dimanche 8 septembre 2024
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Tribune-Afrique noire : « Certaines OSC sont devenues un véritable fonds de commerce » (Hassane Baadhio)

Ceci est une tribune de l’écrivain et chercheur indépendant Hassane Baadhio, parvenue à la redaction de www.minute.bf. dans cette réflexion, il analyse le rôle des organisations de la société civile (OSC) en Afrique. « Les OSC d’hier et d’aujourd’hui en Afrique noire », est le titre de sa réflexion.

« Véritablement, quand allons-nous faire le bilan des Organisations de la Société Civile (OSC) en Afrique noire ? C’est à dire depuis l’implantation et  la visibilité des premières OSC, les thématiques portées par elles, leur degré de patriotisme et de mobilisation. Jusqu’à celles de nos jours. Avec leurs thématiques … Et la part des financements, de manipulations internes et externes. Tirons les leçons de l’adhésion ou de la non adhésion des populations à ces thématiques afin de mieux avancer.

Certaines OSC sont devenues  un véritable fonds de commerce  pour des gourous immersibles qui nagent dans le patriotisme alimentaire en trompant une masse d’individus, brandissant un patriotisme à la sauce panafricaine. Où sont-elles en termes d’idées  novatrices, futuristes ? Sur quels fondements  éducatifs, culturels (intrinsèquement basés sur nos valeurs propres) reposent leurs combats ?

Pourquoi aucune OSC n’a jamais valorisé ou supporté un scientifique noir ou un savant noir ? La vie se limite–t-elle uniquement à des combats politiques et à ses appendices et autres corollaires ? Si les autres sont en avance sur les Noirs, c’est d’abord une domination scientifique qui le permet. Le paradoxe, les plus grandes découvertes et inventions sont faites par des Noirs. Quand allons-nous résoudre ce problème de l’absence de Valorisation, nous Noirs ?

Prenons alors deux (2) exemples.

Le premier concerne le Professeur Tinto et son équipe dans la recherche contre le paludisme. L’Afrique noire enregistre à elle seule 93% des cas de paludisme dans le monde entier. Selon l’OMS, en 2020, le bilan pourrait approcher les 770 000 morts. Grosso modo, la fourchette de morts de paludisme tourne autour de 400 000 morts pour l’Afrique noire.

400 000, c’est l’équivalent d’une ville entière. D’une capitale ou d’une capitale économique en Afrique. Sûrement, d’une très grande ville. Alors sur une génération, donc 25 années, le nombre de morts est de 400 000 X 25 = 10 000 000. Ainsi, c’est la population d’un pays entier de l’Afrique subsaharienne qui disparaît.

Malgré les efforts faits par le Professeur Tinto et son équipe, et la reconnaissance de l’extérieur, ici en Afrique c’est le silence total. Les OSC, les ONG, les organisations des droits humains et le citoyen lambda devraient applaudir et valoriser. Sur ce plan là, seuls les Noirs sont dans cette logique de ne jamais aller à l’essentiel pour valoriser et financer.

Pourquoi donc, des grands génies scientifiques, dans le domaine de la santé comme Raoul Follereau et Louis Pasteur ont été, des siècles avant, valorisés ? Si nous les connaissons et avons bénéficié de leur savoir, c’est à cause de l’esprit de valorisation que les autres ont depuis des siècles.

Nationalisme. Patriotisme. Nous avons beaucoup entendu parler de nationalisme vaccinal avec la pandémie Covid 19. Ainsi, l’Iran et la Cuba ont décidé de fabriquer leur propre vaccin contre la Covid 19. Ici en Afrique, nous n’avons eu aucun débat, ne serait-ce que commencer par un débat sur le sujet. Pourtant, la race noire, malheureusement est la seule qui n’a pas encore fabriqué son propre vaccin. Que vaut un humain s’il n’a pas de dignité sanitaire ? La santé, c’est la première richesse de l’humain.

Quant au deuxième exemple, il concerne ce jeune étudiant Ghanéen  qui a inventé un moteur de recherche qui veut défier Google et YouTube. Comme toujours, il n’aura aucun soutien. Ni des OSC ni des ligues de consommateurs ni des ONG ni des Organisations des droits humains, encore moins des hommes et femmes politiques et du citoyen lambda. Voici la cruauté de la réalité africaine.

A titre d’information, Google fait partie des GAFAM qui pèsent 9 000 milliards de dollars en juillet 2022. Quand je dis que les Noirs, hélas sont très sélectifs dans leurs combats, vous comprenez mieux maintenant. L’exemple de ce jeune étudiant Ghanéen n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres.

Fondamentalement, nous Noirs sommes très drôles. Nous voulons des milliards à gogo. Mais nous mettons des milliards d’années pour changer. Si les autres ont des milliards, c’est qu’ils n’ont pas mis des milliards d’années pour changer. Le premier des combats du Noir pour qu’il évolue, c’est d’abord de Changer.
Réellement quelle combativité avons-nous quand nous ne formons jamais des rêves d’égaler les autres et même de les dépasser, sur tous les plans? Les Asiatiques nous ont prouvé  que cela est possible. Malheureusement, nous aimons, nous Noirs, trop nous plaindre. Mais, nous oublions que l’Allemagne comme le Japon ont connu les pires atrocités de la guerre mondiale. L’Allemagne est la première puissance économique de l’Europe aujourd’hui. Les deux (2) pays, Allemagne et Japon figurent dans le top 10 des puissances économiques mondiales. Vous n’avez jamais entendu ces pays se plaindre de ceux qui les ont dominés. Leur préoccupation première a été de prendre la résolution, consciemment et consciencieusement de se relever. Et ils l’ont fait. Nous, hélas, nous ne sommes pas au stade de la prise de conscience réellement. Pendant qu’ils raisonnent en termes de défi, nous, nous évoluons en repli.

Pire, nous sommes très sélectifs dans les combats que nous menons. Le Noir a 1000% de patriotisme sportif. Et 0% de patriotisme scientifique. Là où les autres ont 95% de patriotisme scientifique et 5% de patriotisme sportif. Étant entendu d’ailleurs que les sports que nous applaudissons  viennent de chez eux. Pour eux, ce sont des loisirs et divertissements qu’ils ne confondent pas à la matière grise. Un exemple qui explique pourquoi ils avancent. Dans un pays comme la France, un système a été inventé pour permettre aux enfants de lire. Et, c’est une somme de 30  à 300 euros qui est attribuée à cet effet. Tout cela pour encourager à la lecture, et susciter un déclic afin qu’un plus large public de jeunes s’investisse dans la lecture. La lecture, ils l’ont comprise, est un investissement de premier ordre. Ici en Afrique, il faut conjuguer le mot lecture avec le mot déclin, voire négation. À titre de comparaison, selon des recherches faites sur internet, un pays très riche, peuplé et vaste comme la République Démocratique du Congo (RDC) n’a qu’une seule  librairie. Le Tchad aussi hélas !!! Qui dit mieux ? Voici de véritables fléaux et bombes à retardement qui nous ruinent jusqu’à menacer la disparition de notre race. Qui mènera ce genre de combat titanesque mais très salvateur ? En posant le problème, si le déclic naît, ce sera déjà un premier pas de positif franchi.
Personnellement, j’ai publié, il y a plus d’une décennie un article dans la presse intitulé : « La lecture comme arme du Développement ». En faisant, bien évidemment, des propositions en la matière. Mais à qui cela intéresse ?

Notre prise de conscience se fera le jour quand nous accepterons de nous remettre en cause, de faire notre mea-culpa, en changeant nos mentalités, nos comportements et modes de vie. La réussite de nos combats, vraiment, de tous nos combats est conditionnée par cette évidence. Le vrai et même véritable patriotisme du Noir, c’est de se remettre en cause, d’accepter de faire son mea-culpa, d’aimer sa propre race, de valoriser au lieu de détruire ou de renier la Positivité. Puis de tuer en nous cet esprit d’égoïsme immonde comme la bête immonde et d’individualisme notoire. Commençons à mener le Combat contre nos propres tares  saignantes et béantes ainsi  que de  nos  faiblesses récurrentes. C’est l’essence primordiale du Patriotisme qui signera la réussite de nos combats : de tous nos combats.

Désormais, reconnaissons par ailleurs que depuis les indépendances jusqu’à nos jours, nous avons échoué dans les combats que nous menons. Objectivement, nous regressons. Et, il vaut mieux tirer la sonnette d’alarme afin que nous repartons sur des bases nouvelles. Sans fuite en avant. Ni faux-fuyants. L’impasse sur notre avenir est totale. L’heure est grave mais nous ne nous soucions pas de cette gravité. Jusqu’à quand continuerons-nous de faire la grimace en accusant le voisin où l’étranger au lieu de nous assumer ? Cette vision nous conduit à la catastrophe. Nous voyons toutes et tous comment la longue descente aux enfers a commencé depuis les indépendances. Mais nous préférons rester aveugles et sourds. Quand le moment fatal viendra : il sera trop tard.

Un exemple concret : l’Algérie et la France parlent d’un travail de mémoire. Nous, peuple d’Afrique noire dans notre  globalité, en interne, quel travail et devoir de mémoire faisons-nous sans attendre les autres, concernant les époques les plus lointaines comme la traite négrière jusqu’au néo-colonialisme que nous vivons aujourd’hui ? Combien de Noirs savent par exemple que les Noirs ont connu la colonisation Arabe ? Où sont les historiens, les élites intellectuelles noires face à cette Déchirure de l’Histoire ?

Les  pays  occidentaux qui ont colonisé l’Afrique noire reconnaissent les méfaits de la colonisation comme crime contre l’humanité. Et se penchent sur ce passé colonial douloureux. Aux Etats Unis, des lois fédérales sont votées depuis longtemps qui visent à lutter contre le racisme. Ces lois portent souvent le nom de Noirs. C’est vrai que tout cela n’est pas suffisant. Toutefois, notez ici en Afrique noire notre silence et notre indifférence face à cette thématique. J’aime souvent dire qu’on n’avance pas dans l’indifférence. On ne grandit pas dans l’indifférence. Et on ne construit pas dans l’indifférence. L’être Noir est un être indifférent à son propre sort. Autrement, voici une thématique qui devrait intéresser au plus haut point les OSC .
Aujourd’hui, les Noirs sont sous l’emprise de deux (2) types de patriotismes, tout aussi destructeurs et nocifs. C’est ce que j’appelle primo le « patriotisme alimentaire » et secundo, le « patriotisme téléguidé ».

Ils sont nocifs parce qu’ils nous conduisent inéluctablement vers ce que de nouveau je qualifie d’ « intégrisme patriotique ». Prenons donc le recul nécessaire pour en arriver à l’Esprit d’Élévation. Nos combats et notre combativité doivent être fondés sur nos valeurs fécondes.

Cessons de toujours vouloir ressembler aux autres. Notre mimétisme est un véritable fléau. Nous ne serons jamais comme les autres. Avançons avec nos propres identités ainsi que nos propres idées. Surtout sans complexe. Pour le meilleur et plus jamais pour le pire.

Hassane Baadhio, écrivain et chercheur indépendant

Minute.bf

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