samedi 7 septembre 2024
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Technologies : 200 ans après Cartwright, le Burkinabè Kushiator réinvente la machine à tisser automatique

Son nom ne dit certainement pas grand-chose. Ses œuvres, cependant, relèvent de l’extraordinaire. Au quartier Tanghin où il s’est installé, Newlove Kwaku Kushiator dit Providence, inventeur burkinabè d’origine ghanéenne, s’illustre de la plus belle des manières dans l’innovation technologique. Il développe une variété de systèmes industriels à partir de simples outils de fortune. Ses inventions, à la pointe de la technologie, vont de l’irrigation massive, à la protection des eaux, en passant par la construction de réservoirs souterrains ou de surface, de panneaux de signalisations solaires et bien plus. Sa dernière invention est une machine à tisser automatique, une première en Afrique plus de 200 ans après l’invention du prototype de cette machine par l’anglais Edmund Cartwright en 1785.

C’est à Tanghin, quartier populaire de la ville de Ouagadougou que Newlove Kushiator laisse parler son talent. Son atelier, un vieux magasin retapé, lui sert de laboratoire. C’est le temple du créateur. C’est là qu’il pense, conçoit et matérialise ses inventions.  L’atelier se distingue des autres magasins environnants par un grand disque éolien qu’il a installé sur le toit. La taille de l’objet fait qu’il ne passe pas inaperçu. Les passants, mus par la curiosité, s’arrêtent un instant pour admirer l’œuvre mais aussi les créations que l’homme a pris le soin d’exposer devant son magasin, à même le sol jouxtant le bitume.

Newlove est un inventeur né. Comme Thomas Edison, Nikola Tesla ou encore Alessandro Volta, il s’est donné pour mission de faciliter la vie à ses pairs, par la science qu’il a acquise. Ainsi, il innove, crée, invente. Ses œuvres touchent tous les secteurs et chacune d’elles est une révolution. A ce jour, l’inventeur a à son actif une centaine de créations dans une multitude de domaines. Couveuses industrielles, fumoirs à gaz ou solaire, machine à pluie (un système d’irrigation rapide), aérateurs électriques, machines de rebobinage automatique, drones, coffrets d’hygrométrie, capsuleuses automatiques, refroidisseurs électriques de boissons, sont autant d’œuvres qui allongent la liste des inventions du génie burkinabè.

Newlove kwaku Kushiator, inventeur burkinabè

Sa plus grande trouvaille demeure cependant, la machine à tisser automatique. Une machine semi-mécanisée qu’il a réussi à mettre sur pieds à partir de pièces détachées. Une petite révolution qui permet désormais aux tisseuses de produire en quantité le pagne traditionnel sans grand effort.

La machine fonctionne à l’électricité et aussi au solaire. Automatisée, elle ne nécessite pas une activité humaine pour fonctionner. Selon l’inventeur, elle a une capacité de production de 5 pagnes par jour avec une consommation en électricité très réduite. Sa durée de vie moyenne serait de 20 ans.

 « J’ai créé cette machine parce que je me suis rendu compte de la difficulté que rencontrent nos mamans à tisser à la main le pagne Faso Dan Fani. Parfois, même pour produire un seul pagne, elles font toute une journée assises en train d’actionner la machine. C’est très fatigant ! J’ai donc réfléchi pour concevoir cet outil afin de leur faciliter la vie. C’est une machine semi-industrielle qui va leur permettre de tisser les pagnes sans trop d’efforts », explique Providence.

Le fonctionnement de la machine à tisser automatique dans cette vidéo ⤵️

S’il est parvenu à toutes ces réalisations, c’est qu’il dispose de compétences au-dessus de la moyenne. Ces compétences, il affirme, à notre plus grande surprise, les avoir acquises sur une planète extraterrestre située à quelques centaines de milliards de kilomètres de la Terre. Une planète dont les habitants auraient une technologie à des années lumières de celle des humains. Sur cette planète où il dit avoir vécu, Kushiator affirme avoir été formé à l’invention de grandes machines et à la mise en place d’industries de hautes échelles.  Sa formation terminée, il dit avoir été investi de la mission de sortir les pays pauvres de leur précarité.

« Au Burkina Faso, notre mission principale consiste à redresser et à améliorer l’économie globale et à augmenter le pouvoir d’achat du gouvernement et de la population, grâce à la providence technologique. Pour l’agriculture, nous devons construire localement des barrages, des réservoirs souterrains et de surface pour le stockage de grandes quantités d’eau destinée à l’agriculture et à l’irrigation massive. Nous devons construire localement des tracteurs, des motopompes, des pompes éoliennes, des pompes solaires, des canalisations, des irrigateurs à mini pluie et d’autres machines agricoles pour nous permettre de cultiver nos champs facilement, rapidement et irriguer des millions d’hectares 12 mois sur 12, en vue d’augmenter fortement la production alimentaire malgré les changements climatiques », affirme-t-il.

Aperçu d’un feu tricolore inventé par Newlove Kushiator

Mais, l’inventeur burkinabè se dit incompris. Il affirme également manquer de moyens pour atteindre ses objectifs. Il dit déplorer surtout le manque de soutien et de confiance de la part des premières autorités à son égard. En dépit de ses inventions presque révolutionnaires, Kushiator Newlove affirme n’avoir jamais reçu d’accompagnement de la part des décideurs depuis ses débuts. Pourtant, dit-il, son ambition est de faire du Burkina Faso, une référence dans le secteur industriel au monde.

« C’est peut-être parce que je n’ai pas fait une école de formation ordinaire que les gens ne me font pas confiance. Sinon, moi je dispose de connaissances qui peuvent me permettre aujourd’hui de construire de grandes infrastructures comme les centrales électriques, les barrages. J’ai été même formé pour ça. Ce n’est pas pour les petites machines comme celles que je crée actuellement. Je dispose de capacités énormes, mais c’est difficile de convaincre les dirigeants, les Présidents, les autorités. C’est difficile d’avoir leur confiance pour qu’ils me confient des projets de développement. C’est cela le véritable souci », déplore-t-il, le visage attristé.

Une machine à pluie

Providence se dit « écœuré » et aussi « attristé » de voir certains projets d’infrastructures basiques confiés à des entreprises étrangères à des coûts exorbitants, alors qu’il y a de la compétence locale à même de les réaliser à prix réduits et surtout en qualité. Dans le domaine de l’Energie par exemple, l’un des maillons faibles du Burkina Faso, il soutient avoir pensé à un système de disques éoliens permettant d’exploiter le vent pour produire de l’électricité et en même temps faire de l’irrigation agricole à grande échelle.

« C’est un système qui doit nous permettre de produire de l’électricité en quantité pour nos populations et en même d’irriguer nos champs. C’est un système auquel j’ai pensé et je dispose de compétences pour le réaliser si toutefois j’ai l’accompagnement et les moyens nécessaires. Parce que les technologies qu’on importe de l’Europe vers l’Afrique ne sont pas forcément adaptées à nos réalités. L’énergie solaire telle qu’on l’utilise actuellement dans nos pays n’est pas adaptée. L’énergie éolienne telle qu’on l’utilise actuellement n’est pas également adaptée à nos réalités. Nous devons créer des industries qui soient adaptées à nos climats et à nos besoins », soutient-il. 

Au regard de la dynamique enclenchée par les autorités actuelles du Burkina Faso, Newlove Kwaku Kushiator dit espérer une main tendue, afin de lui permettre de traduire en actes ses idées et projets. Il souhaite un accompagnement de la part du régime du Capitaine Ibrahim Traoré, en vue de lui permettre d’industrialiser tous les secteurs porteurs du pays. Confiant en ses capacités, l’inventeur qui dit avoir tapé à toutes les portes sans succès, attend d’être mis à l’épreuve pour faire ses preuves. De sa ferme conviction, l’Afrique et particulièrement le Burkina Faso, ne pourra parvenir à un développement véritable que si elle exploite ses propres compétences.

Une pompe éolienne pour forage inventée par le génie burkinabè

« Le problème en Afrique c’est qu’on juge les gens par leur apparence et leurs diplômes, plus que leurs savoir-faire réels. Tant que tu n’as pas un diplôme sur papier, on ne te fait pas confiance. C’est notre grosse erreur. Dans les pays occidentaux, ce n’est pas le cas. Quand je voulais réaliser la machine à tisser automatique, c’était sous les régimes passés. J’ai sollicité un accompagnement auprès des autorités mais elles m’ont clairement dit qu’une telle chose n’était pas réalisable ici au pays. J’ai dû faire avec mes propres moyens de bords, pour leur prouver le contraire. Aujourd’hui voici la machine. Pourront-ils dire encore que ce n’est pas possible ? Il faut croire en nos propres compétences, au niveau local. Il faut qu’on nous donne l’occasion de faire nos preuves », pense M. Kushiator, convaincu que seule l’industrialisation des différents secteurs d’activités pourra permettre l’essor économique des pays africains à l’ère de la technologie.

Dans ses projets, le génie burkinabè ambitionne de former environ 5 millions de jeunes burkinabè dans la fabrication de machines destinées à la mécanisation agricole et à l’irrigation massive des champs. Il nourrit également l’espoir de fabriquer en quantité des métiers à tisser automatisés, au profit des tisseuses traditionnelles. Et pour parvenir à cela, il lance un appel au Capitaine Ibrahim Traoré, résolument engagé dans la promotion du « Produisons et Consommons local ».

La machine permet de tisser 5 pagnes par jour

« Si nous fabriquons nous-mêmes nos machines, elles vont non seulement nous coûter 5 à 10 fois moins chères, mais également, les réparations et les maintenances vont être plus faciles pour nous. Donc au stade actuel, moi je n’ai plus de mots. Tout ce que je peux demander aux autorités actuelles c’est de nous faire confiance et de nous confier les projets de développement. Ils peuvent même nous tester avec de petits projets pour voir ce dont nous sommes capables », souhaite le Directeur du Bureau de recherches et de Transfert de Technologies, structure qu’il a mise en place pour faire la promotion de ses produits.

En attendant le soutien espéré, Newlove Kwaku Kushiator poursuit ses « petites » inventions dans son atelier. Par moments, et sur sollicitation, il dispense son savoir dans certaines universités de la place.

Oumarou KONATE

Minute.bf

5 Commentaires

  1. Vraiment toutes mes félicitations à ce monsieur ! Vivement que son cri de cœur sois entendu par les plus hautes autorités afin d’avoir gain de cause pour le bien de tous 🙏

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