Le Centre national de Presse Norbert Zongo (CNP-NZ) a organisé, du 07 au 09 août 2024, un atelier de formation au profit d’une trentaine d’hommes et femmes de médias, sur la couverture des sujets sécuritaires. Cet atelier qui s’est tenu au siège du CNP-NZ à Ouagadougou, visait à améliorer la compréhension des questions militaires et sécuritaires par les journalistes, et à les outiller en matière de couverture médiatique des sujets en lien avec le domaine sécuritaire.
Que doit faire le journaliste dans ce contexte de crise sécuritaire ? Comment collecter, traiter et diffuser l’information dans un contexte de guerre anti-terrorisme ? Que doivent savoir les médias des actions de l’armée ? Que faut-il comprendre par démoralisation des troupes ? Comment éviter l’apologie du terrorisme ? Que savoir de la police de proximité ? Ce sont autant de questions qui ont prévalu à l’organisation de cet atelier. Durant 72h, les hommes et femmes de médias venus des 13 régions du Burkina Faso, ont vu leurs capacités renforcées sur ces differentes thématiques, chose essentielle pour se réadapter aux contexte actuel du pays.
Pour s’entretenir avec les journalistes, differentes entités issues du monde de la Defense, de la sécurité et des médias ont été conviées. Il s’agit notamment de l’Expert en sécurité Mahamadou Savadogo, de la directrice de la Police de Proximité, Anès Ouoba/Nignan, et de l’enseignant-chercheur en Journalisme et Communication, Moussa Sawadogo.
La communication de l’expert Mahamadou Savadogo, intervenue au cours de la première journée, a porté sur la situation actuelle du terrorisme au Burkina Faso. Elle a permis aux hommes de médias de comprendre les enjeux du terrorisme tant au niveau national qu’international, et le mode opératoire des groupes armés terroristes, ainsi que les réponses gouvernementales apportées depuis le début de la crise au Burkina Faso. La seconde communication développée par le Commissaire principal de Police, Anès Ouoba Nignan, Directrice de la Police de proximité, a permis aux hommes de médias de cerner les contours de la police de proximité et surtout de comprendre leur rôle dans la mise en œuvre de cette Police communautaire.
La dernière thématique, la plus attendue d’ailleurs de cet atelier, a été développée par l’enseignant-chercheur en Journalisme et communication, Moussa Sawadogo. Il a eu la mission d’entretenir ses confrères sur le rôle et la responsabilité sociale du journaliste dans le contexte de guerre actuel au Burkina Faso.
Les 4 valeurs du journaliste
Dans le développement de sa thématique, le Communicateur a d’abord relevé quatre valeurs, établies, à l’en croire, par le Professeur Serges Théophile Balima, que doit défendre tout journaliste dans l’exercice de la pratique. La première valeur porte sur la responsabilité du journaliste dans le traitement de l’information. Elle pose que liberté et responsabilité vont de pair. Ainsi, selon communicateur, « le journaliste doit toujours avoir à l’esprit, en toute circonstance, que sa responsabilité est engagée, dès lors qu’il veut traiter d’un sujet ou publier une information. C’est pourquoi, il doit être professionnel ».
La deuxième valeur est d’inspiration sociale, selon laquelle, l’homme est à la fois bon et méchant, noble et corrompu. L’homme de médias doit donc suivre une via media qui consiste à se situer entre ces deux excès contraires.
La troisième valeur, selon ses explications, est celle de la démocratie, c’est-à-dire la conviction que le peuple doit imposer sa volonté aux gouvernants et non I’inverse. Et le journaliste doit y contribuer.
Quant à la quatrième valeur, elle établit que le journaliste doit défendre la liberté d’expression et la liberté positive selon laquelle, aucun individu ne doit être inquiété pour ses opinions.
Poursuivant sa communication, Moussa Sawadogo a relevé une double posture du journaliste qui, consiste à être à un médiateur entre l’individu et la communauté. De ses dires, le journaliste doit pouvoir réaliser le mariage impossible de l’unité et du conflit. Le journaliste moderne, dit-il, doit pouvoir injecter du conflit (celui des idées) dans la société, avec pour objectif de rassembler, son idéal étant de faire vivre l’énigme de la démocratie, c’est-à-dire une conflictualité qui plutôt que de mener à l’éclatement, conduit à l’union. Dans cette double posture, l’enseignant-chercheur a relevé deux types de journalistes qui se côtoient : le journaliste rassembleur et le journaliste decentreur.
Le premier, selon ses explications, se contente des faits qui lui sont présentés et les relate tels qu’ils sont, sans aller au-delà, avec pour mission de rassembler. « Il s’attache aux faits pour pouvoir réunir des lecteurs aux opinons probablement divergentes sur le sujet, donc pour atteindre un dénominateur commun d’un lectorat de plus en plus large. Dès lors, les informations triomphent sur l’éditorial et les faits sur l’opinion. Le tout animé par la conviction de servir le bien public », a-t-il expliqué.
Quant au second, il va au-delà des faits, pour installer dans le public qui reçoit son regard, une chose tout autre et profondément dérangeante pour le nous (la conscience), avec pour secret espoir de changer positivement la société. « Ce qu’il dit et montre bouleverse les catégories habituelles et jette le trouble dans le nous du public, le défait au lieu de le constituer ou de le reconstituer, dans le secret espoir de le changer », a expliqué M. Sawadogo ajoutant que c’est dans cette deuxième catégorie que se rangent l’éditorial, les commentaires et les critiques journalistiques.
Le Journaliste burkinabè entre recherche de la vérité et devoir de préservation de la paix
L’enseignant-chercheur a relevé la complexité du rôle du journaliste, dans le contexte de crise et de guerre actuel. Selon ses explications, l’homme de média se trouve dans une situation doublement difficile où il doit, à la fois, rechercher la vérité, mais aussi, travailler à preserver la paix et la cohésion sociale. Dans un tel contexte selon le communicateur, il appartient au journaliste de demeurer professionnel et d’avoir toujours à l’esprit son devoir de préservation de la paix. Pour ce faire, il lui incombe de s’outiller et de renforcer sa culture journalistique pour comprendre le contexte et ses enjeux, en vue de mieux servir.
« Dans ce contexte, le journaliste doit bien s’outiller pour comprendre les enjeux du contexte et voir dans quelle situation se trouvent les populations, dans quelle situation se trouvent les dirigeants, et comment faire en sorte que chacun puisse travailler à la recherche de solutions. Le journaliste doit être à la fois très critique mais aussi porteur de propositions. Or souvent, il n’est pas évident qu’il n’y ait pas de couacs avec les autorités qui, en raison de la crise que nous vivons, ont défini une feuille de route dans laquelle elles demandent aux journalistes d’accorder toute l’importance au discours officiel. Or, il peut arriver que le discours officiel ne réponde pas aux attentes des journalistes. Mais, il revient au journaliste, tout en se posant ces questions, tout en cherchant à investiguer, de travailler à ne pas porter atteinte à la cohésion sociale, de ne pas aggraver la situation que nous vivons. Le Journaliste se trouve dans une situation où il doit rechercher la vérité, tout en ayant à l’esprit la préservation de la paix », a-t-il expliqué.
Recommandations
Pour s’adapter à ce contexte particulier, Moussa Sawadogo recommande aux rédactions, de clarifier davantage leurs lignes éditoriales à leurs journalistes, pour leur permettre de prendre en compte les enjeux du moment, dans le traitement de l’information au sein de leurs médias. Ainsi, il propose un encadrement plus serré des journalistes sur la ligne éditoriale dans chaque rédaction.
Aussi, de l’avis du Communicateur, les médias burkinabè pourraient se fixer des devoirs et responsabilités consensuels en fonction du contexte, à l’image de la presse rwandaise aux lendemains du génocide. Ces derniers, selon ses explications, avaient convenu d’une ligne éditoriale collective à suivre dans le sens de l’apaisement et de la préservation de la paix.
En organisant cet atelier de renforcement des capacités, le Centre de Presse Norbert Zongo s’est donné pour mission d’améliorer la pratique journalistique des hommes de médias burkinabè dans ce contexte de guerre. A l’issue de la formation, Boukary Ouoba, Chargé de programmes au CNP-NZ, a dit sa satisfaction par rapport au bon déroulement de l’activité.
A l’en croire, cette activité participe de la volonté du Centre de promouvoir le professionnalisme dans le traitement de l’information au Burkina Faso surtout dans la situation actuelle. « On a jugé qu’il était nécessaire de rassembler des journalistes sur le plan national pour échanger avec eux, avec des experts de divers profils. Nous espérons que les journalistes ont beaucoup appris et que ce qu’ils ont appris contribuera à améliorer la qualité de leurs plumes au profit de leurs rédactions respectives et du Burkina Faso en général », a-t-il dit.
Au sortir de la formation, les journalistes n’ont pas voilé leur satisfaction des connaissances reçues. C’est le cas de Boureima Kindo, Journaliste aux Éditions Le pays, qui dit sortir édifié sur les missions et le rôle du journaliste dans ce contexte de guerre.
« Nous sortons beaucoup renforcés, dans la perspective de contribuer à ramener la paix au Burkina Faso, tout en jouant notre rôle et bien évidemment en ayant des valeurs. Des valeurs qui peuvent se résumer en la responsabilité, en la vérité et le respect. Je pense que nous sortons édifiés sur le rôle que nous devons jouer », a-t-il témoigner tout en saluant cette initiative du Centre de Presse Norbert Zongo.
Oumarou KONATE
Minute.bf