jeudi 21 novembre 2024
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Sécurité routière : « Nous voulons zéro goutte de sang sur la route » (Mouni Mouni)

Moumini Koudougou connu sur les réseaux par le pseudonyme « Mouni Mouni », est l’administrateur principal de la page Facebook « Circulation de Ouaga ». Fonctionnaire de l’Etat burkinabè, il est aussi coach (conjugal et en développement personnel), consultant et formateur sur les questions de la vie de couple, le développement personnel, le leadership, la prise de parole en public. En plus de cela, il s’investi dans la formation en Community manager, ce qui, à l’entendre, a pu l’aider dans la gestion de la communauté virtuelle sur le réseau social Facebook, à travers la page de sensibilisation à la circulation routière « Circulation de Ouaga ». Dans cette interview qu’il a accordée à votre journal Minute.bf, « Mouni Mouni » revient sur la genèse de sa page qui compte désormais plus de 260 000 abonnés. Il décline les missions et ambitions de la page pour l’atteinte de l’objectif « Zéro goutte de sang » sur les routes.

Minute.bf : Comment est née cette initiative de créer une page Facebook dénommée Circulation de Ouaga pour contribuer à la sensibilisation contre les nombreux accidents que l’on constate chaque jour en circulation, surtout dans la capitale burkinabè ?

Mouni Mouni : Est-ce qu’on va encore appeler cela une initiative ? C’est quelque chose qui existait déjà. Vous entendez toujours les gens parler de la circulation de Ouagadougou. Des gens n’hésitent pas à dire, concernant la circulation : « A Ouaga on ne circule pas, on se feinte ». En réalité, il y avait déjà l’idée, il fallait juste la matérialiser. C’est ainsi que j’ai mis cette idée en pratique. L’objectif était de réunir tous les usagers de nos routes autour d’une communauté virtuelle pour partager leurs expériences quotidiennes. Ce partage du vécu quotidien de tous les usagers nous permettrons d’être moins stressés et moins frustrés en circulation. Ce groupe est un canal de promotion de la sécurité routière, du civisme routier. Nous voulons faire oublier ce slogan : « A Ouaga on ne circule pas, on se feinte ». Nous voulons réduire, voire mettre fin aux accidents que nous constatons sur nos routes, parce que nous ne voulons plus voir des gens verser encore leur sang sur les routes pour cause d’accidents.

Vous avez un concept qui est de « Zéro goutte de sang… » ?

« Zéro goutte de sang sur la route » c’est notre objectif principal. Plus jamais encore que du sang se verse sur la route. On se dit qu’on peut toujours réparer les dégâts matériels. Si vous êtes assurés, vous pouvez peut-être être pris en charge par votre assurance. Mais une fois que vous perdez la vie, c’est fini ; peut-être ce qu’on peut vous donner c’est une pension. Notre objectif c’est de faire en sorte qu’il y ait zéro goutte de sang sur la route, aucune goutte de sang ne doit se verser sur la route à cause d’accident.

Votre page se nomme circulation de Ouaga, est ce à Ouaga seulement que les gens vous suivent ?

C’est le nom, c’est juste un concept « circulation de Ouaga », sinon ce n’est pas Ouagadougou seulement qu’on est suivi.
Quand vous consultez les statistiques de notre page Facebook, vous verrez qu’il y a des Palestiniens, des Coréens, des Etats-uniens (Américains). Vous verrez qu’il y a beaucoup de pays qui nous suivent. Les pays voisins sont les plus nombreux. Nous avons des Ivoiriens, des Ghanéens, des Maliens, des Nigériens qui nous contactent pour nous dire leur encouragement pour notre initiative et nous appellent à nous ouvrir à d’autres pays. Nous leur faisons savoir que notre objectif actuel est de travailler à nous asseoir au niveau national d’abord. Et si vous avez remarqué, nous sommes en train de faire une tournée nationale. Nous avons déjà commencé dans la région des hauts bassins. Cette tournée va s’élargir à toutes les régions. Quand nous aurons fini de nous implanter sur le plan national, nous pourrons nous ouvrir à d’autres pays s’il y a lieu.

Êtes-vous seulement limité à votre page Facebook ou avez-vous pensé à vous constituer en association pour être légalement reconnu ?

Quand on a créé le groupe, le Directeur général de l’Office national de la Sécurité routière (ONASER) nous a rencontrés parce qu’il a jugé que l’initiative était bonne. C’est la première recommandation qu’il nous a faite. Il nous a encouragés à créer une association, parce que le groupe Facebook est bien mais le mieux est d’exister juridiquement. Actuellement, nous sommes dans cette logique, nous sommes dans la démarche pour pouvoir faire de ce groupe une association. Sinon, pour le moment ce n’est qu’un groupe Facebook mais qui est reconnu, avec lequel nous arrivons déjà à échanger avec certains partenaires.

A Ouagadougou, ce sont des milliers d’accidents par an, est-ce que depuis la création de votre groupe de sensibilisation vous avez le sentiment que vos messages passent au sein des populations et qu’aujourd’hui la tendance des cas d’accidents est baissière ?

A Ouagadougou, je ne vais pas dire que c’est une impression, disons plutôt que c’est une évidence. A l’occasion des fêtes de fin d’année, la Brigade nationale des Sapeurs-pompiers a sorti un communiqué qui dit clairement que cette année, il y a eu moins d’accidents par rapport aux années précédentes.

Le jour de la fête, on avait un objectif, un concept qui consistait à dire, « zéro goutte de sang pendant ces fêtes de fin d’année ». Les gens se sont mis dans la sensibilisation, on a mouillé le maillot et je pense que l’objectif a été atteint. On a enregistré un faible taux d’accidents au niveau de la circulation routière.

Aussi, actuellement, si vous arrivez à un feu, vous pouvez compter ceux qui portent les casques. Avant, c’était un évènement de voir quelqu’un porter un casque, si ce n’est peut-être quelqu’un qui veut voyager. Mais actuellement, les choses commencent à bouger et si vous voulez vérifier cela de façon scientifique, il suffit de voir les prix des casques actuellement. Avant, les casques se vendaient à 5 000 F CFA ; maintenant, le minimum pour un casque c’est 10 000 F CFA. C’est pour dire que les gens ne s’intéressaient pas à la chose auparavant, mais actuellement, ils ont compris l’intérêt.

Les gens s’intéressent aux casques et les prix ont augmenté, qu’est-ce que vous avez comme idée pour ne pas laisser les commerçants exploiter les populations, idée de réduire le coût et permettre à une grande majorité de s’offrir des casques pour se protéger en circulation ?

A ce niveau, nous ne pouvons rien faire parce que juridiquement, nous n’existons même pas d’abord. Nous nous contentons seulement de sensibiliser. Nous sommes des bénévoles, nous ne sommes pas payés pour faire ce travail.

De ce fait, tout ce que nous avons à faire, c’est d’inciter les gens à penser à se doter de casque. De l’autre côté, c’est d’inviter les commerçants à être républicains, à être intègres, honnêtes et à mettre l’intérêt général des populations en avant. Nous ne pouvons pas aller dire à un commerçant que ce qu’il fait n’est pas bon. Ce qu’on peut faire, c’est d’essayer de le toucher au plus profond de lui pour qu’il comprenne que c’est la vie des gens qui est en jeu.

Au Burkina Faso, le casque est obligatoire pour tout commerçant qui vend des engins mais on constate que cette loi n’est même pas respectée car les commerçants ne vendent pas les engins avec des casques. Que pouvez-vous faire à ce niveau pour le respect de cette loi ?

Tout ce que nous avons essayé de faire à notre niveau, parce que nous estimons que chacun doit faire sa part des choses, c’est de faire connaitre les textes. C’est quand on a révélé le texte (sur la page Facebook, ndlr) que les gens ont commencé à comprendre que le commerçant est obligé de vendre les motos avec les accessoires. Suite à cela, on a vu que les internautes ont largement partagé l’information sur différentes pages Facebook, ce qui est déjà bon.

Nous essayons de faire comprendre aux usagers de la route que si tu pars acheter une moto, tu as droit à un casque et si le commerçant ne veut pas s’exécuter, tu devrais refuser d’acheter la moto chez lui. C’est la meilleure manière d’obliger les commerçants à le faire, sinon nous n’avons pas de moyen de pression envers eux.

Avez-vous un appel à l’endroit des autorités concernées par cette question pour qu’ils assument pleinement leur rôle ?

Nous pensons que chacun doit faire sa part. Circulation de Ouaga fait sa part qui est la sensibilisation. Les autres parties aussi doivent jouer leur rôle.

Sur votre page, vous appelez au civisme, vous prônez utile. Qu’avez-vous à dire à cette jeunesse, surtout sur les réseaux, qui tient souvent des propos de haine ou d’injure à l’endroit de certains internautes ?

A ce niveau, je voudrais d’abord que les gens sachent qu’actuellement pour toucher plus de personnes, il faut plutôt utiliser le téléphone que de privilégier un autre moyen. Parce que la grande majorité de la population possède un téléphone actuellement et peut se connecter à internet. Le moyen le plus fiable et le plus facile, c’est de passer le message à travers internet et c’est ce que nous faisons. On passe les messages de sensibilisation sur la sécurité routière à ceux qui détiennent les portables, puisque les gens disent que c’est une génération tête baissée. (C’est à dire que chacun est concentré sur son téléphone). Donc, il suffit seulement de lui envoyer le message de sensibilisation sur la sécurité routière dans son téléphone et le tour est joué. Mais de l’autre côté aussi, c’est de savoir que si vous envoyez des messages haineux, des messages qui ne vont pas favoriser le pays et mettre en avant son développement, ces mêmes personnes recevront ces messages de haine. Maintenant, il faut se poser les questions suivantes en publiant ces messages : quel est mon but ? Qu’est-ce que je recherche? Si vous recherchez la bonne marche des choses, si vous recherchez le développement de votre pays, si vous souhaitez que votre pays soit l’Eldorado en quête par tout le monde, c’est à vous de revoir votre manière d’utiliser les réseaux sociaux. Chacun doit essayer d’être plus responsable possible avec l’utilisation des TIC et tout ce qui va avec.

Quelles sont vos ambitions futures dans cette lutte que vous avez entamée il y a maintenant 8 mois ?

Nous avons pour ambitions d’avoir une existence juridique reconnue, d’être une association reconnue avec un numéro, ensuite comme on l’a dit, nous voulons faire la tournée nationale, aller dans toutes les 13 régions du pays, faire des points focaux dans chaque ville et village pour pouvoir sensibiliser à la sécurité routière afin qu’ensemble on arrive vraiment à l’objectif « Zéro goutte de sang sur la route ». Quand nous disons zéro goutte de sang sur la route, ce n’est pas à Ouagadougou seulement, on peut réussir le pari à Ouaga, mais si à Bobo, à Koudougou, à Ouahigouya, etc. les gens continuent de mourir c’est que l’objectif n’est pas atteint. Nous voulons Zéro goutte de sang sur nos routes partout dans le monde.

Quel message de sensibilisation avez-vous à passer à l’endroit des populations ?

Voici ce que j’ai à dire à toutes ces personnes en circulation : Il y a des gens qui vous aiment, il y a des gens qui vous chérissent, il y a des gens qui comptent sur vous et il y a aussi des gens qui vous prennent comme modèle. On peut mourir d’une mort naturelle mais il y a des morts qu’on peut éviter. On peut éviter les morts sur les routes causées par les accidents de circulation. Nous vous encourageons à ne pas mourir sur les routes parce que ce sont des morts évitables. Beaucoup de personnes comptent sur nous. Si nous mourons en circulation, nous creuserons un grand vide dans l’existence de ceux qui comptaient sur nous. Nous les laisserons avec des cœurs meurtris. Si vous êtes un chef de famille, ça veut dire que la famille que vous avez laissée sera obligée de chercher d’autres voies de subsistance, et cela ne sera pas facile pour elle. Si vous êtes un enfant, cela voudrait dire que vous étiez l’héritier ou la personne qui devrait venir prendre la relève. Mais si vous mourez, vous aller briser le rêve de plusieurs personnes. Quand une mort est évitable, il faut vraiment prendre toutes les dispositions pour l’éviter. Je vous remercie !

Propos recueillis par Hamadou Ouédraogo
Minute.bf

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