝙪𝙞, 𝙨𝙞 𝙨𝙤𝙞𝙭𝙖𝙣𝙩𝙚 𝙙𝙚𝙪𝙭 𝙖𝙣𝙨 𝙖𝙥𝙧𝙚̀𝙨, 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙨𝙤𝙢𝙢𝙚𝙨 𝙞𝙣𝙘𝙖𝙥𝙖𝙗𝙡𝙚𝙨 𝙙𝙚 𝙢𝙚𝙩𝙩𝙧𝙚 𝙚𝙣 𝙙𝙚́𝙧𝙤𝙪𝙩𝙚 𝙦𝙪𝙚𝙡𝙦𝙪𝙚𝙨 𝙚𝙣𝙩𝙪𝙧𝙗𝙖𝙣𝙣𝙚́𝙨 𝙖𝙪𝙭 𝙘𝙪𝙡𝙤𝙩𝙩𝙚𝙨 𝙘𝙤𝙪𝙥𝙚́𝙚𝙨 𝙦𝙪𝙞 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙚𝙣𝙙𝙚𝙪𝙞𝙡𝙡𝙚𝙣𝙩, 𝙢𝙖𝙨𝙨𝙖𝙘𝙧𝙚𝙣𝙩 𝙣𝙤𝙨 𝙥𝙚𝙪𝙥𝙡𝙚𝙨, 𝙘’𝙚𝙨𝙩 𝙥𝙖𝙧𝙘𝙚 𝙦𝙪𝙚 𝙘𝙚𝙩𝙩𝙚 𝙖𝙘𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙚𝙩 𝙘𝙚𝙩𝙩𝙚 𝙘𝙤𝙤𝙥𝙚́𝙧𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙢𝙞𝙡𝙞𝙩𝙖𝙞𝙧𝙚 𝙣’𝙖 𝙥𝙖𝙨 𝙟𝙤𝙪𝙚́ 𝙩𝙤𝙪𝙩𝙚 𝙨𝙖 𝙥𝙚𝙧𝙩𝙞𝙣𝙚𝙣𝙘𝙚 𝙝𝙞𝙨𝙩𝙤𝙧𝙞𝙦𝙪𝙚 𝙥𝙤𝙪𝙧 𝙥𝙚𝙧𝙢𝙚𝙩𝙩𝙧𝙚 𝙖̀ 𝙣𝙤𝙨 𝙖𝙧𝙢𝙚́𝙚𝙨 𝙙𝙚 𝙨’𝙚́𝙢𝙖𝙣𝙘𝙞𝙥𝙚𝙧, 𝙙𝙚 𝙜𝙧𝙖𝙣𝙙𝙞𝙧 𝙚𝙩 𝙙𝙚𝙫𝙚𝙣𝙞𝙧 𝙖𝙙𝙪𝙡𝙩𝙚𝙨. 𝘾’𝙚𝙨𝙩 𝙛𝙞𝙣𝙖𝙡𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙚𝙨 𝙛𝙤𝙧𝙢𝙚𝙨 𝙙’𝙖𝙨𝙨𝙞𝙨𝙩𝙖𝙣𝙖𝙩 𝙦𝙪𝙞 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙤𝙣𝙩 𝙞𝙣𝙛𝙖𝙣𝙩𝙞𝙡𝙞𝙨𝙚́𝙨, 𝙦𝙪𝙞 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙤𝙣𝙩 𝙖𝙩𝙩𝙖𝙧𝙙𝙚́𝙨.


Si nous voulons grandir, nous voulons devenir des armées construites avec des opinions claires, affirmées, de notre leadership militaire, politique, économique, spirituel et culturel, il faut bien poser ces actes, qui sont des actes élémentaires.

Lire aussi: Coopération militaire: Le Burkina dénonce les accords de défense de 1961 avec la France

Dans ce contexte où il est récusé la présence française dans le Sahel, prendre de telles mesures au moment où il est soupçonné que ses mêmes acteurs travaillent doublement avec ceux qui nous attaquent, nous qui en sommes victimes pensons que ce n’est pas un acte décalé avec l’opportunité spatiopolitique. C’est est un acte purement et profondément cohérent et opportun . Je pense que vous savez que les autorités officielles du Burkina avaient dénoncé les agissements de l’armée française en 2020 par un écrit officiel du Ministre de la défense interpellant l’attaché militaire de l’ambassade de France. Donc ce n’est pas des propos de rue, pas des préjugés liés en une hantise du colonialisme et de ces effets pervers. Il s’agit là de regarder en face ceux qui compromettent l’émancipation de l’Afrique .

Minute.bf: Croyez-vous que le Burkina Faso pourra assurer sa propre sécurité sans l’assistance militaire française ?

Bien évidemment, puisque cette assistance est là il y’a soixante deux ans et durant soixante deux ans nous n’avions jamais pu mettre en déroute les voleurs et les brigands qui endeuillaient les populations de l’Est jusqu’à ce que des initiatives locales comme les koglweogo prennent forme et deviennent plus opérants que l’armée moderne. Aujourd’hui, nous sommes avec l’armée moderne heurtée à la difficulté, à une incapacité à répondre de façon efficace à la question terroriste. Nous avons des difficultés de maillage stratégique de notre territoire si bien que des portions importantes de notre territoire ne sont plus entre notre main. Mais cela se faisait avec qui ? Avec l’assistance bienheureuse du bourreau d’hier, de l’armée française. Si pendant Soixante deux ans nous n’avons pas pu obtenir des capacités opérationnelles de notre armée à assurer et à garantir sa propre souveraineté, alors il est temps d’arrêter de déléguer nos responsabilités historique, militaire et sécuritaire à d’autres pays. Je pense que le peuple burkinabè peut assurer sa propre sécurité. Regardez l’engouement qu’il y a dans le recrutement des VDP, regardez la bactérie d’initiatives qui sont prises tout dernièrement par les autorités militaires pour pouvoir créer nous-mêmes nos propres Wagner afin de ne pas quitter une tutelle A pour une tutelle B.

Minute.bf: Une certaine opinion appelle à une coopération militaire avec la Russie. Est-ce également votre avis?

Est ce que effectivement il faut aller à une coopération avec la Russie parce qu’on arrête une coopération avec la France? C’est ce qu’il faut éviter. C’est le piège et le scandale dans lesquels il ne faut pas tomber. Il ne faut pas quitter d’un face-à-face avec la France pour aller dans un face-à-face avec la Russie. Il faut aller à une diversification stratégique, pertinente de nos partenaires, de nos partenariats militaires, de nos partenariats économique, culturel, intellectuel, scientifique, technologique avec toute personne qui est à même de nous procurer des réponses efficaces. Il s’agit désormais non plus d’aller à des partenariats avec la Russie seule parce qu’on a quitté la France seule. Il faut aller à un partenariat multipolaire, un partenariat avec le Venezuela, Cuba, l’Allemagne, la Corée du Nord, la Chine, la Turquie, l’Iran. Il faut multiplier et diversifier les partenariats pour qu’aucun partenaire ne puisse se comporter comme la France s’est comportée pendant Soixante deux ans. Je pense que c’est un abri efficace et important sous lequel il faut se mettre.

Minute.bf: Après la rupture des accords militaires avec l’ancien colonisateur, quel autre cordon hérité de la colonisation souhaitez-vous voir couper ?

Je dirais que c’est le cordon de la domination religieuse. La domination religieuse qui est moins couteuse mais insidieuse. La domination religieuse va avec la domination culturelle. Vous voyez dans notre espace public, une sorte de néo panafricanisme qui s’alimente avec des volontés de talibanisation de notre pays, d’islamisation politique de notre espace public, de religionalisation de notre espace public. Il faut refuser cela et cela s’entretient bien évidemment avec des pays précis, comme l’Iran, le Pakistan et l’Arabie Saoudite. Ce sont des cordons qui vont être les prochains à être indexés et dénoncés parce qu’aucune autre vision du monde ne doit remplacer la nôtre. Celle issue des entrailles de notre culture. Je pense que c’est le prochain cordon auquel il faut s’attaquer avec respect et humilité de ceux qui pratiquent ces religions et de les faire comprendre bien évidemment que c’est important de ne pas se retrouver à être les relais d’un islam politique, d’une chrétienté politique , d’un bouddhisme politique. Vous vous souvenez en 2021, Macron était en train de dénoncer le financement des mosquées à Paris en France par les Qataris ou l’Arabie Saoudite. Nous devons aussi parvenir à cela. S’il y a des musulmans dans notre espace public, que ce soit des fonds burkinabè qui construisent les mosquées, qui construisent leurs cadres d’épanouissement spirituel pour que cela ne soit plus l’émanation des efforts stratégiques de domination et de soumission culturelle de notre peuple.

Propos recueillis par Lassané Sawadogo et retranscrits par Fatoumata Konaté (stagiaire)

Minute.bf

3 Commentaires

  1. Une très belle analyse du frère porte parole des ankcêtres. C’est vraiment une vision des ankcêtres transmise fidèlement. Félicitations et courage. La prochaine lutte avec humilité c’est la question religieuse.

  2. Je remercie minute BF puis Mr Bayala
    S’il faut dire quelque chose,je dirai que pour que la culture reprenne sa il nous faut un grand exercice de sensibilisation presque dans tous les villages du Burkina Faso.
    On doit d’abord faire comprendre aux gens les valeurs de notre culture et les faire comprendre comment le symbole et les formules leurs ont été transmis, les faire comprendre qu’il n’y a pas de différence à celle des blancs.
    Il faudra aussi les montrer les inconvénients de l’adoption d’une culture étrangères et l’abandon de la sienne. De toute façon ça ne doit pas être brusque ni sans une bonne préparation !!

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